Privés depuis quelques mois des promotions et bonus auxquels ils étaient habitués, les abonnés de Tunisiana n'ont pas manqué de le reprocher au premier opérateur mobile privé. Taïeb Farhat, son Chief Commercial Officer*, explique les dessous de ce changement.
Propos recueillis par Zohra Abid
Kapitalis : Que se passe-t-il chez Tunisiana? Il y a une campagne de dénigrement contre l'opérateur sur les réseaux sociaux. Vos propres abonnés sont mécontents. Qu'en est-il au juste?
Taïeb Farhat: Bien que nos abonnés soient toujours notre priorité, je dois l'avouer, oui depuis un certain temps, il n'y a plus de bonus et d'offres qui puissent vraiment les satisfaire comme nous l'avons toujours fait depuis la création de Tunisiana.
Nous sommes nous-mêmes insatisfaits de cet état des choses et nous ne voulons surtout pas frustrer notre base qui représente 54% de parts de ce marché en Tunisie.
Il faut savoir que, comme partout ailleurs dans le monde, le marché tunisien des télécommunications est régi par un organe de régulation, à savoir l'Instance nationale des télécommunications (INT). Cet organe veille à mettre en place un climat sain et équilibré qui soit profitable aussi bien pour les opérateurs, que pour les consommateurs et également pour l'Etat.
Le mandat de l'INT consiste donc à dresser un schéma commercial qui concilie entre les intérêts de ces trois entités. Jusque-là, tout cela est compréhensible. Mais, malheureusement, depuis quelques mois, cette instance a mis en place des lignes directrices qui bloquent plusieurs des actions commerciales qui ont fait le succès de Tunisiana auprès de ses abonnés.
Nous devons respecter, et nous respectons, ces «amendements» malgré le fait que nos concurrents ne s'y réfèrent pas forcément. Nous-nous sommes pliés au exigences réglementaires de l'INT en révisant au cours des 6 derniers mois l'ensemble de nos offres et ce au détriment de la satisfaction de nos clients.
"Il faut évidemment réguler le marché, mais équitablement".
Seulement, nous avons UNE priorité et une seule: nous-nous devons de continuer à satisfaire nos abonnés. Nous avons établi au cours du temps un contrat de confiance avec eux que nous ne voulons surtout pas briser.
Aujourd'hui, comment comptez-vous répondre à vos clients ? Et que préconisez-vous pour une meilleure dynamique au sein du marché des télécommunications?
Le problème est que sans l'aval de cette instance, nous ne pouvons rien lancer sur le marché et je dois avouer que, depuis quelques mois, plusieurs de nos offres et promotions sont en attente de ce GO ou ont carrément été rejetées.
Aujourd'hui, les faits sont clairs: nos abonnés réclament leurs bonus et nous pointent du doigt. Et très franchement, nous nous retrouvons les poings liés, comprenant leur frustrations mais incapables d'agir pour les atténuer.
Il faut évidemment réguler le marché, mais EQUITABLEMENT! Pour cela, il faut aussi et surtout impliquer d'autres instances qui sont complémentaires comme le Conseil de la Concurrence. Celui-ci est justement chargé de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et d'étudier le fonctionnement des marchés.
Créer une dynamique, c'est surtout multiplier les acteurs et faciliter les process. Il s'agit d'un secteur à forte croissance qu'il ne faut surtout pas alourdir par des procédures et des schémas très compliqués. Il ne faut pas oublier que ce secteur contribue à près de 6% du PIB national.
Quelle est aujourd'hui la situation du secteur, qui comme vous le dites, contribue à près de 6% du PIB?
En fait, il faudrait redéfinir la stratégie en matière de TICs. Ce secteur évolue très rapidement et le cadre réglementaire doit permettre ces changements. Je vous cite comme exemple le problème des fournisseurs de services internet (FSI). La fusion entre opérateurs et fournisseurs de services internet a lésé deux importantes entreprises nationales qui sont Hexabyte et Globalnet. Quel est leur avenir? Est-ce qu'il y a un programme d'appui qui leur est dédié?
Idem pour le marché du fixe. Tunisiana a acquis depuis près de 18 mois une licence qui, sur le plan opérationnel, ne vaut rien. Que le dégroupage soit exploité par l'opérateur historique est normal mais que les tarifs supposés être «de gros» proposés aux opérateurs soit supérieurs à ceux appliqués aux particuliers est une aberration.
Nous avons essayé de contourner cette problématique en «fibrant» (fibre optique) trois zones importantes du Grand Tunis. Ce qui, en soi, n'est pas une mauvaise chose puisque ça a permis d'investir davantage dans le secteur pour proposer au client final un débit nettement meilleur.
Il faut à mon avis, engager une réflexion commune autour de toutes ces problématiques pour l'intérêt du secteur, du consommateur et du pays.
* Equivalent de directeur commercial central.