La «carotte fiscale», qui a favorisé la venue de plusieurs investisseurs en Tunisie au cours des dernières décennies, s'est-elle transformée en bâton, dont le châtiment pourrait les pousser à déserter?
Par Jalel Jaziri
C'est le sentiment qui a prévalu aujourd'hui dans la salle de l'Institut arabe des chefs d'entreprises (IACE), après l'exposé de Habiba Louati, directrice générale des études et de la législation fiscale, présenté dans le cadre du forum annuel sur la loi de finances.
Une quête d'équité fiscale
Fini les exonérations, les faveurs fiscales et le traitement de faveur des entreprises non résidentes, dites aussi off-shore. La loi de finances 2013 a instauré des droits et des redevances même sur leurs exportations.
Cela va de la soumission de plusieurs transactions au régime de la retenue à la source, à l'impôt sur les opérations entre les non résidents, en passant par les redevances sur les exportations à partir d'un certain seuil et après une certaine ancienneté d'activité en Tunisie.
D'après Mme Louati, des textes d'application définiront les détails de tout cela. Et pour défendre sa thèse, elle explique que les nouvelles dispositions ont été adoptées en vue d'instaurer une meilleure justice fiscale.
C'est dans cet esprit que l'impôt sur les bénéfices pour les sociétés résidentes dites aussi on-shore a été réduit de 30 à 25%.
C'est ainsi également que les salariés aux revenus annuels inférieurs à 5.000 dinars pourraient gagner l'équivalent d'un salaire sur toute l'année.
La spirale infernale
Mais les entreprises voient les choses autrement. La loi de finances, qui vient d'être adoptée malgré les critiques de toutes les catégories socioprofessionnelles, peut être bien considérée comme «une loi d'austérité», affirme Rached Fourati, président d'honneur de l'Ordre des experts comptables, insistant sur le fait que personne n'est content de cette loi.
Fayçal Derbel évoque, dans ce même sens, la spirale infernale dans laquelle le pays a plongé, faisant le lien entre les crises sociale, économique et politique.
Lors des débats, les hommes d'affaires ont sorti la carte de l'efficacité économique. L'on comprend parfaitement les besoins de l'Etat de mobiliser des ressources supplémentaires, mais «comment pourrait-on faire face en même temps à cette nouvelle pression conjuguée à la morosité du marché et à la hausse des coûts de production?», s'est interrogé l'un d'eux.
De manière générale, plusieurs entreprises procèdent à la manipulation des chiffres pour réduire leurs charges fiscales. Mais là aussi, le législateur a pris de nouvelles dispositions pour pénaliser le gonflage de factures et le règlement des achats en espèce à partir d'un certain montant pour remédier au fléau de la fuite fiscale.
Comme soumis à un étau qui se resserre, un intervenant a exhorté les représentants de l'administration fiscale à sensibiliser leurs agents de contrôle afin qu'ils évitent de bloquer les intérêts des entreprises si elles ne maîtrisent pas totalement les nouvelles procédures...