Le FMI recommande à la Tunisie de dégraisser le mammouth de la fonction publique et d'y améliorer les salaires des niveaux hiérarchiques supérieurs.
Par Nabil Ben Ameur
Outre des effectifs pléthoriques, la fonction publique présente une bizarrerie bien tunisienne : les salaires les plus bas sont plus élevés que dans d'autre pays, et les plus élevés plus faibles. Une anomalie qu'une étude du Fonds monétaire international (FMI) suggère de corriger.
Si elle estime, globalement, que la Tunisie est, politiquement, sur la bonne voie, la communauté internationale est beaucoup plus sévère quant au bilan de l'action des gouvernements successifs en matière économique. Ses partenaires étrangers et, notamment, les bailleurs de fonds multilatéraux, pensent non seulement que la Tunisie ne fait pas ce qu'il faudrait qu'elle fasse pour redresser la barre dans ce domaine, mais qu'elle fait exactement le contraire. Comme pour ce qui est de la place, donc du poids, du secteur public dans l'économie.
Des effectifs pléthoriques
Cette question a de nouveau été mise sur la table par un récent rapport du FMI, qui invite les pouvoirs publics à ouvrir le chantier de la réforme du secteur public. Car «le règlement de la question du niveau élevé de la masse salariale et des lacunes de la grille des salaires sont essentiels à la durabilité fiscale et à une productivité plus élevée du secteur public».
Déjà élevée, la masse salariale continue à augmenter en Tunisie. A cause des 70.000 recrutements effectués entre 2010 et 2012 – principalement dans les catégories peu qualifiées – et de l'augmentation des salaires de 13% en moyenne, cette masse est passée de 10,7 du PIB en 2010 à 12,5% en 2013. Et absorbe ainsi près de 60% des recettes fiscales et 30% des dépenses. Ce qui, souligne le rapport du FMI, place la Tunisie «très au dessus» de la plupart des pays dans le monde.
Avec 795.000 employés – dont 180.000 dans les entreprises publiques –, le secteur public pèse près du quart de la population active, soit 3 fois plus que dans des pays comme le Maroc, le Brésil, le Chili ou le Mexique.
De même, la grille des salaires dans le public présente une bizarrerie bien tunisienne : les salaires sont – relativement – élevés au bas de l'échelle. Le salaire mensuel moyen des catégories les plus basses – qui comptent pour le tiers de la population active du secteur public – est, avec près de 840 dinars, le double du salaire minimum, sauf pour les travailleurs du secteur du bâtiment.
Alléger le fardeau de la masse salariale
Avec un salaire annuel pour les fonctionnaires de près de 13.000 dinars – soit 75% de plus que le PIB par tête –, la Tunisie se situe dans ce domaine très au-dessus de pays comme l'Egypte et la Jordanie. Seul le Maroc, où cet indicateur est 5 fois plus élevé, fait mieux – ou pire, selon les points de vue.
Ce fait n'est pas sans conséquence, puisqu'«il rend le secteur public plus attractif que le secteur privé (...), particulièrement pour les nouveaux entrants sur le marché du travail», constate le rapport du FMI.
Pour se remettre sur la bonne voie et le bon schéma, le FMI suggère de mettre en œuvre «à moyen terme» une réforme du secteur public qui «devrait alléger le fardeau de la masse salariale pour les finances publiques et laisser plus de place pour des dépenses sociales et des investissements, tout en améliorant la productivité du secteur public».
Pour ce faire, cette réforme devrait s'articuler autour de 3 points : dégraisser la «masse» des fonctionnaires par des départs volontaires à la retraite, soulager les pénuries dans les compétences pointues et améliorer la compétitivité des salaires, particulièrement aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie.
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