Le 28 décembre dernier, en plein cœur des soulèvements populaires, l’Allemand Leoni annonçait qu’il allait ouvrir une usine de production à Sidi Bouzid.  Qu’en est-il aujourd’hui? Mireille Pena


Rachetée au français Valeo en 2007, la branche câblage de l’Allemand Leoni représente 50% de son activité. Le groupe n’a pas attendu la crise pour délocaliser, à la recherche d’une main-d’œuvre peu chère et du statut avantageux des offshores. Avec à peine 15% de sa production actuelle en Allemagne, il s’est implanté en peu partout dans le monde: Portugal, Europe de l’Est, Amérique du Nord et du Sud, Egypte, Afrique du Sud, Chine, Inde... et en Tunisie. Il y compte déjà trois usines spécialisées dans le câblage pour l'industrie automobile et emploie 12.000 salariés à Messadine, près de Sousse, à Ezzahra, dans la banlieue Sud de Tunis, et à Mateur, dans le Nord du pays.

Un paquet alléchant d’incitations
Avant même la promesse de 300.000 créations d’emplois de l’ex-président Ben Ali, lors de ce qui était encore appelé «les émeutes» de Sidi Bouzid, Leoni était venu à sa rescousse en annonçant une nouvelle usine à Sidi Bouzid. Il disait alors «vouloir venir en aide à la Tunisie».
Mohamed Rouis, Pdg de Leoni Tunisie parle aujourd’hui de donnant-donnant: «La décision de nous implanter à l’intérieur du pays date de la réunion fermée qui s’est tenue à la Chambre de commerce tuniso-allemande en novembre 2010 en présence de Mohamed Nouri Jouini, alors ministre du Développement et de la Coopération internationale ainsi que des présidents directeurs généraux et des hauts représentants des entreprises allemandes installées en Tunisie. J’y avais soulevé le problème de la forte concurrence qui avait pour conséquence une carence de main-d’œuvre à Sousse et ses alentours. La résolution prise suite à cette réunion fut évidente: investir davantage dans les zones intérieures. Est survenu ensuite, lors des événements de Sidi Bouzid, l’appel du gouvernement lancé aux entreprises pour qu'elles viennent s’installer sur les zones intérieures du pays. Il a de plus offert un paquet alléchant d’incitations, dont un local clé en main et diverses exonérations…»
Cette nouvelle usine est-elle toujours d’actualité ? «Oui, tout du moins si les conditions accordées restent valables. Le choix du projet ou section d’usine sera décidé au siège, et il dépendra certainement des conditions sur place. Il est prévu de graduellement atteindre les 1.000 employés avec un taux d’encadrement de 13%. L’idée se concrétise et nous sommes en train d’établir les études et les planifications nécessaires à une implantation réussie.»

Résoudre le chômage, mais à quel prix?
La Tunisie a besoin des entreprises étrangères qui réussissent leur implantation, c’est un fait. Elle a besoin de préserver ses emplois existants et de résoudre son grave problème de chômage, mais à quel prix? La réponse est claire quand on sait que le Smig mensuel est de 272 dinars, soit 140,50 euros pour 48 heures de travail mensuel. Smig et horaires que se dépêchent d’appliquer les entreprises européennes.
Les salariés français de l’usine du fabricant de pneus Continental, à Clairoix, délocalisée en mars dernier, avaient été révoltés que la direction puisse leur proposer d’éviter le licenciement en suivant leur usine en Tunisie et en acceptant un salaire local, soit 260 dinars par mois, 134 euros. Impossible de vivre avec cette somme? Et bien oui, impossible. Comme quoi, en Tunisie comme en France, il ne suffit pas de travailler plus pour gagner plus.
L'avenir est incertain avec un bras de fer qui risque d’être violent entre des entreprises européennes soucieuses du moindre coût et un droit du travail drastique, et des travailleurs qui vont pouvoir enfin revendiquer leurs droits. Ces mêmes entreprises continueront-elles à «vouloir venir en aide à la Tunisie».