La certification «halal», instaurée récemment en Tunisie, vise à aider les exportateurs cherchant à accéder au marché international des produits «halal», qui représente aujourd'hui 16% du commerce mondial.
Bochra Lejmi, sous-directrice de la coopération avec les organisations régionales et internationales, chargée du dossier halal, au ministère du Commerce et de l'Artisanat, a souligné, dans un entretien à l'agence Tap, l'expansion continue du marché halal international.
Celui-ci représente, en effet, 16% du commerce mondial, enregistre une croissance annuelle de 10% et ne cesse d'évoluer sur le plan technique et de s'étendre au plan géographique, au vu de la demande grandissante en produits halal dans les pays musulmans et non musulmans.
Un marché en pleine expansion
En fait, le label «halal» ne concerne plus uniquement les produits alimentaires mais touche également les secteurs de l'hôtellerie, habillement, parfumerie, cosmétiques, médicaments, services sanitaires et finance islamique... Sont également concernés par ce label plusieurs services, tels que le transport, l'assurance, l'emballage, le stockage, la logistique et autres, indique aussi Mme Lejmi.
Par ailleurs, plusieurs sociétés internationales actives dans le domaine de l'alimentation à l'instar de McDonald's et Nestlé ont annoncé l'ouverture de filiales spécialisées dans les produits «halal», de la ferme à la fourchette. Il en est de même pour certains hypermarchés et enseignes dont Walmart, la multinationale américaine spécialisée dans la grande distribution.
Présentant un historique de l'inscription de la mention halal sur les produits alimentaires pré-emballés, Mme Lejmi a fait remarquer que la demande de produits halal est apparue, dans les années 1960, pour la première fois, aux Etats unis d'Amérique (USA). A ce titre, l'Amérique du Nord dispose d'une fondation internationale de certification «halal» (AHF).
Des marchés porteurs pour les exportateurs tunisiens
L'intérêt, accordé à ce label est lié à l'hygiène et à la sécurité alimentaire. D'où la forte demande exprimée pour ces produits même par les consommateurs non-musulmans. Et Mme Lejmi d'expliquer, à ce propos, qu'«il a été prouvé scientifiquement que la ''dhabiha'' ou rituel d'abattage musulman permet d'évider l'animal égorgé de son sang, éliminant ainsi tous les germes, toxines et substances nocifs».
Siège de l'Innorpi à Tunis.
Par conséquent, les 10 plus grands pays exportateurs de produits «halal» ne sont pas à majorité musulmane. ce sont les USA, le Brésil, l'Argentine, la France, la Nouvelle Zélande, l'Australie, la Taïlande, Singapour, l'Inde et les Philippines.
Ces pays représentent près de 85% du marché «halal», a encore indiqué Mme Lejmi. La Malaisie et l'Indonésie sont les principaux pays musulmans exportateurs de produits «halal» et leur part est de 15% de ce marché. La Turquie et l'Iran les ont récemment rejoints.
Toujours selon des données présentées par Mme Lejmi, les plus grands consommateurs de produits «halal», sont l'Europe, le Royaume Uni et l'Amérique. Avec une population musulmane de près de 6 millions, dont 70% sont d'origine maghrébine, la France s'est placée, en 2013, à la tête des marchés «halal» en Europe. Elle dispose, à elle seule, de 20 structures de certification «halal» dont le nombre total s'élève, de par le monde, à 95 institutions.
La Russie, quant à elle, ne peut répondre qu'à hauteur de 30% à ses besoins en produits «halal» et a tenu pour la première fois, en 2010, le salon Moscou Expo (Mocow Halal Expo) qui a accueilli plus de 3.000 visiteurs. D'où l'importance que le marché russe halal revêt pour les exportateurs tunisiens, a avancé Mme Lejmi.
Il en est de même pour la Chine, dont 40 millions de la population sont des musulmans, ainsi que de l'Inde avec 140 millions de musulmans.
Mme Lejmi a évoqué, également, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui importent 80% de leurs produits alimentaires, indiquant que leurs principaux fournisseurs sont le Brésil, l'Union européenne (UE) et les USA, suivis de l'Indonésie, la Turquie et l'Iran.
En outre, l'Indonésie est l'un des principaux pays exportateurs et importateurs des produits Halal et constitue «une destination prometteuse pour les produits agroalimentaires nationaux», a avancé la responsable.
Par conséquent, et par-delà les considérations politiques, des assises juridiques et une certification halal tunisienne ont été établies, conformément à un système scientifique et par un organisme de certification reconnu, a rappelé Mme Lejmi.
Auparavant, le Mufti de la République demandait à un technicien ou expert agréé d'examiner tous les documents relatifs au produit demandant à comporter le label «halal» et celui-ci préparait un rapport permettant, sous sa caution, de certifier «halal» ou non le produit concerné.
Une certification élaborée par l'Innorpi et Dar El-Ifta
La mention «halal» sur l'étiquetage des denrées alimentaires n'est pas nouvelle et a été règlementairement autorisée dans l'article 64 (alinéa 4) de l'arrêté des ministères du Commerce et de l'Artisanat, de la Santé publique, de l'Energie et des Petites et moyennes entreprises, daté du 3 septembre 2008, et relatif à l'étiquetage et à la présentation des denrées alimentaires pré-emballées, a souligné, de son côté, Chérif Ezzine, directeur de la certification à l'Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle (Innorpi). Il a ajouté, dans un entretien à l'agence Tap, que l'institut a entamé, depuis 2010, un projet de création d'une nouvelle prestation de certification pour délivrer le label national «halal».
Au vu de l'augmentation des demandes des exportateurs tunisiens du secteur agroalimentaire, qui se devaient de répondre à la demande de leurs clients, exigeant la certification «halal», l'Innorpi a entrepris d'élaborer un label «halal» pour les produits nationaux de l'agroalimentaire et ce, en collaboration avec l'institution de Dar El-Ifta, relevant de la Présidence du gouvernement.
Hamda Saied, Mufti de la République Tunisienne.
Cette collaboration a été matérialisée par une convention signée le 6 mars 2013 entre les deux parties. Le nouveau label comporte un volet qualité, soit l'aspect hygiène des installations et la salubrité des denrées alimentaires pour assurer les volets santé et sécurité en plus de l'aspect religieux «halal» ou conforme aux règles de l'islam, a fait savoir M. Ezzine.
«Ce qu'on a fait à l'Innorpi, c'est donc une marque de qualité, sachant que ce label est un atout concurrentiel pour la vente des produits sur les marchés exigeant la certification halal», a souligné le responsable. Et d'ajouter: «Nous avons désormais notre propre logo halal, et jusqu'à ce jour, les produits de 6 entreprises tunisiennes exportatrices ont été certifiés halal. Les produits concernés sont les dattes, les épices, les fruits et légumes secs, l'huile d'olive et le thon.»
La certification «halal» est attribuée sur la demande de l'entreprise, mais après un rapport technique effectué par l'Innorpi vérifiant toutes les étapes de production, de la matière première jusqu'à l'emballage.
L'institution de l'Ifta, qui participe à la visite technique de l'Innorpi à l'entreprise concernée, se base ensuite sur ce rapport pour valider le volet religieux de la certification «halal». Toutefois, et avant d'octroyer le label «halal», l'Innorpi valide le respect des aspects qualité, notamment la conformité de l'entreprise à la norme ISO 22000, garantissant la salubrité du produit.
La convention de coopération pour la certification des produits conformément au label «halal», conclue entre l'Innorpi et l'institution d'El-Ifta, vient fixer les systèmes de certification des produits «halal» en Tunisie.
Le préambule de la convention indique que celle-ci vise à répondre à la demande des consommateurs musulmans et autres en ces produits, eu égard à la qualité et la sécurité des aliments et produits «halal», dont la préparation ou l'industrialisation est conforme aux règles de l'islam. Il s'agit, également, de mettre en place un système national de certification des produits «halal» basé sur les normes tunisiennes s'y rapportant.
Le système permettra d'améliorer le rendement des entreprises et de hisser les indicateurs de qualité des produits au niveau de ceux existant dans les pays utilisant les systèmes de certification selon le label «halal».
La convention permettra de présenter des services de qualité aux exportateurs tunisiens ou ceux opérant dans le secteur agroalimentaire et autres désireux d'obtenir la certification «halal».
Liste des produits considérés comme non-halal
Selon les règles de l'islam les produits suivants sont considérés non «halal»:
- la chair de porc et tout produit qui en est extrait;
- les animaux non abattus selon le rituel islamique;
- l'alcool et autres étourdissants;
- les animaux carnivores, les oiseaux de proie et les animaux terrestres sans oreilles externes;
- le sang et tout produit qui en extrait;
- la gélatine, les enzymes ou des émulsifiants.
Le label «halal» tunisien se base sur les normes de l'Institut de normalisation des pays islamiques (SMIIC), placé sous tutelle de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), de manière à faciliter sa reconnaissance aux niveaux régional et international, affirme M. Ezzine.
La validité de la certification «halal» est de 3 ans mais un suivi annuel est assuré par l'Innorpi et Dar El-Ifta et des visites peuvent être effectuées à l'entreprise certifiée afin de contrôler l'introduction de tout nouvel intrant pouvant ne pas être certifié «halal».
Un label pour distinguer les produits halal
Dans une réponse écrite à la question de l'agence Tap sur l'importance de la convention, conclue entre l'Innorpi et Dar El-Ifta, le Mufti de la République, Hamda Saïed, a cité le verset 168 de la Sourate Al Baqarah (la génisse): «Gens! De ce qui existe sur la terre, mangez le licite et le pur; ne suivez point les pas du Diable car il est vraiment pour vous, un ennemi déclaré». Et de poursuivre que face à l'ouverture des marchés islamiques sur les différents types d'importations, l'augmentation et la diversification des produits ainsi que la multiplicité de leurs origines, les musulmans veulent distinguer parmi ces produits ceux qui sont «halal».
Par ailleurs, et au vu de la part grandissante, sur le marché international, des produits portant la mention «halal» estimée actuellement à 16%, le nombre de demandes des industriels parvenues à l'institution de Dar El-Ifta pour obtenir la certification «halal» n'a cessé de croître. Et celle-ci a déjà octroyé cette certification sur demande, mais après une visite d'inspection de l'entreprise concernée.
La certification «halal» ne concerne que les produits destinés à l'export, a tenu à préciser le Mufti. La mention halal n'apparaît que sur les produits devant être exportés et non ceux destinés à la consommation intérieure et ce, afin de ne pas perturber le consommateur, sachant que des réunions ont été tenues avec les différentes parties concernées pour une meilleure organisation de cette opération, a encore indiqué le Mufti.
Source : Tap.