Les scientifiques redoutent une diminution progressive des ressources de phosphates, conséquence d’une forte exploitation et d’une utilisation intensive des engrais phosphatés pour le développement de la production agricole mondiale. Les grands pays producteurs, dont la Tunisie, doivent-ils penser à gérer plus rationnellement leurs ressources et même à préparer, dès maintenant, à l’après-phosphate ?
«Le pic de production de pétrole et de gaz n’est pas le seul que nous sommes susceptibles de rencontrer dans un futur proche. Il semble que le pic de production de phosphate provenant du phosphate de calcium minéral soit également proche», note Lucas Reijndres, professeur en sciences environnementales à l’Université d’Amsterdam (Pays-Bas), dans une tribune sur le site ‘‘techniques-ingenieur.fr’’.
Citant une étude récente de Dana Cordell, de l’université technologique de Sydney, qui laisse entendre que le pic de production du phosphate se produira entre 2030 et 2040, l’auteur ajoute: «C’est d’autant plus inquiétant que si le pétrole et le gaz peuvent être remplacés par d’autres sources d’énergie, le phosphate, qui entre dans la composition de nombreux engrais agricoles, n’a pas de substitut.»
Parmi les autres sujets d’inquiétude liés à la diminution des ressources de phosphate, on pourrait aussi la hausse consécutive des coûts agricoles et la baisse de la productivité de l’agriculture, qui plus est, dans un monde où la croissance démographique est loin encore de décélérer et où les besoins alimentaires des populations augmentent sans cesse, conséquence de l’amélioration constante du niveau de vie.
«Les rendements annuels de céréales dans les pays industrialisés dépassent aujourd’hui les 5 tonnes par hectare. Mais en absence d’une source externe de phosphate, les rendements annuels étaient de l’ordre de 1 tonne de céréales par hectare», note aussi Lucas Reijndres. Qui ajoute, un brin alarmiste : «Il est ainsi probable que sans une compensation du phosphate provenant du phosphate de calcium minéral par des sources alternatives de phosphate, la productivité agricole chutera à un niveau qui ne lui permettra pas de nourrir correctement 9 milliards d’habitants en 2050.»
A tous ces problèmes s’ajouteront ceux liés au changement climatique et à la diminution des ressources d’eau et de terres qui risqueraient, eux aussi, de limiter de façon substantielle la production agricole à l’avenir.
Ces scénarios catastrophes sont inspirés par des données qui mériteraient cependant d’être considérées avec beaucoup de circonspection. N’étant pas régulièrement remises à jour par les pays et les industriels, les statistiques concernant les réserves mondiales de phosphates doivent être prises avec beaucoup de réserve. N’oublions pas aussi que de nombreux pays, comme l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Australie, le Pérou et le Brésil, sont en train de développer leur production pour profiter de la hausse de la consommation et des prix. Le club des producteurs de phosphates, qui compte une trentaine de pays, pourrait donc augmenter d’une dizaine d’autres d’ici 2020. La production de phosphates et d’engrais chimiques augmentera en conséquence.
Par ailleurs, des experts, notamment européens, travaillent aujourd’hui sur des modèles de gestion raisonnée de cette ressource, qui passe par le recyclage du phosphore consommé. «Des projets de récupération du phosphore dans le fumier animal, ou même dans les eaux usées ou les excréments humains, sont à l’étude, en Suède et en Allemagne notamment», ajoute ‘‘Le Monde’’.
Imed Bahri
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