Elyes Jouini Tunisie l'Espoir

«Tentative argumentée pour concevoir un nouveau modèle de développement pour la Tunisie postrévolutionnaire».

Par Khemais Chammari*

Khemais ChammariL'économie tunisienne est mal en point et la récente prestation télévisée de Mehdi Jomaâ, chef du gouvernement provisoire, ne laisse aucun doute là-dessus.

Le citoyen s'en est rendu compte par la baisse de son pouvoir d'achat et par le marasme économique et social au terme de trois années de «bricolage» économique.

Redonner l'espoir

C'est dire si l'ouvrage collectif ''Tunisie l'espoir''* tombe à point nommé. Elaboré sous la direction d'Elyes Jouini, membre du gouvernement de transition Mohamed Ghannouchi II, et coordonné par Moez El Elj, universitaire et chercheur à l'Université de Tunis et à l'Ecole polytechnique de Tunisie, cet ouvrage a mis à contribution 14 universitaires, chercheurs et hauts fonctionnaires, pour présenter «une analyse critique de la situation économique et sociale passée et présente du pays», mais aussi pour «proposer des solutions alternatives qui tendraient à plus de cohérence et d'efficacité». Bref à redonner l'espoir en suggérant un «mode d'emploi pour une reprise», selon le sous-titre de l'ouvrage.

Ce livre a été élaboré par l'association Idées (Initiative pour le développement économique et social). Outre la contribution thématique des 14 co-auteurs, il a nécessité la mobilisation d'une dizaine de personnes et en particulier la synthèse des travaux réalisés par Marjorie Bertouille, Sami Fennich et Aïda Hamdi.

Ces travaux ont bénéficié du soutien de la Fondation Dauphine dans le cadre de son programme «Transition démocratique en Tunisie» ainsi que des mécènes de ce programme (Axa-Crédit Mutuel-Cic Gimar et Groupama).
Ceci pour la carte de visite. Mais le fonds est d'une telle richesse que ce serait une gageure de le résumer en deux ou trois feuillets.

L'essentiel est d'inciter à lire ce livre avec attention. Un livre fait par des spécialistes mais qui a su éviter le risque de l'ouvrage pour spécialistes.

La liste des contributions et leurs brefs CV sont édifiants: Lotfi Ben Aïssa, Hakim Becheur, Mehdi Ben Braham, Mohamed Mekki Ben Jemaâ, Ali Chebbi, Moez El Elj, Abderrahmen El Lagha, Aïda Hamdi, Mohamed Hajaiej, Elyes Jouini, Mohamed Kriaâ, Kaouther Latiri, Makram Montacer et Dhafer Saïdane.

De cette énumération, retenons une petite critique: celle de la faible (en nombre) de la participation féminine. Notre regret est d'autant plus grand que les contributions de Aïda Hamdi et de la regrettée Kaouther Latiri ont été importantes.

Le livre s'ouvre sur un chapitre d'introduction de Elyes Jouini intitulé: «Le temps est venu» et il se terminera à la 280e page sur ce même credo qui est un cri d'espoir.

Un développement sectoriel inclusif

«Car l'espoir est permis ! Les potentiels sont reconnus et les opportunités sont réelles. La Tunisie peut prétendre au doublement de sa richesse en peu d'années. L'urgence est de réfléchir autrement et de s'engager sans plus tarder. Tout en veillant, à rester à la fois attentif, pragmatique et audacieux, ce livre propose – mieux que des réformes – une véritable mutation: une refonte énergique des choix éducatifs, de la politique fiscale, du système de la santé, des dispositifs de solidarité», lit-on dans la prière d'insérer de l'ouvrage.

La Tunisie est passée «d'un modèle de croissance fortement dépendant qui a privilégié la rente au profit d'une minorité proche au pouvoir (à) une politique économique court-termiste qui fait la part belle à la consommation», indique Elyes Jouini.

Pour sortir de cette tradition, les auteurs proposent une mutation qui s'articule autour de trois axes:

- le modèle de développement de la dernière décennie a débouché sur une série d'impasses (économiques, sociales et même culturelles): c'est le bilan;

- un Etat au service d'un modèle de croissance inclusif et garant de la justice sociale;

- pour un développement sectoriel inclusif.

Chacun de ces axes donne lieu à des développements structurés et foisonnants de chiffres et d'idées.
Rappelant les termes de l'«appel-manifeste» des «200» de janvier 2011, Elyes Jouini conclut: «Les mois ce sont multipliés, les embûches sont toujours là mais l'élan porté par ce texte est toujours d'actualité».

Faire de la Tunisie, l'un des centres économiques les plus attractifs de la Méditerranée, je pense que cela est possible et cet ouvrage ainsi que les équipes d'Idées ont tenté d'apporter une modeste contribution dans cette direction.

La révolution a rendu l'impensable possible, il nous reste à rendre possible l'indispensable et le nécessaire.

Le temps est venu !

* Militant des droits humains, ancien député (1994-1996), ancien ambassadeur de Tunisie auprès de l'Unesco (mars 2011-juin 2013).

* ''Tunisie l'espoir'', éd. Cérès Editions – Idées, Tunis, 2013.