Ramener l'homme d'affaires Slim Riahi à la rescousse pour sauver l'entreprise JAL Groupe, qui a mis les clés sous la porte, n'est sans doute pas la solution idéale, si tant est qu'elle est réalisable. Ce qui n'est pas le cas.
Par Mohamed Rebai*
On nous annonce dans les médias que le richissime Slim Riahi a été approché pour la reprise de deux usines de JAL Groupe (4000 emplois) pour 50 millions de dinars (MD). J'estime que cette démarche est débile et sans intérêt pour trois raisons:
1- JAL Groupe est une multinationale installée en Italie et en France avec des centres de distribution opérant en Europe, au Canada et aux Etats-Unis. Elle ne peut pas être cédée sur simple humeur à un tunisien qui cherche à se faire connaitre par tous les moyens (la politique, le sport, les médias et maintenant on lui colle une étiquette de «Tapie tunisien», sauveur d'entreprises en difficultés). La cession devrait impliquer obligatoirement des démarches auprès de la bourse de Milan à condition que les propriétaires consentent à une OPA (offre publique d'achat). Il faut savoir que le lancement d'une OPA est limité par la règlementation, en particulier lorsque l'acheteur contrôle déjà directement ou indirectement sa cible (passage du seuil des 50% des droits par exemple). Cette obligation a été instituée afin de protéger les autres actionnaires en leur offrant une solution de sortie. Reste à connaitre la structure du capital de l'entreprise.
2- JAL dispose d'un know-how (savoir-faire) inestimable en matière de fabrication de chaussures de sécurité depuis 50 ans au moins, chose que Slim Riahi ne possède pas. Toutes les activités de conception du produit, de R&D et de distribution sont concentrées à Paruzzaro, en Italie.
En Tunisie, comme c'est le cas pour de nombreux investissements étrangers, nous sommes réduits à de simples exécutants payés à la tâche par une main d'œuvre docile qui ne maitrise pas, en amont, la création, et en aval, le marketing du produit depuis 40 ans (loi 1972).
3- C'est qui m'a écœuré, comme d'ailleurs l'histoire de rapatriement des fonds de Ben Ali qui n'arrivent pas (il fallait être bête pour y croire pour la simple raison que l'argent est volatile et qu'on ne peut pas le rattraper dans les paradis fiscaux où on change de placement toutes les heures), le management insolite d'une difficulté sans connaitre au préalable les tenants et les aboutissants. Tout ce qu'on sait faire: on ramène Slim Riahi à la rescousse pour faire de la pression parce qu'il a simplement du pognon.
A mon avis il n y a que deux solutions qui se pointent à l'horizon : ou la négociation pour aboutir à un accord social sous l'égide de l'Ugtt et du ministère des Affaires sociales dans l'intérêt de toutes les parties concernées, ou la nomination d'un administrateur judiciaire chargé de l'élaboration d'un plan de redressement (Loi n° 95 - 34 du 17 avril 1995 relative au redressement des entreprises en difficultés économiques). Cette solution n'aboutira pas sans l'apport technologique du groupe JAL, et puis l'entreprise n'est pas en cessation de paiement d'après ce que je sais.
Reste une solution probable mais possible pour JAL, garder l'entité JAL Tunisie mais avec une réduction considérable du personnel quitte à les dédommager. L'essentiel des activités serait délogé vers un pays tiers pour ne garder en Tunisie qu'une centaine de personnes confinées à des tâches secondaires. Sa position de locataire des locaux lui facilite énormément la tache.
Toutefois, la réduction des activités de JAL Tunisie voire éventuellement sa fermeture et sa liquidation juridique auront des conséquences néfastes sur notre économie.
Je pense qu'ils finiront par trouver un consensus. Je l'espère bien.
* Economiste.