La journée inaugurale des Journées de l'Entreprises, vendredi, à Port El Kantaoui, au nord de Sousse, a été marquée par un débat sur les incertitudes politiques qui grippent la machine économiques, les carences structurelles des entreprises tunisiennes et les difficultés de financement dans un contexte d'attentisme.
Par Jalel Jaziri
A la faveur d'un panel suffisamment politisé avec deux ministres et un gouverneur de la banque centrale, le talk show sur les obstacles au financement des PME, objet des 28e Journées de l'Entreprise a rapidement viré vers un entretien entre le modérateur et les panélistes sur l'influence du blocage politique sur l'économie, sur les capacités de rebondissement confrontées au manque de stabilité politique et sécuritaire, de quoi frustrer une bonne partie de l'audience, composée de chefs d'entreprises, d'universitaires et de représentants de structures professionnelles, et dont une partie a quitté la salle avant le levée de la séance...
En attendant le big-bang
Le débat a pourtant bien démarré, notamment avec une «claque» signée Mustapha Kamel Nabli qui, réagissant aux recommandations issue de deux études menées auprès de 153 entreprises et 67 banquiers sur les obstacles que rencontrent les entreprises pour accéder au financement, montrant comment les petites et moyennes entreprises (PME) sont défavorisées par rapport aux multinationales, aux grands groupes et même aux micro projets.
Rien de nouveau, «tout cela nous le connaissons!», s'est exclamé M. Nabli, réagissant à l'exposé de Abdelkader Budrigua, universitaire auteur de l'étude. «Ce dont nous avons besoin c'est d'un big bang du secteur financier pour pouvoir monter de grandes entreprises et accompagner la croissance des petites unités (...) Or nous n'avons ni grandes entreprises, ni moyennes. Tout ce que nous avons c'est de petites entreprises qui, en atteignant une certaine taille, soit-elle stagnent, soit elles disparaissent.» Et M. Nabli d'atténuer son affirmation suite à des réactions de l'audience pour dire finalement que ce que les groupes que compte le pays n'ont pas la taille critique pour jouer le rôle de locomotive de croissance et de création d'emplois.
Le constat a été appuyé par Antonio Nucifora, expert de la Banque Mondiale. Il a précisé que le secteur privé n'est pas arrivé là où il faut, appelant les autorités tunisiennes à opérer plus de réformes et réitérant l'engagement de son institution à soutenir la Tunisie dans cette démarche.
L'économie tunisienne étant principalement basée sur l'endettement, le secteur bancaire a fait particulièrement l'objet de critiques de plusieurs intervenants. «Les banques n'arrivent pas à suivre la croissance des entreprises»; «Les entreprises et les régions ne sont pas égaux dans le traitement de leurs dossiers»; «Il existe une concurrence dans la collecte des dépôts, mais on a l'impression que les banques pratiquent les mêmes contraintes quand il s'agit d'octroyer des crédits»....
L'incertitude grippe le marché
C'est là un échantillon des critiques que les intervenants ont exprimé d'emblée lors de la journée inaugurale des Journées de l'Entreprises, organisées par l'Institut arabe des chefs d'entreprises (IACE), les 6 et 7 décembre à Port El Kantaoui, au nord de Sousse.
Larayedh cite Mandela comme modèle... pour les chefs d'entreprises!
Les PME n'ont pas été épargnées, elles non plus. Outre leur taille et leur organisation, certaines d'entre elles souffrent de manque d'expertise pour présenter un dossier bancable, ne disposent pas suffisamment de garanties et parfois n'ont pas la capacité de fournir une information fiable sur leur activité, d'où le refus de financement qu'essuient plus 45% des dossiers de PME.
Les organisateurs justifient le choix du thème des «obstacles au financement» par la pression subie par l'entreprise notamment après la Révolution et surtout par le contexte par lequel passe le pays.
Une pression fiscale s'élevant à 24% en 2014, une inflation qui oscille entre 5 et 6% et qui empêche le marché de jouer son rôle de moteur économique et notamment une incertitude politique et sécuritaire qui frappe toute la région et que Ali Larayedh, chef du gouvernement provisoire, a lui-même admis qu'elle a duré plus qu'il ne faut, appelant les entreprises à faire preuve de patience, de sacrifice et de combattivité et de s'inspirer du livre ''Mon chemin pour la liberté'' de Nelson Mandela, décédé la veille, mais dont l'œuvre restera une leçon pour toutes les populations du monde. Un parcours, des valeurs et des pensées «ô combien utiles pour les politiciens tunisiens», dit le chef du gouvernement.