La période de grâce est terminée pour Amel Karboul qui a droit à un tir croisé des hôteliers lui reprochant beaucoup de communication et peu de résultat.
Par Marwan Chahla
Hier, la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH) a tiré la sonnette d'alarme sur les nombreuses difficultés que traverse le secteur du tourisme et pointé un doigt accusateur vers la ministre du Tourisme, Amel Karboul, qui n'aurait pas su écouter les professionnels, se serait beaucoup plus occupée d'opérations de communication qui n'ont duré qu'un temps court et aurait négligé l'essentiel des besoins du secteur et des professionnels.
Mme Karboul de faire cavalier seul
Pour le président de la FTH, Radhouane Ben Salah, les chiffres sont là pour indiquer que la récolte du tourisme tunisien pour l'année 2014 ne sera pas bonne et que la destination-Tunisie enregistrera des baisses sensibles sur un bon nombre de marchés traditionnels.
M. Ben Salah, reprenant le constat rendu public dans la journée d'hier par la Fédération, a dressé un tableau sombre du secteur touristique tunisien et exprimé la frustration des hôteliers face au choix de Mme Karboul de faire cavalier seul dans un secteur économique aussi vital et souffrant d'un grand nombre de défaillances.
«Le sort de l'année 2014 est scellé. Nous devrions d'ores et déjà nous concentrer sur 2015. Tout ce que nous entreprendrons de faire pour sauver l'année actuelle serait de l'argent gaspillé et du temps perdu (...) Bref, l'année 2014 ne sera pas plus ''intéressante'' que 2013», a-t-il asséné sans aucun ménagement.
Les résultats enregistrés jusqu'ici donnent raison au pessimisme de président de la FTH: une baisse de 2% du nombre des visiteurs européens, durant les 5 premiers mois de la présente année, par rapport à 2013, et une chute de 21,3%, en comparaison avec 2010. Par conséquent, les revenus générés ont suivi cette tendance baissière: une réduction de 2%, par rapport à 2013, et de 32,2%, par rapport à 2010.
De toute évidence, donc, l'objectif de 7 millions de touristes que le ministère s'est fixé pour l'année 2014 est un chiffre qui ne sera pas atteint.
Baisse sur les marchés traditionnels
M. Ben Salah a relevé les inquiétantes baisses de réservations et les annulations enregistrées dans certains marchés traditionnels, notamment la France, l'Allemagne, la Pologne et la Russie.
Amel Karboul, Radhouane Ben Salah et Mohamed Ali Toumi: qu'il est loin le temps où la tutelle et les professionnels étaient en phase et parlaient le même langage.
Les situations politique et sécuritaire dans le pays et l'état de l'environnement ont inévitablement un impact direct sur les résultats de l'activité touristique, a expliqué le président de la FTH, et «il incombe à un ministre qui a la charge d'un secteur aussi important pour l'économie d'avoir une stratégie claire. Il est de son devoir de taper du poing sur la table pour faire entendre sa voix auprès de ses collègues ministres».
Accablant encore plus la démarche de Mme Karboul, M. Ben Salah a déploré qu'un certain nombre de propositions qui ont été soumises à la ministre par les professionnels de l'hôtellerie n'aient jamais eu de réponse.
Il est un fait établi que la communication et les relations externes jouent un rôle déterminant dans le marketing d'un produit touristique et la promotion d'une destination. Il est indéniable que, sur ce chapitre, il y aurait peu de reproches à faire aux efforts déployés par la ministre.
Cependant, il y a aussi d'autres dimensions et d'autres leviers susceptibles de relancer l'activité d'un secteur impliquant plus d'une catégorie d'acteurs, employant directement et indirectement un total d'environ 400.000 personnes et étant une source rapide de liquidités – le quick cash-flow des spécialistes –, c'est-à-dire des entrées en devises dont la Tunisie a un besoin urgent. L'avis et le rôle importants des hôteliers est une vérité première dont Mme Karboul devrait impérativement tenir compte.
Ces derniers doivent aussi admettre leurs propres responsabilités dans l'échec. Habitués qu'ils sont aux largesses et facilités consenties par l'Etat, ils préfèrent rester derrière la caisse à compter les recettes. Et s'ils se prenaient un peu en charge et prenaient en main le destin de leur secteur au lieu de tout attendre de l'Etat?
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