Pour prendre des ailes, la coopération dans le secteur artisanal entre la Tunisie et la Libye a besoin d'être revue et corrigée. Les responsables des deux pays voisins l'ont bien compris et un procès verbal a été en ce sens signé, vendredi dernier.
Par Zohra Abid
De part et d'autre, les responsables savent bien qu'après la révolution dans leurs pays respectifs et le flou qui a trop régné dans divers secteurs, il était temps de retrousser les manches, recoller les morceaux et reprendre les rênes, notamment dans le secteur de l'artisanat, souvent considéré comme le parent pauvre de l'économie, alors qu'il participe largement à l'épanouissement de la vie quotidienne.
Une feuille de route tracée à Denden
L'occasion s'est présentée en marge de la visite officielle en Tunisie, la semaine dernière, du chef du gouvernement libyen Ali Zeidan, qui était accompagné d'une délégation ministérielle, pour discuter d'une série de sujets politiques et économiques avec les hôtes tunisiens. Le dossier de l'artisanat n'a pas été oublié. Au contraire...
Vendredi 14 juin au siège de l'Office national de l'artisanat (Ona) à Denden, à l'ouest de Tunis, le procès verbal d'une coopération bilatérale entre la Tunisie et la Libye a été signé par Sofiène Tekaya, directeur général de l'Ona et Khaled Brahim Souiden, directeur chargé de l'artisanat au ministère libyen de l'Industrie. Ce dernier était accompagné notamment de Hassen Zayed Larbi, directeur du cabinet du ministre de l'Industrie, et Nacer Maâtoug Abdelhedi, président du bureau des affaires des artisans au même département.
Sofiène Tekaya et Khaled Brahim Souiden lors de la conférence de presse.
Lors de son séjour tunisien, la délégation libyenne a assisté à une campagne de sensibilisation de l'artisan à Ben Arous et effectué une visite au Palais de l'artisan aux Berges du Lac de Tunis. «Ici, il y a beaucoup à apprendre et des produits à promouvoir et il est bon de le savoir pour éviter la contrefaçon de la Chine qui inonde les marchés du monde», a indiqué l'un des hôtes libyens.
Booster le secteur, c'est créer des emplois
Les rencontres du 11 au 15 juin étaient fructueuses, estiment les responsables de la Libye post Kadhafi, et une feuille de route a été tracée avant de passer à la signature, en septembre prochain, d'un accord définissant, dans un premier temps, une coopération qui prendra fin en 2014. «Avec ce PV, nous avons posé la première pierre d'un jumelage dont nous attendons beaucoup. La suite va se faire au fur et à mesure», a déclaré, au cours d'un point de presse, le directeur général de l'Ona.
«Le secteur va certainement contribuer au marché de l'emploi dans les deux pays. Il va y avoir un échange des produits d'artisanat et des facilités dans les formalités de l'import et de l'export. Nos amis et frères libyens ont présenté des propositions constructives et nous comptons notamment sur l'exportation de nos produits dans les pays africains», a déclaré Sofiène Tekaya.
«A part l'exportation en Libye, nous pouvons compter sur le marché africain pour promouvoir certains de nos produits. Nos voisins connaissent mieux que nous ce qui marche et ce qui ne marche pas notamment au Mali, au Nigéria et ailleurs où la chechia tunisienne est très appréciée. Ainsi que la poterie, le tapis et le cuivre», a ajouté M. Takaya avant de préciser qu'il y a un début d'accord sur une éventuelle participation conjointe dans les foires et salons internationaux.
Une coopération assez ancienne
Le partenariat dans divers secteurs entre la Libye et la Tunisie n'a pas commencé avec la révolution dans les deux pays. Il y a toujours eu des échanges commerciaux et des relations économiques étroites. Mais après la révolution, on cherche à actualiser cette coopération restée en veille et la relancer sur des bases solides.
Le savoir-faire des artisans tunisiens peut profiter aux artisans libyens.
Le 28 décembre 2001, il y a eu, en effet, la signature d'un partenariat dans le domaine artisanal et un jumelage entre les deux pays. En juin 2005, la Tunisie a revisité son terroir et diversifié sa production. Résultat: le secteur a rayonné en Libye et l'artisanat a contribué à l'ameublement et à la construction des hôtels et des institutions publiques et privées et à renflouer ainsi les caisses du pays. Au point de penser à consolider le partenariat dans le secteur qui fait vivre des dizaines de milliers d'artisans de plus en plus jeunes et de plus en plus inventifs. Un colloque s'inscrivant dans ce cadre, a eu lieu à Tripoli du 16 au 18 juin 2006. Suivi par un autre, un an et demi plus tard, à Kairouan, du 7 au 9 décembre 2007, qui a permis une réflexion sur les moyens modernes pour booster le secteur. Un autre rendez-vous a été pris du 11 au 13 mai 2009 à Tripoli. C'était autour du thème du développement et de la promotion des produits de l'artisanat dans la région. En juillet 2010, un premier comité a vu le jour pour faire le suivi du dossier de la coopération et, 3 mois plus tard, les choses se sont accélérées fixant un rendez-vous au 25 janvier 2011 afin de réfléchir aux moyens d'intégrer les nouvelles technologies dans l'artisanat. Mais à cause des troubles ayant accompagné les évènements de la révolution, en Tunisie puis en Libye, tout a été suspendu pendant près de deux ans.
Repartir du bon pied
«Il y a cette confiance entre les Libyens et les Tunisiens qu'il faut exploiter. Nos artisans et ceux de Libye se connaissent bien et les commandes se font même par téléphone», a dit à Kapitalis, Khaled Brahim Souiden. Qui a ajouté qu'aujourd'hui, les choses sont différentes. «Notre partenariat doit être réglementé. La transparence doit primer et nous devons ensemble lutter contre la contrebande qui freine tous nos efforts... Nous devons également actualiser notre coopération et tout doit passer dorénavant selon la loi», a précisé M. Souiden.
Selon lui, la Libye qui compte moins de 5.000 artisans a tout intérêt à s'adosser à la Tunisie. «En 2004, des Tunisiens ont formé des artisans au centre de Ghariane. Aujourd'hui, il n'y a plus grand-chose. Nous devons reprendre tout et nous comptons beaucoup sur les compétences tunisiennes pour relancer notre artisanat », a-t-il conclu, formant l'espoir de voir son pays repartir cette fois du bon pied.