L'Agence nationale de promotion de la recherche scientifique (ANPR) a récemment lancé le dispositif Mobidoc pour la mobilité doctorale et post-docorale dans les entreprises. Au bonheur des docteurs et des entreprises en quête de l'innovation.
Par Zohra Abid
Cette activité, soutenue par le Programme d'appui au système de recherche et d'innovation (Pasri) et financée par l'Union européenne, est mise en oeuvre pour répondre aux besoins du monde socio-économique. Elle concerne directement les docteurs et les entreprises.
Lancé la fin de l'année dernière, Mobidoc n'arrive pas encore à bien décoller, à cause des évènements post-révolution. Pour en expliquer les objectifs, les modalités et les avantages, une rencontre de sensibilisation a eu lieu mercredi 2 octobre à l'hôtel Acropole aux Berges du Lac (Tunis), sur le thème: «Mobilisation des chercheurs au profit des entreprises».
Un parterre de doctorants et d'hommes d'entreprises.
Rapprochement entre l'université et l'entreprise
Bahri Rezig, responsable national du Pasri et directeur général de l'ANPR, a présenté le projet Mobidoc, en présence du Lyonnais Luc Sollier-Bresset, chef d'équipe (assistance technique, expert interfaçage, Pohl Consulting&associates) à Pasri Tunisie. Il a ainsi souligné la nécessité d'une collaboration heureuse entre les docteurs et les chefs d'entreprises, pour contribuer à booster l'économie du pays en permettant au doctorant de bénéficier d'un stage rémunéré et à l'entreprise d'innover sans se ruiner.
L'ingénieur Mourad Jebouï.
Selon M. Rezig, les retombées de la recherche sur l'économie et sur la société ne doivent pas être négligées car l'innovation permet désormais à l'entreprise d'aller de l'avant. «Il s'agit d'une opération gagnant-gagnant. C'est un vrai partenariat», souligne-t-il
Luc Sollier-Bresset, qui a pris ses fonctions en Tunisie, en avril 2013, espère qu'avec une nouvelle équipe bien étoffée, notamment dans le secteur de l'économie et de la communication, Pasri, qui a déjà impulsé 12 millions d'euros, peut mieux ouvrir le monde académique aux entreprises à court ou moyen termes et avoir plus de visibilité auprès des uns et des autres.
La conférence a été une occasion pour M. Rezig d'expliquer le Mobidoc à un parterre de docteurs et de chefs d'entreprises. Le monde académique et celui de l'entreprise vivent chacun de son côté, or ils gagneraient beaucoup à se rapprocher pour trouver des solutions efficaces à certains problèmes qu'ils confrontent, explique-t-il.
Nefissa Chakroun, experte de Pasri.
«Avec une solution qui n'existe pas ou une solution importée, la démarche ne peut être complète et les solutions ne sont jamais efficaces dans l'entreprise», dit-il. Et d'expliquer : «Il faut penser aujourd'hui à installer des structures, des dispositifs et des mécanismes spécialisés, comme autant d'instruments entre les mains du gouvernement pour réaliser le développement, c'est-à-dire donner l'orientation, imprimer le rythme et donner des résultats sur le terrain, l'objectif étant de réaliser une haute valeur ajoutée, tout en assurant la production de la richesse et la création de l'emploi».
Vers une collaboration plus structurée
Jusque-là, selon M. Rezig, il y a un maillon manquant pour que les entreprises soient plus innovantes.
«Intellectuellement, nous sommes bien lotis. Il y a un système éducatif et des cadres de bon niveau. Les capacités du pays dans ce domaine se sont beaucoup améliorées», a rappelé le conférencier, en faisant remarquer qu'en face, les entreprises manquent de diversification des produits, de dynamisme innovant et de créativité à cause des instruments encore inefficaces et d'une coupure entre l'université et l'entreprise.
«L'entreprise a du mal à accéder à l'argent pour que les doctorants, avec leurs encadreurs, apportent le plus dont elle a besoin pour retrouver du dynamique. Pour aider l'entreprise, nous devons mettre à sa disposition l'expertise académique et l'offre technologique et scientifique nécessaire», dit l'universitaire.
C'est l'objectif poursuivi par Mobidoc: assurer la mobilité entre le monde académique et celui de l'entreprise, en vue d'une fusion entre eux afin qu'ils fonctionnent en pool et ne pas s'isoler. «Certaines entreprises accueillent des stagiaires, comme les ingénieurs des écoles de commerce qui participent à l'innovation, mais cette collaboration reste limitée car non structurée, et le stagiaire n'a vraiment pas de statut, ni de rémunération. Il faut donc mettre en place une structure qui puisse rendre cette collaboration systématique et efficace», explique encore le directeur général de Pasri
En d'autres termes, la mobilité des thésards en Tunisie n'est pas assez organisée et cette organisation souhaitée exige un rapprochement sur le terrain entre les chercheurs et les entreprises. N'empêche qu'il y a un début : «67 doctorants contractuels sont déjà placés sur des projets de thèse», précise M. Rezig. Il ajoute: «Nous avons 100 autres doctorants qui seront dans une semaine sur d'autres projets. Nous aurons ainsi, au total, 167 opérations qui fonctionnent. Nous essayons de mettre tout le monde en confiance, afin que toutes les parties soient gagnantes».
Luc Sollier-Bresset et Bahri Rezig.
Un apprentissage rémunéré
Les chefs d'entreprises portés sur l'innovation et la compétitivité et qui sont prêts à s'associer au programme ne payeront, selon M. Rezig, que 20% du salaire du docteur fixé à 1.000 dinars net. Les 80% restants seront pris en charge par l'Union européenne via le ministère tunisien de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
«Aujourd'hui, nous pouvons dire que le niveau est haut, que les recherches sont plus enthousiastes et que de nouvelles opportunités s'ouvrent à toutes les parties. A travers les thésards auxquels elle fait appel, l'entreprise a accès aux recherches, aux innovations et aux sources des laboratoires», dit M. Rezig. «Les stages durent entre 12 et 18 mois. Nous proposons des docteurs selon les besoins et les spécialisations des entreprises qui expriment leur intérêt. Le doctorant, qui n'est pas encore formé pour le travail en entreprise, va trouver un cadre rigoureux pour développer ses capacités. Le stage lui permettra aussi d'enrichir son C.V. Et ce n'est pas rien. Il a aussi une possibilité pour convaincre l'entreprise, très attentive à la compétence, pour être éventuellement recruté», insiste-t-il.
Les doceurs présents ont eu – grâce à l'intervention de l'ingénieur Mourad Jebouï et de Nefissa Chakroun, experte de Pasri en droit de la propriété intellectuelle et transfert de technologie – plus de détails sur les divers projets, les demandes des entreprises, les modalités de dépôt de candidature... Les absents peuvent se rattraper en visitant le site du Pasri ou celui de l'ANPR.