La saison des soldes d'hiver n'a pas permis aux commerçants de rattraper ne fut-ce qu'une partie de leur manque à gagner de la saison. Mais ils ont encore jusqu'à la fin mars pour espérer. En attendant des jours meilleurs...
Par Yüsra N. M'hiri
La période des soldes d'hiver, fixée initialement du 1er février au 17 mars, ne semble pas avoir satisfait les commerçants. Le ministère du Commerce a dû donc la prolonger jusqu'au 30 mars.
Il s'agit bien de la meilleure période de l'année pour faire du shopping et se faire plaisir car les prix sont revus à la baisse, avec des démarques importantes. C'est aussi une période, où les commerçants (1.260 entreprises commerciales et 12.748 points de vente dans toutes les régions du pays), notamment du prêt à porter (72%), peuvent liquider parfois «à perte» – c'est du moins ce que prétendent certains d'entre eux –, pour pouvoir écouler la «marchandise» invendue et se préparer à la nouvelle collection.
Devant les centres commerciaux, ce n'est pas la grande foule.
Ces derniers jours de rabais, on s'attendait à ce que les commerces soient envahis par les acheteurs, comme à l'accoutumée, la météo favorisant cela. Mais les centres commerciaux du centre-ville de Tunis étaient tristement vides, en ce mardi gris et nuageux.
Les magasins concurrencés par le Net
Les magasins ont pourtant misé gros; ils n'ont pas lésiné sur la décoration, ni sur le marketing, et encore moins sur l'agressivité commerciale des vendeurs, qui affichent leur plus beau sourire et tentent d'allécher les clients avec des offres très tentantes.
Un vendeur un peu agacé, lassé certainement d'attendre le client absent, explique que les magasins souffrent des «ventes privées» des grandes marques organisées sur les réseaux sociaux. C'est une nouvelle tendance, qui se consolide de jour en jour. «Il y a même une livraison à domicile, ce qui encourage l'acheteur à s'investir dans la télévente au lieu de se déplacer au magasin», déplore-t-il.
Son collègue pense, quant à lui, que la rareté des acheteurs est due à la crise économique sévissant dans le pays. Il dira, en murmurant, de peur d'en choquer quelques uns: «La situation économique s'est beaucoup détériorée et l'ère d'avant la révolution était, sur le plan commercial du moins, beaucoup plus agréable pour tous.»
Les commerçant rivalisent d'offres commerciales pour attirer des acheteurs qui se font désirer.
La mode à petits prix
Des jeunes jettent des regards fuyants sur les vitrines et passent leur chemin, sans s'arrêter. Ils sont là pour flâner et non pour acheter. D'autres poussent les portes des boutiques, mais ils se contentent souvent de se renseigner sur les prix des articles à la mode. «On ira chercher les bons modèles aux fripes ; ça coûtera moins cher et là-bas, au moins, on sera sûr de la qualité, car nous y trouvons des grandes marques de vêtements à des prix très intéressants», explique Youssef, la vingtaine, au look de «fashion victime».
Mme Saïda, maman de 3 enfants, est là pour faire des achats mais souhaite dépenser le minimum, car «dans une conjoncture pareille, nous devons assurer le pain quotidien et les emplettes de tous les jours. Il est de plus en plus difficile de joindre les deux bouts. Alors, je profite des soldes pour acheter les vêtements à des prix raisonnables, parfois les chaussures pour le prochain hiver. C'est ainsi que je me débrouille depuis des années, et que je me permets d'acheter des ''extra''».
Les articles sont accessibles à partir de 10 dinars, mais les acheteurs trouvent cela encore trop cher, Hanen nous explique que la qualité n'est pas au rendez-vous: «Moi je n'achète que des vêtements signés lorsque j'en ai les moyens. Sinon, je me dirige comme la plupart des Tunisiens vers le marché des fripes, où à 10 dinars, j'ai un article de marque et de bonne qualité».
Les recettes sont très en-deçà des espérances.
Une économie en berne
Il faut dire que la situation dans le pays est peu propice aux grandes dépenses. Aux difficultés financières s'ajoute l'inquiétude générale pour l'avenir du pays qui tarde encore à retrouver sa stabilité d'avant la révolution. Conséquence : la consommation et le plaisir au quotidien passent largement en second plan des préoccupations des Tunisiens.
Les commerçants – ou les bons parmi eux – sont donc contraints de rivaliser de séduction commerciale (prix alléchants, musique attrayante, sourires avenants des vendeuses, petits cadeaux de la maison, etc.) et cela finit souvent par payer. Car certains clients se laissent volontiers séduire et déboursent une partie de leurs salaires pour se payer une petite folie.
N'empêche que les recettes encore très en-deçà des espérances. Les commerçants ont donc encore jusqu'à la fin mars pour essayer de rattraper une partie de leur manque à gagner de la saison. En attendant des jours meilleurs...