Le tourisme saharien se meurt lentement mais sûrement. Le ministère du Tourisme fait ce qu'il peut. C'est-à-dire trop peu, pour espérer redresser une situation déjà largement compromise.
Par Anouar Hnaïne
Vacances de fin d'année. La haute saison du tourisme saharien battait son plein. Malgré le manque flagrant de budget, Douz a organisé la 46e édition son festival du sahara, du 26 au 29 décembre.
Revenez dans 2 ou 3 jours...
Les hôtels étaient emplis de clients locaux. Les comités d'entreprises et les agences n'ont pas chômé en cette période: excursions et achats de circonstance. «Une hirondelle ne fait pas le printemps. Revenez dans 2 ou 3 jours, vous découvrirez un pays désolé, des hôtels entièrement vides», lâche un directeur.
Un dromadaire ne fait pas le printemps.
Réunion entre le ministre du Tourisme, appuyé par une forte délégation et les professionnels de la région. M. Gamra n'est pas arrivé les mains vides. Dans ses dossiers: des encouragements, une enveloppe de l'ordre de 18 millions de dollars (MD) pour développer le tourisme saharien, une aide ventilée sur les trois prochaines années. Le ministre annonce des mesures, développe sa stratégie, compatit sur le sort des hôteliers de la région.
Ces derniers se montrent sourds à toutes propositions et tirent des flèches empoisonnées. Tout le monde en prend pour son compte, la politique, le gouvernement, les ministres, les régions concurrentes..., qui sont tous responsables, à leurs yeux, de la déliquescence du secteur.
Tabla, zokra et cavaliers zlass: Vous avez dit image d'Epinal?
Voyagistes, hôteliers, chameliers et commerçants, la rage au ventre, dénoncent les discours alarmistes sur la situation sécuritaire dans le sud du pays. «Ce n'est pas une aide de circonstance qui va sauver la région, mais une décision forte d'alléger ''zones rouges'' qui découragent les touristes de venir dans le sud. On a besoin d'un discours rassurant de la part des autorités et particulièrement du ministre de l'Intérieur», s'insurge un voyagiste. Suit une description navrante, pitoyable de la situation. Chômage, endettement, huissiers, marginalisation, désespoir. Une catastrophe économique et sociale en somme.
Renverser l'image ternie du sud
Spectacle à la place Hnich. Sur le podium, devant les diplomates et les invités d'honneur, M. Marzouki, le président provisoire de la république, présente ses vœux aux hôtes et prononce un discours pour le moins mordant, fielleux, diviseur. «Nous répondons aux contre-révolutionnaires qui veulent nous priver de rire, de faire la fête, nous leur dirons, que nous rirons, nous ferons la fête malgré eux», dit-il. Et le reste de cette même eau.
Avec des mots pareils, M. Marzouki croit-il vraiment rassurer les derniers sceptiques?
Le discours diviseur de Marzouki est loin d'être rassurant.
Course de chameaux, fantasias, poèmes déclamés, étendards des pays invités, sloughis en chasse, jeunes enfants en démonstration de cavalerie, majorettes et vents de sable.
Des tableaux, vus, revus. Impressions. Le festival ne s'est pas innové depuis des années, il s'use, et meurt en douceur, sans faire de bruit. Dans le village, ce n'est pas mieux, les artisans sont à bout de nerfs. «Je ne crois pas à la reprise, il faudra des années pour que les touristes reviennent. Entre-temps, je fais quoi pour nourrir mes enfants?», s'exclame l'un deux. Silence embarrassé...
M. Gamra, conscient de la situation, se démène sur tous les plans. Il envisage des solutions. Il annonce une stratégie ciblée: des opérations de prestige dont un orchestre symphonique dans le désert et invitation des média, une présence remarquable aux foires internationales, des stands spéciaux, création d'un logo spécial sud... Et il insiste : «Je compte sur les médias pour renverser l'image ternie du sud.» Va-t-il y parvenir?