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Plus de trois ans après la «Révolution de la dignité», la Tunisie n'a toujours pas retrouvé la confiance nécessaire à sa sortie de crise et fait toujours face à une instabilité qui paralyse les secteurs clés de son économie.

Par Yassine Yousfi

Une cinquantaine de personnes étaient présentes à la conférence-débat que l'Association des Tunisiens des grandes écoles (Atuge) organisait dans le cadre de ses traditionnels «Mardis», une formule de dîner-débat où des personnalités du monde économique, chefs d'entreprises, représentants d'organismes et d'institutions divers, discutent avec les Atugéens des problématiques de l'heure.

Le thème mardi dernier était: «De l'urgence de réfléchir autrement et de s'engager pour la Tunisie», et s'inscrivait dans l'actualité brûlante de la transition en cours dans le pays.

Placé sous le signe de l'espoir, le débat, modéré par Amine Aloulou, consultant et ancien président de l'Atuge France, a été introduit par une intervention d'Elyes Jouini, vice-président de l'Université Paris-Dauphine et premier président de l'Atuge.
M. Jouini est venu également présenter (et dédicacer) le nouveau livre intitulé ''Tunisie l'espoir: mode d'emploi pour une reprise'', ouvrage collectif élaboré sous sa direction par un groupe de jeunes experts, chacun dans son secteur respectif, dont Moez El Elj et Abdeljabbar Bsais.

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«De l'urgence de réfléchir autrement et de s'engager pour la Tunisie».

Une situation encore instable

Tout en rappelant la complexité de la situation économique actuelle de la Tunisie et en passant en revue les évolutions récentes de la conjoncture nationale, M. Jouini a constaté l'amélioration des perspectives de croissance, comme le signalent récemment les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale. Ces prévisions restent néanmoins au-dessous des indices de développement souhaités, et continuent, selon lui, de placer la Tunisie dans une situation compliquée et instable.

«Le tableau est à première vue sombre, avec une économie très mal au point, une situation agricole inquiétante, un mécontentement grandissant avec des prix qui flambent et un chômage qui atteint des niveaux historiques», note M. Jouini.

«Tout en faisant le constat de cette indiscutable réalité, je reste toujours convaincu qu'il y a de l'espoir. L'urgence est de réfléchir autrement et de s'engager sans plus tarder dans la mise en route des solutions», ajoute-t-il.

M. Jouini a également souligné le besoin d'une refonte des choix éducatifs, de la politique fiscale, du système de santé et des dispositifs de solidarité dans le but de transformer la Tunisie en une véritable puissance exportatrice régionale. Il a, par ailleurs, estimé que trois facteurs fondamentaux constituent les leviers pour la relance de l'investissement : l'établissement d'un débat national sur la loi fiscale, la révision du budget de l'Etat et la valorisation des initiatives entrepreneuriales.

«L'investissement représentait l'équivalent de 24% du PIB en 2013 (-2,3% par rapport à 2010). Ce taux reste inférieur à celui d'un pays voisin comme le Maroc qui s'élève à près de 35%. Il s'agit d'une composante incontournable de l'activité économique qu'il faut développer et qui a besoin d'un secteur financier mieux mobilisé pour soutenir l'entrepreneuriat et la prise de risque», indique M. Jouini

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Elyes Jouini dédicace son livre.

Adopter une croissance inclusive

Comment faire? A cette question, M. Jouini répond qu'«il faut un véritable programme décliné en actions et objectifs de court, moyen et long termes, et qui cesse de se focaliser sur les indicateurs pour viser plutôt une croissance inclusive, pérenne et soutenable». «Plus généralement, il nous faut revoir le modèle de développement pour améliorer la valeur ajoutée des exportations tunisiennes et absorber les travailleurs qualifiés», ajoute-t-il.

M. Jouini estime que l'atout le plus important de la Tunisie est sa marche résolue vers une démocratie de plus en plus participative. Revers de la médaille : les prélèvements ne seront acceptés que s'ils sont considérés comme justes et ne bloquent pas la compétitivité globale de l'économie. M. Jouini insiste, également, sur la nécessité de protéger l'investisseur, local ou étranger, et de lui offrir de meilleures conditions de travail, et ce en adoptant des mesures appropriées.

En bref, l'objectif doit être de parvenir à une société plus égalitaire, protégeant investisseurs, travailleurs et consommateurs, et qui permet une meilleure intégration de l'économie nationale dans les marchés mondiaux.

«La révolution a rendu l'impensable possible, ce qui nous reste à faire c'est de rendre possible l'indispensable et le nécessaire», a conclu M. Jouini, une formule qui a valeur de programme.

 

Illustration: Tawfik Jelassi, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et des Technologies parmi les participants au débat.