Le volet économique du programme électoral d'Ettakatol, présenté sous le slogan «schéma de développement pour tous», est peu chiffré, généraliste voire surréaliste.
Par Aref Slama
Insistant sur leur «réussite» durant près de 3 ans de participation au pouvoir, le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) affirme que la majorité de ses objectifs a été réalisée et que son expérience au pouvoir lui permet désormais de concevoir un modèle de développement pour la Tunisie sans pour autant qu'une réelle évaluation de cette expérience ne soit faite par le parti de Mustapha Ben Jaâfar qui a occupé au sein de la «troïka» une position importante notamment au niveau du secteur économique et financier.
Les promesses de Ben Jaâfar
Sans trop revenir sur les «succès» des dernières années qui sont connues par tous, les concepteurs du programme affirment que le pays a réussi sa transition démocratique sur tous les plans même économiques grâce notamment aux louables efforts d'Ettakatol qui rappelons le avait dirigé le ministère des finances durant le règne de la «troïka».
Pour continuer son œuvre, les ambitions d'Ettakatol n'ont quasiment pas de limites. C'est ainsi qu'on promet l'élaboration d'un plan harmonieux et avant-gardiste, touchant l'ensemble des secteurs économiques, l'Etat et ses institutions et amorcer une grande opération combinant réformes de fond et modernisation.
Côté chiffres, on avance que le taux de croissance et celui de l'investissement atteindront respectivement 8% et 27% en 2019. Pour ce qui est des indicateurs du développement humain, le revenu annuel par habitant sera de 11.000 dinars, le taux de chômage baissera à 9,5%, le taux de la couverture sociale sera porté à 95%, le salaire minimum augmentera de 50% et 30.000 nouveaux logements sociaux seront construits... Que veut le peuple?
Démesure et surréalisme
Pour mettre en œuvre le programme annoncé, le parti membre de la «troïka» se fixe des objectifs qui ont élevé la barre très haut: modernisation de l'administration et décentralisation du pouvoir, dynamisation de l'investissement, développement des zones défavorisées, optimisation de la gestion du capital humain, répartition équitable de la richesse, rétablissement de la confiance des acteurs économiques et renforcement de la crédibilité des finances publiques.
Au menu, Ettakatol propose, la création d'une instance, gouvernementale normalement, «indépendante» qui sera chargée de l'élaboration des prévisions budgétaires et de la publication d'études, d'analyses et évaluations des politiques financières de l'Etat, la mise en place d'un pôle bancaire public pour l'investissement, la modernisation et la standardisation du système hypothécaire par le biais d'une refonte obligatoire du cadre légal touchant aux garanties bancaires et de la loi sur la faillite, l'élaboration d'une nouvelle carte pour les zones industrielles et la mise en place d'une institution constitutionnelle pour le développement durable.
Par ailleurs et au niveau du développement, Ettakatol envisage aussi la création d'une institution constitutionnelle dont la mission sera la réflexion sur les questions de l'environnement, l'agriculture, le tourisme, l'énergie et le secteur des services.
L'analyse globale des différents volets du programme économique du parti montre que ses axes généraux ne sont pas articulés en raison de l'absence du chiffrage des objectifs qui paraissent généralistes, manquant de cohérence dans l'ensemble et ne permettant en aucun cas l'évaluation des écarts entre prévisions et réalisations.
Les concepteurs du programme, qui ressemble beaucoup plus à un guide de bonne conduite économique et social au format galvaudé, n'ont cessé de scander la «réussite» d'Ettakatol au niveau de la gouvernance du pays durant la période du règne de la «troïka» pour dire qu'il dispose de tous les atouts et les chances pour réussir encore une nouvelle fois s'il sera réélu aux élections.
Après les promesses fantaisistes, Ettakatol présente un document difficilement qualifiable de programme électoral du fait qu'il est tronqué en raison d'erreurs multiples de plus en plus fréquentes chez certains partis et qui sont liées au manque de contact avec la réalité.
Tout au long de ce programme on a oublié de dire où est-ce que ce parti trouvera les fonds nécessaires pour financer ses vœux ambitieux? Nulle part évidemment vu que son seul passage au ministère des Finances a coûté au pays quelques 16 milliards de dinars de dettes inutiles pour la plupart et qui seront payées par des générations de Tunisiens et des dégradations inédites de sa note souveraine.
Gouverner un État moderne c'est gérer des entités complexes ce qui nécessite de grandes capacités de diagnostic, d'arbitrage et de compétence.
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