Le volet économique du programme électoral d'Ettakatol, intitulé «Schéma de développement pour tous», est généraliste et peu chiffré.
Par Aref Slama
Insistant sur sa «réussite» durant près de 3 ans de partage du pouvoir au sein de la «troïka» (décembre 2011-janvier 2014), le Forum démocratique pour le travail et les libertés (Ettakatol) n'hésite pas à affirmer que la majorité de ses objectifs a été réalisée et que son expérience du pouvoir lui permet désormais de concevoir un modèle de développement pour la Tunisie, sans pour autant qu'une réelle évaluation de cette expérience n'ait été faite.
Ettakatol, qui a occupé au sein de la «troïka» une position importante, notamment en ayant la charge du secteur financier, devait pourtant un bilan aux Tunisiens. Sinon une mea-culpa, tant ce bilan semble aujourd'hui caastrophique.
Les principaux axes
Sans trop revenir donc sur les «succès» des 3 dernières années qui sont connus de tous, les concepteurs du programme affirment que le pays a réussi sa transition démocratique sur tous les plans, même celui économique, grâce notamment aux louables efforts d'Ettakatol qui, rappelons-le, avait dirigé le ministère des Finances durant une partie du règne règne de la «troïka».
Pour continuer son «œuvre», les ambitions d'Ettakatol n'ont quasiment pas de limites. C'est ainsi qu'on promet l'élaboration d'un plan harmonieux et avant-gardiste, touchant l'ensemble des secteurs économiques, l'Etat et ses institutions et l'amorce d'une grande opération combinant réformes de fond et modernisation.
Côté chiffres, on avance que le taux de croissance et celui de l'investissement atteindront respectivement 8% et 27% en 2019. Pour ce qui est des indicateurs du développement humain, le revenu annuel par habitant passera à 11.000 dinars, le taux de chômage baissera à 9,5%, le taux de la couverture sociale sera porté à 95%, le salaire minimum augmentera de 50% et 30.000 nouveaux logements sociaux seront construits...
Dans cette surenchère d'effets d'annonces et de promesses n'engagent que ceux qui y croient, il serait dfficile de faire mieux.
Démesure et surréalisme
Pour mettre en œuvre le programme annoncé, le parti membre de la «troïka» se fixe des objectifs qui ont élevé la barre très haut: modernisation de l'administration et décentralisation du pouvoir, dynamisation de l'investissement, développement des zones défavorisées, optimisation de la gestion du capital humain, répartition équitable de la richesse, rétablissement de la confiance des acteurs économiques et renforcement de la crédibilité des finances publiques.
Au menu, Ettakatol propose la création d'une instance gouvernementale, normalement «indépendante», qui sera chargée de l'élaboration des prévisions budgétaires et de la publication d'études, d'analyses et d'évaluations des politiques financières de l'Etat, la mise en place d'un pôle bancaire public pour l'investissement, la modernisation et la standardisation du système hypothécaire par le biais d'une refonte obligatoire du cadre légal touchant aux garanties bancaires et de la loi sur la faillite, l'élaboration d'une nouvelle carte pour les zones industrielles et la mise en place d'une institution constitutionnelle pour le développement durable.
Par ailleurs et au niveau du développement, Ettakatol envisage aussi la création d'une institution constitutionnelle dont la mission sera la réflexion sur les questions de l'environnement, l'agriculture, le tourisme, l'énergie et le secteur des services.
L'analyse globale des différents volets du programme économique du parti montre que ses axes généraux ne sont pas articulés en raison de l'absence du chiffrage des objectifs qui paraissent généralistes, manquant de cohérence dans l'ensemble et ne permettant en aucun cas l'évaluation des écarts entre prévisions et réalisations.
Les concepteurs du programme, qui ressemble beaucoup plus à un guide de bonne conduite économique et social au format galvaudé, n'ont cessé de scander la «réussite» d'Ettakatol au niveau de la gouvernance du pays durant la période du règne de la «troïka» pour dire qu'il dispose de tous les atouts et les chances pour réussir encore une nouvelle fois s'il sera réélu aux élections. Ce qui est pour le moins très discutable...
Après les promesses fantaisistes, Ettakatol présente un document difficilement qualifiable de programme électoral du fait qu'il est tronqué en raison d'erreurs multiples de plus en plus fréquentes chez certains partis et qui sont liées au manque de contact avec la réalité.
Tout au long de ce programme, on a oublié de dire où est-ce que ce parti trouvera les fonds nécessaires pour financer ses vœux pieux? Nulle part évidemment vu que son seul passage au ministère des Finances a coûté au pays quelques 16 milliards de dinars de dettes inutiles pour la plupart et qui seront payées par des générations de Tunisiens et des dégradations inédites de sa note souveraine.
Gouverner un État moderne c'est gérer des entités complexes ce qui nécessite de grandes capacités de diagnostic, d'arbitrage et de compétence. Les auteurs du programme d'Ettakatol n'en ont visiblement pas...
{flike}