Les exportations tunisiennes ont plus que quadruplé entre 1995 et 2010 (passant de 4 à 18 milliards de dinars). Mieux: leur contenu technologique s’est amélioré, passant de 12% en 1995 à 30% en 2009.
Ces indicateurs ont été soulignés par M. Afif Chelbi, ministre de l’Industrie et de la Technologie, qui intervenait à l’ouverture du colloque sur «La Tunisie, centre euro-méditerranéen de l’innovation et de la compétitivité», le 13 octobre dernier, à Tunis.
Selon la dernière enquête de suivi du Programme de mise à niveau (Pmn), la moitié des entreprises tunisiennes réalisent des innovations sous une forme ou une autre, a ajouté M. Chelbi. En effet, a-t-il expliqué, sur un échantillon de 400 entreprises, 47% réalisent des innovations en matière de produit, 66% en processus de production et 49% en marketing.
Renforcer le contenu technologique des produits
Cette évolution quantitative est attestée par le fait qu’un bon nombre d’entreprises tunisiennes sont homologuées «concepteur de rang 1» par des constructeurs automobiles internationaux, ou «fournisseurs de produits finis textiles» par de grands distributeurs européens. En classant la Tunisie au 31e rang mondial en matière d’innovation, le dernier rapport du Forum économique de Davos n’a fait que traduire ces profondes mutations.
«Néanmoins, a concédé le ministre, ces résultats ne doivent pas occulter les lacunes technologiques qui reste à combler dans le tissu industriel tunisien. Pour espérer porter les exportations industrielles à 25 milliards de dinars et la part des activités technologiques dans ces exportations à 50% en 2014, comme le préconise le Programme présidentiel pour 2014, l’industrie tunisienne n’a d’autre choix que de renforcer le contenu technologique de ses produits.
Pour aider à atteindre ces objectifs ambitieux, le gouvernement a d’ailleurs mis en place une Stratégie du développement technologique de l’industrie, qui vise à renforcer les infrastructures technologiques moyennant l’investissement de 1 milliard de dinars, à développer les réseaux universités-entreprises, à mettre en place des mécanismes de financement spécifiques et lancer un ambitieux programme de promotion de la Tunisie en tant que site industriel et technologique.
L’innovation, principal facteur de compétitivité
Le triptyque «qualité-coût-délai» n’est plus suffisant pour demeurer compétitif, l’innovation est désormais le 4e et principal facteur de compétitivité et de différenciation, a renchéri M. Hédi Djilani. Le président de l’Utica, on le sait, a toujours su réconcilier les revendications des hommes d’affaires et les recommandations du gouvernement, veillant à la solidité de l’entente entre les opérateurs privés et les responsables publics, fondée sur les intérêts bien compris.
Pour M. Djilani, les entreprises, et notamment celles qui se lancent dans un projet d’innovation, sont appelées à faire preuve de plus d’imagination, de créativité et d’anticipation pour saisir les opportunités qui s’offrent suite aux mutations technologiques et aux crises, souvent synonymes d’opportunités.
Mais tout en saluant les efforts déployés par l’administration en matière de promotion de l’innovation, l’homme d’affaire a appelé celle-ci à faire preuve de davantage de souplesse et d’efficacité et à moins de formalisme et de rigidité. L’administration est, il est vrai, trop soucieuse de préserver sa prééminence, au point d’en oublier parfois que la création des richesses et des emplois dépend autant des textes et des mécanismes qu’elle met en place que de l’adhésion, de la réactivité et de la créativité des entrepreneurs.
Coup de pouce à la recherche
L’économie tunisienne étant fortement amarrée, pour ne pas dire dépendante, de celle de l’Union européenne (Ue), qui représente de 70 à 80% de nos exportations, recettes touristiques, transferts des expatriés, etc., les relations entre Tunis et Bruxelles ont toujours porté la marque d’une volonté commune de hisser l’industrie tunisienne aux normes européennes. Ce qui a fait dire à M. Adrianus Koetsenruijter, ambassadeur, chef de la Délégation de l’Ue en Tunisie, que la Tunisie et l’Ue partagent la même approche stratégique en matière d’innovation et ont une approche globale de leur coopération dans ce domaine.
Aussi, a-t-il ajouté, l’appui de l’Europe à la Tunisie couvrira-t-il tous les champs relatifs à l’innovation et portera sur l’optimisation du dispositif institutionnel d’appui, des mécanismes de financement et du cadre réglementaire. Dans ce même cadre, l’Ue soutiendra les chercheurs tunisiens désirant se mettre à la disposition des entreprises ou à devenir eux-mêmes entrepreneurs. Elle leur facilitera l’accès à toutes les opportunités existantes au niveau international et, en premier lieu, aux initiatives du 7e programme cadre de recherche (2007-2013) de l’Ue qui offre aux structures de recherche tunisiennes des possibilités de coopération encore largement inexploitées.
M. Carlos Zorrinho, secrétaire d’Etat portugais de l’Energie et de l’Innovation, a souligné, pour la part, la similitude des choix de la Tunisie et du Portugal en matière de promotion de l’innovation, mettant l’accent sur l’importance accordée par son pays à l’innovation dans le domaine des énergies renouvelables et de modernisation des services publics. Cette convergence stratégique entre les deux pays devrait favoriser la coopération bilatérale, que le Portugal cherche à promouvoir, a affirmé le responsable portugais, dont le pays semble déterminé à diversifier ses partenariats et à se tourner davantage vers les pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Des ponts entre la recherche et l’industrie
Présidant, jeudi 14 octobre, la clôture du colloque, M. Bechir Tekkari, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a indiqué que son département s’est préparé comme il se doit pour contribuer à l’instauration d’une économie nationale à haute valeur technologique et mieux intégrée à l’espace économique mondialisé.
La démarche consiste à établir une relation étroite entre les universités et les centres de recherche et à construire des ponts entre les institutions de recherche et le monde de l’innovation industrielle. Il s’agit d’orienter la recherche scientifique vers les secteurs prioritaires, où l’économie tunisienne pourrait développer des capacités technologiques.
Dans ce cadre, et afin de conférer davantage d’efficience à la formation universitaire, les établissements universitaires cherchent à associer davantage les entreprises économiques à la conception des contenus des formations aux niveaux des licences du tronc commun et du master professionnel.
Les entreprises et autres parties prenantes dans le système de production devraient soutenir les efforts de l’Etat visant à porter le financement de la recherche scientifique à hauteur de 1,25% du Pib actuellement à 1,5% en 2014, a souligne le ministre.
Le colloque euro-méditerranéen sur l’innovation technologique s’est tenu dans le cadre du 2e Salon de la création et du développement technologique des entreprises, manifestation organisée sous le haut patronage du Président Zine El Abidine Ben Ali, les 14 et 15 octobre dernier, au Parc des expositions du Kram, en présence de personnalités de la scène économique en Tunisie et dans des pays euro-méditerranéens. Il a été organisé par les ministères de l’Industrie et de la Technologie, et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, en collaboration avec l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation (Apii), l’Agence de coopération allemande (Gtz), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) et l’Oseo, organisme français dédié à la croissance et à l’innovation des Pme.
Synthèse : Imed Bahri