L'auteur, dans un article repris par l'agence Europe (Bruxelles), soutient que les institutions pourvoyeuses de financements ont du mal à répondre à l'attente de pays comme la Tunisie, qui ne parviennent pas à répondre aux exigences minimales en matière de sécurité, stabilité politique et réformes économiques.
Par Fathi B'Chir*
La Conférence économique méditerranéenne sur l'emploi, sous l'égide de l'Union pour la Méditerranée (UpM), les 17 et 18 septembre à Tunis a, enregistré une longue série de recommandations et tenté l'amorce d'une réponse adéquate aux demandes des populations de la rive sud, en particulier des jeunes sans-emploi.
Un diagnostic négatif
Pour le secrétaire général de l'UpM, Fathallah Sijilmassi, le fossé à franchir est large. «Force est de constater que les défis sont importants, alors que nous faisons face à des transitions d'une ampleur sans précèdent au moment où malheureusement les effets de la crise économique sont sérieux en Europe qui est notre principal partenaire», a-t-il dit, ajoutant que «les pressions sur la croissance et la compétitivité, notamment en provenance d'autre blocs émergents, sont de plus en plus fortes».
Les recommandations retenues relèveraient plus du diagnostic négatif que de l'ébauche d'un plan d'action tant l'ampleur des problèmes à résoudre semble immense.
Pour certains intervenants de renom, tels le Pr. Jean-Louis Reiffers, directeur de FEMISE (réseau des centres d'étude des organismes d'analyse et de prévision économiques), le remède appliqué jusqu'à présent a eu surtout des effets secondaires handicapants. L'aide a plus favorisé l'importation que l'exportation, déséquilibrant davantage des économies déjà mal assurées. Elle a aussi, selon d'autres orateurs, plus nourri les réseaux que les entreprises et, selon d'autres encore, les personnels formés ont eu moins de chance à l'emploi que les non formés.
Plusieurs intervenants, de tous horizons, ont en effet pointé du doigt les carences qui marquent souvent les politiques d'impulsion de l'emploi et formations qualifiées à maintes reprises de non adaptées, répondant plus aux contraintes des formateurs que des entreprises et demandeurs d'emplois.
Moins de consultance, plus de terrain
Au nom de la Facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat (FEMIP), gérée par la Banque européenne d'investissement (BEI), Flavia Palanza a rappelé l'axe de travail de son organisme qui est de soutenir l'emploi des jeunes à travers les PME. Mais elle a annoncé un changement de cap: moins d'interventions par le biais de la consultance et plus de relations directes avec les opérateurs économiques sur le terrain.
Presque tous les intervenants ont souligné aussi les obstacles nombreux auxquels se heurtent les entreprises, contrariant leur volonté de s'impliquer davantage dans cette course à la création de l'emploi sans freiner leurs propres expansions.
C'est un constat de carence générale qui a été dressé lors de cette conférence avec l'affirmation d'une volonté d'agir accueillie par la plupart des commentaires de pause-café par un scepticisme quasi général tant l'immensité des problèmes a paru considérable. Ce scepticisme tient à la fois au marasme politique général dans la région et aux dangers sécuritaires qui s'ajoutent à la plongée dans l'incertitude institutionnelle en Tunisie comme en Égypte, sans évoquer la Syrie et son voisinage régional.
Cela a aggravé les déséquilibres économiques et financiers des pays, malgré l'aide promise aussi bien par l'Union européenne (UE) que dans le cadre du «partenariat de Deauville». Les chiffres sont rarement donnés pour ne pas souligner davantage le sentiment d'une «mise en panne» des programmes d'appui financiers et politico-économiques.
La Tunisie, par exemple, a décidé de lancer une campagne en direction de ses grands partenaires, en particulier l'UE, pour un sursaut en appuis budgétaires et la conférence de Tunis est venue à point nommé pour conforter un gouvernement mis en difficulté et sur le point de céder la place à une équipe de «salut national» non partisane.
Des absences qui parlent
Pour une conférence promue comme l'un des grands rendez-vous de l'emploi dans une région pourtant politiquement, économiquement et financièrement malade, l'absence, curieusement, de la Commission comme celle de la BERD, étaient notées. L'UE était représentée par le service extérieur uniquement alors que le thème était essentiellement économique et financier. Ces absences semblent prouver la difficulté qu'éprouvent désormais les institutions pourvoyeuses de financements – y compris le FMI – à répondre à l'attente pressante de pays, à l'exemple de la Tunisie. Ces pays ne parviennent pas à répondre aux exigences minimales en matière de sécurité, de stabilité politique et par l'engagement de réformes qui allégeraient les pressions sur des budgets déjà fortement déséquilibrés.
Selon diverses sources sollicitées pour des commentaires suite aux débats au sein de la Conférence, la réponse aux défis actuels est malaisée et ils lèveraient plutôt les bras au ciel que se hasarder à avancer un pronostic un tant soit peu prometteur.
En façade toutefois, l'optimisme est de rigueur et le volontarisme pleinement affiché, comme l'annonce claironnée d'un plan, présenté comme la clé d'un avenir encore peu sûr, pour résoudre le problème de l'emploi: MED4JOBS.
Élaboré au départ par l'ONUDI, ce plan reçoit le label UpM mais aucune précision ne serait encore disponible sur le coût du projet, sa durée, les étapes de sa mise en application et si sa mise en oeuvre était possible au stade actuel dans des pays troublés, sauf peut-être au Maroc et dans une moindre mesure en Jordanie et en Tunisie. Un protocole d'accord (memorandum of understanding) devait être signé en fin de conférence avec BusinessMed (réseau des chefs d'entreprise relié à BusinessEurope). L'acte a été reporté, selon le porte-parole de l'UpM, sans plus de précisions.
* Journaliste tunisien basé à Bruxelles, en Belgique.
** Les intertitres sont de la rédaction.