Selon le très sérieux classement ‘‘Transformation index 2010’’, la Tunisie a perdu 9 places en deux ans. Est-ce à dire que le rythme des réformes y est en train de ralentir?
Ridha Kéfi
En passant de la 73e place en 2008 à la 82e en 2010, notre pays pourrait donner l’impression de décélérer le rythme des réformes qu’il est en train de mettre en place dans tous les domaines pour atteindre les standards internationaux. Les choses, comme on l’expliquera plus loin, ne sont pas aussi simples.
Qu’est-ce que le Bettersmann Transformation Index?
Ce rapport, réalisé par le cabinet allemand Bertelsmanm, que mesure-t-il exactement?
«La gestion politique et les progrès sur la voie de la démocratie et une économie de marché sont mesurables et comparables dans le monde entier», expliquent les auteurs du rapport. Ils ajoutent: «Le Bettersmann Transformation Index est un classement international de 128 pays en développement et en transition. Il met en exergue la situation politique et économique de chaque pays ainsi que sa performance en matière de gestion politique. Les rapports nationaux détaillés fournissent des informations sur les facteurs sous-jacents à l’évaluation pour chaque pays examiné ...»
Sur son site web, le cabinet Bettersmann présente les 128 rapports détaillés par pays, leurs classements respectifs sur la démocratie, l’économie de marché et la gestion des politiques. Il présente aussi une comparaison internationale, à travers 6.656 résultats individuels de l’indice de transformation, des graphiques et des cartes du monde illustrant tous les résultats de 2010.
Le haut du tableau du ‘‘Transformation index 2010’’ est occupé par, respectivement, 1- la République Tchèque, 2- la Slovénie, 3- Taiwan, 4-l’Estonie, 5- l’Uruguay, 6- la Slovaquie, 7- la Lituanie, 8- la Hongrie, 9- le Chili, 10- le Costa Rica, 11- Pologne. La Somalie clôture le tableau à la 128e position.
Les lièvres et les tortues
En Afrique, 20 pays devancent la Tunisie dans ce classement. Ils s’agit de Maurice, passé de la 16e à la 18e place, Botswana, solide à la 19e place, Ghana (passé de la 28e à la 26e), Afrique du Sud (de la 18e à la 31e), Namibie (de la 27e à 34e), Ouganda (de la 47e à la 41e), Bénin (de la 43e à la 44e), Zambie (de la 58e à la 53e), Mali (de la 49 à la 55e), Mozambique (de la 67e à la 64e), Tanzanie (de la 62e à la 67e), Malawi (de la 74e à la 68e), Sénégal (de la 55e à la 71e), Sierra Leone (de la 76e à la 73e), Lesotho (74e), Madagascar (de la 45e à la 75e), Niger (79e à la 78e), Libéria (de la 98e à la 76e), Kenya (de la 61e à la 80e), Burkina Faso (de la 69e à 81e ).
Les autres pays d’Afrique du Nord progressent encore plus lentement que notre pays. Ils sont, d’ailleurs, tous classés derrière la Tunisie. L’Algérie, est passée de la 84e à la 85e place et l’Egypte de la 82e à la 87e. La Libye est restée à la 97e place, signe d’une stagnation absolue. Le Maroc, pays qui se caractérise par un grand dynamisme économique, a reculé de 12 places, passant de la 86e à la 98e. En Mauritanie, qui est passée de la 98e à la 110e place, on ne peut pas dire que les choses bougent dans la bonne direction.
Le Liban, le pays arabe le mieux classé dans le ‘‘Transformation index 2010’’, a gagné 5 places, passant de la 45e à la 49e place, ex æquo avec le Qatar. Le Bahreïn a gagné, pour sa part, six places (passant de la 57e à la 51e place). Le Koweït a également gagné 22 places, passant de la 78e à la 56e. Les Emirats arabes unies en ont gagnées 17, passant de la 77e à la 60e. Oman, qui a légèrement accéléré lui aussi le rythme de ses réformes, est passé de 75e à la 71e. Idem pour la Jordanie (de la 81e à la 77e).
Les raisons des classements flottants de la Tunisie
Il convient cependant de relativiser ce classement, pour deux raisons au moins.
La première: le changement en Tunisie peut paraître plus lent que dans d’autres pays parce que notre pays est déjà relativement avancé sur un grand nombre de réformes économiques et sociales. Il est normal que la cadence n’y soit pas aussi élevée que dans les pays qui accusent beaucoup de retards, comme la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne.
Deuxième raison: on constatera que les pays de l’Europe de l’Est occupent 7 des 10 premières places du ‘‘Transformation Index 2010’’. Est-ce un hasard? Non, bien sûr. Cela pourrait aisément s’expliquer par le tropisme est-européen de l’Allemagne, dont les experts sont généralement mieux informés de ce qui se passe à leurs frontières orientales.
Ces deux réserves ayant été ainsi faites, on notera, cependant, que malgré l’important flottement du rang de la Tunisie entre les différents classements (Compétitivité Davos, Doing Business de la Banque Mondiale, Transformation Index…), aucun organisme tunisien n’a pris en charge la responsabilité d’analyser, de vulgariser ou de communiquer correctement sur ces classements, que ce soit pour consolider une image positive de notre pays ou, dans le cas d’un classement pas vraiment conforme à la réalité, apporter les éclaircissements nécessaires et mieux faire connaître l’état des lieux.
A bon entendeur salut…