Dos au mur, le gouvernement Jomaa s'apprête à annoncer des mesures impopulaires mais nécessaires pour sauver le pays d'une banqueroute annoncée.
Par Imed Bahri
Dans la loi des finances initiale et le budget de l'Etat pour l'exercice 2014, le gouvernement Ali Larayedh tablait sur une croissance de 4%. Cette estimation, évaluée on ne sait comment par l'ex-ministre des Finances Elyes Fakhfakh, était pour le moins exagérée. L'actuel gouvernement, qui a eu le temps depuis son installation en janvier dernier de faire un diagnostic de la situation économique réelle dans le pays et des comptes de la nation, s'est résigné à réviser cette prévision à la baisse. Le taux de croissance de 2,8% a donc été retenu comme étant plus près de la réalité.
Un gap de 11 milliards de dinars
Sur un autre plan, les dépenses de l'Etat prévues pour l'année en cours s'élèvent à 30 milliards de dinars, alors que ses recettes ne devraient pas dépasser 19 milliards de dinars. Le gap de 11 milliards de dinars, énorme et historique, doit être comblé grâce aux emprunts, intérieur et extérieur, à la maîtrise des dépenses et à l'accroissement espéré des recettes fiscales.
Autre indicateur inquiétant: le déficit budgétaire, estimé actuellement à 6,9%, pourrait atteindre 9,9% à la fin de cette année. Or, on le sait, lorsque ce taux s'approche du seuil de 10%, la notation de la dette souveraine du pays sera de nouveau dégradée et il sera difficile pour le gouvernement de sortir sur les marchés internationaux pour solliciter de nouveaux emprunts.
La situation économique et financière du pays s'est détériorée depuis le début de l'année en raison de la multiplication des grèves et des mouvements sociaux (+36% en 2014, selon des estimations officielles), et de la baisse de la production et de la productivité dans la plupart des secteurs économiques. Conséquence: la production dans le secteur du pétrole et du gaz a baissé de 8% depuis le début de l'année. Idem pour le gaz algérien transitant par le territoire tunisien dont les recettes ont baissé de 48%.
Pour ne rien arranger : le gouvernement n'a délivré, depuis 3 ans, aucun nouvelle licence d'exploration pétrolière, et les contrats avec certains majors internationaux sont bloqués par l'Assemblée nationale constituante (ANC), où l'on parle, sans apporter la moindre preuve, de cas de corruption et d'octroi de privilèges exorbitants aux opérateurs étrangers. Or, la Tunisie importe une partie de ses besoins énergétiques et toute hausse du prix du pétrole de 1 dollar sur le marché mondial se traduit par une dépense supplémentaire de 60 millions de dinars (MD) pour l'Etat tunisien.
Des arbitrages douloureux
Ce sont là quelques indicateurs économiques et financiers inquiétants qui ont poussé le gouvernement actuel à prendre des mesures douloureuses, forcément impopulaires, mais incontournables si l'on veut sauver les équilibres macroéconomiques du pays et maîtriser les déficits de l'Etat, qui, sans des mesures correctives, pourraient exploser et provoquer une crise systémique dont le pays aurait du mal à se remettre.
Parmi ces mesures, qui seront inscrites dans la Loi des Finances complémentaire de 2014, présentée dans quelques jours à l'examen et à l'approbation de l'Assemblée, des sources gouvernementales parlent de la réforme fiscale, avec notamment des restrictions concernant le régime forfaitaire qui concerneront 68 secteurs d'activité, de la levée (ou de la réduction) des subventions de certains produits, en transférant directement ces subventions vers les couches pour lesquelles elles ont été créées initialement, c'est-à-dire les quelques dizaines de milliers de familles nécessiteuses.
On parle aussi de la hausse de la vignette automobile, de la taxe téléphonique et du Promosport. Et de la fixation de l'âge de retraite à 60 ans : plus donc de privilège ou de passe-droit dans ce domaine.
La lutte contre la contrebande et l'économie parallèle sera un autre axe : on évoque une amende de 20 millions de dinars pour toute personne qui serait attrapée la main dans le sac.
En attendant d'en savoir plus sur le contenu de la Loi de Finances complémentaire, nous espérons que toutes les parties-prenantes seront suffisamment responsables pour faire passer l'intérêt du pays au-dessus des intérêts corporatistes ou personnels.
Illustration: Conseil du gouvernement présidée par Mehdi Jomaa.
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