A deux semaines des législatives, le parti Al-Jomhouri a présenté sa vision économique pour les 5 prochaines années. Un excès de verbalisme savant plus qu'autre chose.
Par Aref Slama
Après de longues mutations politiques, Al-Jomhouri propose un programme électoral touchant les différents aspects de la vie, notamment la sphère économique et financière dont voici les traits principaux.
Des batailles sur tous les fronts
Al-Jomhouri propose pour la Tunisie un nouveau modèle de développement économique basé sur l'emploi, une réforme fiscale, une industrie fondée sur les nouvelles technologies, un tourisme rénové, une agriculture modernisée, un appel aux investissements étrangers et, au besoin, à l'emprunt extérieur.
Pour mettre en œuvre ce nouveau modèle, le parti de Ahmed Néjib Chebbi s'engage à appliquer une stratégie bâtie sur plusieurs piliers, tel que l'investissement public sur des projets rentables, un programme d'infrastructures, associant autoroutes, voies ferrées rapides, ports et aéroports, etc.
Les concepteurs du programme misent sur un appui de 1,5 à 2 milliards de dinars par an, sans pour autant en indiquer la source, et qui sera consenti aux entreprises de taille intermédiaire sous forme de crédits.
Le nouveau modèle de développement promis par Al-Jomhouri permettra d'enregistrer une croissance au terme des 5 prochaines années, commençant par un taux annuel de 3,5 à 4% et finissant par un taux de 5 à 6,0 % à la fin de l'année 2019, soit un taux moyen avoisinant 5% par an. Soit une croissance chinoise ou sud-coréenne pour une économie tunisienne en panne depuis 3 ans au moins.
Al-Jomhouri envisage aussi d'augmenter considérablement l'emploi mais évite avec habileté le piège des chiffres et des détails, bizarrement pour l'emploi seulement, en promettant de résorber la moitié de demandeurs sur 10 ans sans préciser l'effectif.
Pour ce faire, les programmes économiques, sociaux et environnementaux seront financés grâce à une augmentation sensible du budget d'investissement public qui passerait à plus de 10 milliards de dinars à prix constants d'ici 5 ans.
Néjib Chebbi expliquant le programme d'Al-Jomhouri aux jeunes dirigants.
Des réformes tous azimuts
Comme le ministère de l'Economie et des Finances n'a pas la taille souhaitée par Al-Jomhouri, un grand ministère de l'Economie, des Finances et de la Coopération sera créé. L'Agence de promotion de l'industrie et de l'innovation (Apii), le Centre de promotion des exportations (Cepex) et l'Agence de promotion de l'investissement extérieur (Fipa) lui seront rattachés et une agence chargée de l'offshoring verra le jour car ce secteur pourra absorber un grand nombre de diplômés...
Quant à la réforme du secteur bancaire, et toujours selon ce programme, il sera nécessaire de mener une concertation ayant pour objet de conserver, pour un temps déterminé, l'Etat comme actionnaire principal des banques publiques, en œuvrant progressivement à la privatisation dans le sens du renforcement du partenariat public-privé (PPP) en gardant éventuellement l'une d'elles comme banque publique de développement, soutenue dans son action par la Caisse des dépôts et des consignations.
Un remède à la pauvreté figure parmi les recettes du programme économique du parti et consiste à promouvoir fortement la micro-finance à travers le renforcement de l'assise financière et la transparence des associations et des institutions financières privées pratiquant le micro-crédit.
Ce qui intrigue le plus dans ce programme, c'est que les réformes préconisées seront menées sur une période de 5 à 8 ans, compte tenu de la «faiblesse» du secteur bancaire, au-delà du mandat éventuel d'Al-Jomhouri.
A l'instar des autres secteurs, l'agriculture bénéficiera d'un programme dont l'objet sera la mise à profit du potentiel de production et d'exportation. D'importants investissements publics seront engagés pour renforcer les infrastructures de base malgré un manque sévère de financement.
L'industrie, sera mieux intégrée localement et mieux adaptée au marché international une fois le programme d'Al-Jomhouri mis en œuvre afin d'atténuer la dépendance à l'égard de l'Europe et de s'orienter vers des horizons économiques lointains...
Toutefois, fort de ces dispositifs variés présentés comme remèdes à toutes les plaies de la Tunisie, une simple lecture du programme économique du parti de M Chebbi permet au commun des mortels de constater qu'il est loin d'être réaliste ou réalisable, très semblable en cela aux programmes des partis de la «troïka», dont l'échec n'est plus à démontrer.
En un mot, un programme amateur qui consacre l'excès de verbalisme savant plus qu'autre chose...
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