Jamel Gamra, ministre du Tourisme, a déclaré hier que les affrontements violents du 19 mai (à Kairouan et à la cité d'Ettadhamen) n'ont eu que peu d'impact sur la saison touristique actuelle. Un optimisme démesuré...
Par Marwan Chahla
Rassurant, M. Gamra, qui clôturait le Festival de Mayou du Kef, a étayé ses propos, au micro de la chaîne Wataniya-1, en précisant que la Tunisie a réalisé, jusqu'au 10 mai, des chiffres équivalents à ceux de l'année dernière à la même période.
Les incidents auxquels le ministre se réfère ont secoué le pays une semaine plus tard...
Soigner la propreté et garantir la sécurité
De retour d'un marathon européen, où il s'agissait de promouvoir la destination tunisienne sur le Vieux continent et de tenter de faire remonter la pente à notre secteur touristique souffrant, M. Gamra s'est montré plutôt optimiste: «Il est vrai qu'il y a eu des incidents, la semaine dernière. Et l'on pouvait s'attendre à ce que ces incidents aient des effets négatifs sur le déroulement de la saison. Dieu merci, ceci ne s'en est pas ressenti au niveau des chiffres. D'ailleurs, nous n'avons aucune autre alternative: il nous faut persévérer. L'on se doit de travailler, travailler et travailler. Nous devons continuer à soigner la propreté de notre pays et à garantir sa sécurité et nous devons œuvrer à offrir aux visiteurs la meilleure qualité de services possible».
«Le nombre de visiteurs jusqu'au 10 mai dernier a été égal à celui de 2012 à pareille période. Ce qui est, de toute évidence, un indicateur positif. Nous espérons réaliser de meilleurs scores: notre espoir est d'obtenir de meilleurs résultats et de retrouver les chiffres de 2010, c'est-à-dire attirer les 7 millions de touristes», a ajouté le ministre.
Rappelons à M. Gamra que les incidents de Kairouan et de la cité d'Ettadhamen auxquels il se réfère, et où du sang a coulé et il y a eu mort d'homme, ont eu lieu dimanche 19 mai... Par conséquent, il faudrait peut-être attendre avant de se prononcer sur leur impact.
Par ailleurs, la comparaison avec les chiffres de 2012 n'est en rien rassurante. La seule comparaison qui vaille serait avec ceux 2010, année de référence, et là l'état des réservations indique plutôt une forte baisse. Quant à vouloir remplacer la chute attendue des marchés traditionnels (français, italien, algérien, belge...) par une hausse des petits marchés (russe, ukrainiens, polonais...), le gain serait maigre.
L'islamo-démocratie est-elle compatible avec le tourisme?
Une chose, cependant, reste indéniable: le tourisme, jadis une valeur sûre de l'apport en devises étrangères, la locomotive, voire le fleuron, de l'économie tunisienne, un secteur générateur plus qu'important d'emplois et une activité économique qui a toujours véhiculé une image resplendissante de la Tunisie ouverte, moderne et progressiste, a subi, selon une logique révolutionnaire évidente des à-coups.
Il ne pouvait en être autrement: le 14 janvier 2011 a brouillé toutes les cartes, déboulonné tant de certitudes et remis en cause bon nombre de repères.
Cependant, cette confusion de la transition, son instabilité et la longue attente des hôteliers, et autres artisans et travailleurs qui gravitent autour de l'activité touristique, n'ont que trop duré.
La Révolution, seule, ne peut porter toute la responsabilité de ces déconvenues. La gestion des affaires du pays, tout le monde sait, est globale. Si le secteur du tourisme peine et s'il enregistre encore un manque de réussite notoire, c'est que la Troïka qui nous gouverne depuis un an et demi n'a tout simplement pas été compétente. Que l'on fasse toute les lectures possibles et imaginables et l'on en arrivera toujours à la même conclusion: l'«islamo-démocratie» a été un échec total. Et Ennahdha n'a convaincu ni les investisseurs étrangers ou nationaux, ni les touristes.
Ironisons, avec une profonde amertume: les seuls visiteurs que les Nahdhaouis ont réussi à attirer ont été les prêcheurs wahhabites qui viennent en grand nombre tenter de réapprendre l'islam aux Tunisiens... Nous connaissons malheureusement la suite de ces visites indésirables: jihad, extrémisme religieux, troubles, violence, terrorisme, etc.