Pourquoi reprocher à Slim Riahi ses infractions aux règles établies par l'Instance des élections (Isie), quand il n'est pas le seul candidat à profiter de ses positions?
Par Marwan Chahla
Les campagnes pour les législatives et la présidentielle se confondent et accordent peu de cas à la netteté et l'honnêteté. Dernière entorse flagrante: Slim Riahi, candidat au palais de Carthage, s'offre le luxe d'une double page publicitaire où sa société Tunisia Holding le félicite pour sa réélection à la présidence du Club Africain. Un mélange des genres pour le moins douteux.
La publicité politique en question
Pour Maher Ben Dhia, secrétaire général de l'Union patriotique libre (UPL) dont M. Riahi est fondateur, président et principal bailleur de fonds, il n'y a aucun mal à cela et les médias «devraient chercher ailleurs les infractions aux règles établies par l'Instance des élections (Isie)».
Pour M. Ben Dhia, invité, vendredi 10 octobre 2014, de l'émission Midi Show sur Mosaïque FM, «il y a lieu de faire la distinction entre les trois casquettes que porte M. Riahi, c'est-à-dire qu'il est à la fois propriétaire de Tunisia Holding, président du Club africain (CA) et candidat de l'UPL à la présidentielle du 23 novembre prochain. Et les deux pages dans le quotidien ''Echourouk'' n'ont aucun lien avec l'élection et ne sont pas de la publicité... En définitive, il y a des règlements et s'il y a des parties qui se sentent lésées et qui pensent qu'il y a eu infraction en cela, qu'elles le fassent savoir».
Non convaincu par cette réponse, le présentateur de ''Midi Show'', Boubaker Akacha, repart de nouveau à la charge: «Il s'agit là d'une entourloupe; il s'agit d'un message publicitaire d'un candidat à un moment où la campagne pour la présidentielle n'a pas démarré officiellement».
Pour le secrétaire général de l'UPL, «il n'y a aucun message politique dans les pages auxquelles il est fait référence: il n'y a aucune évocation de programme électoral, aucune présentation de programme politique. Il n'y a aucune mention de la position de M. Riahi en tant que président de l'Union patriotique libre». Et de s'interroger: «La société Tunisia Holding a-t-elle félicité, dans cette annonce, M. Riahi en tant que chef d'une entreprise économique, en tant que président d'un club de football ou en tant que président d'un parti politique?»
Et si on parlait de tous les écarts?
Ne désarmant d'aucune manière dans la défense du président de l'UPL, Maher Ben Dhia puisera la justification de cette entorse dans la sagesse populaire du «faites comme votre voisin»: «Pourquoi s'acharne-t-on ainsi sur Slim Riahi? D'autres ont fait plus et continuent de le faire. D'autres profitent de leurs positions à l'Assemblée constituante et à la présidence de la république. S'il y a écart, qu'on parle alors de tous les écarts».
M. Ben Dhia fait allusion, ici, à Mustapha Ben Jaâfar, président d'Ettakatol et de l'Assemblée, et Moncef Marzouki, président du Congrès pour la république (CpR) et locataire du palais de Carthage, candidats eux aussi à la présidence et qui ne se gênent pas de profiter de leurs positions. Pis encore: contrairement à Slim Riahi, qui paye de sa poche, ces derniers utilisent, sans le moindre scrupule, les moyens de l'Etat et puisent, donc, dans l'argent du contribuable.
Ainsi va, donc, la kermesse des premières élections libres de la Tunisie postrévolutionnaire. Des règles électorales imprécises et inapplicables, les égos surdimensionnés des petits et grands prétendants, la cacophonie médiatique, les impuissances de l'Isie, la Haica, l'autorité de régulation audiovisuelle, et autres instances censées veiller sur la transparence du processus électoral, l'indifférence quasi-générale des électeurs, leur anxiété et leur égarement, tout ce spectacle kafkaïen, angoissant et étouffant, laisse peu de chance à une issue convaincante ou à l'espoir que les attentes du 14 janvier, tant de fois déçues, seront enfin satisfaites.
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