Les autorités voient le verre plutôt plein. Les commissaires le trouvent à moitié vide. Cinq ans après son entrée en vigueur, la loi sur la sécurité des relations financières ne fait pas l’unanimité. Une conférence, jeudi 21 octobre, à la Maison de l’Entreprise, a permis de confronter les évaluations.


Cinq ans presque jour pour jour après son entrée en vigueur, la loi sur la sécurité financière est loin de faire l’unanimité. Une évaluation qualitative a été menée par le ministère des Finances, en collaboration avec le Conseil du marché financier (Cmf) et l’Ordre des experts comptables de Tunisie (Oect), à partir d’un échantillon, «en vue de mesurer le degré d’application» de cette loi. Il en ressort, selon M. Moncef Bouden, secrétaire d’Etat auprès du ministre des Finances, un bilan largement positif.

Une bonne réactivité des entreprises
Devant les participants à la conférence organisée à cette occasion par le Centre tunisien de la gouvernance d’entreprise (Ctge) – relevant de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace) –, le jeudi 21 octobre, le secrétaire d’Etat a égrené une série de chiffres pour illustrer son point de vue.
Ainsi, la majorité des sociétés concernées par la désignation d’un commissaire aux comptes (89,5%) se sont conformées à cette obligation; toutes celles devant appliquer le principe de rotation de ces experts et du double commissariat en ont fait de même; toutes les sociétés faisant appel public à l’épargne devant
désigner un comité permanent d’audit l’ont fait, alors que 62,5% parmi les autres en ont un en place; la proportion d’entreprises ayant respecté l’obligation de publier tous les trois mois leurs indicateurs d’activité est allé crescendo en 2009 du premier trimestre (92%), au second (98%), au troisième (100%) avant de baisser légèrement durant le quatrième (96%); et seulement deux d’entre elles ont dépassé – de trois jours – le dernier délai; 75% des entreprises soumis à cette disposition ont publié leurs états financiers intermédiaires dans les délais en 2009 et cette proportion a grimpé à 87% durant le premier semestre 2010; pour les états financiers annuels la proportion des sociétés publiant les leurs dans les temps est passée de 71% en 2007, à 86% en 2008 et à 88% en 2009; et, enfin, 59% des franchissements de seuils ont été déclarés dans les temps (5 jours) en 2009, contre seulement 27,5% en 2008.

Une contrainte pour un avantage

Dans le monde de l’entreprise, l’appréciation de l’impact de la mise en œuvre des dispositions de la loi de sécurité financière semble avoir évolué dans le temps. C’est du moins le cas pour Hannibal Lease. Son président directeur général, M. Hechmi Djilani, avoue que les obligations découlant de cette loi ont «commencé par être une contrainte pour Hannibal Lease. Mais, avec le temps cette contrainte est devenue un avantage et même un gros avantage, puisqu’elle nous a fait franchir un pallier en terme de gestion de notre entreprise ».
En clair, le patron de Hannibal Lease a profité de la présence quasi-permanente des commissaires aux comptes «pour poser toutes les questions sur la stratégie d’entreprise» et se faire ainsi aider afin de mener sa barque au mieux.
Les commissaires aux comptes, eux, ne l’entendent pas de cette oreille. Fayçal Derbel avoue avoir «un goût d’inachevé. Car il fallait aller jusqu’au bout et créer des organismes chargés de superviser l’application de cette loi». Pour Ahmed Mansour, «la loi de 2005 est une bonne chose, mais comme toute œuvre humaine elle est perfectible». Le président de l’Oect met en doute par exemple l’utilité de la rotation des commissaires aux comptes supposée améliorer la prestation de ces derniers. «On s’est trop appesanti sur la rotation, mais je n’ai pas vu d’amélioration au cours des cinq dernières années. Au contraire, je vois des difficultés».
Autant dire que la question mérite d’être approfondie et le système amélioré.

N. B. A.