L'Instance de Contrôle de la Constitutionnalité des lois a donné raison au gouvernement à propos du projet de loi sur l'électricité verte, remise en question par 35 députés.
Par Nabil Ben Ameur
Les 35 députés de l'Assemblée nationale constituante (ANC), appartenant aux plus importantes formations représentées (Ennahdha, Congrès pour la République, Ettakatol, Al-Massar, etc.), qui avaient introduit un recours devant l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCP), n'ont pas réussi à faire tomber le projet de loi sur la production d'électricité à partir des énergies renouvelables.
Certes, cette instance a, dans une décision prise le 8 octobre 2014, satisfait l'une de leurs demandes: que les contrats d'investissement et autres accords soient, conformément à l'article 13 de la nouvelle constitution, soumis à l'Assemblée du peuple pour approbation. Mais l'IPCCP a débouté le groupe des 35 sur l'essentiel, à savoir l'ouverture du secteur à l'investissement privé.
Les 35 avaient, en particulier, appelé à la renationalisation de l'électricité et du gaz et contesté au «gouvernement de la révolution de dilapider les acquis du gouvernement de l'indépendance qui avait nationalisé» ce secteur, à «travers l'exclusion de la compagnie nationale (c'est-à-dire la Steg) de la participation à la production de l'électricité à partir des énergies renouvelables et de sa supervision».
Ils avaient également refusé que la politique énergétique du pays soit «entre les mains du ministre chargé de l'Energie, de l'investisseur étranger ou local» et que la Steg «soit obligée d'acheter l'électricité malgré elle et sans fixer de prix minimum ou accorder d'avantage à l'entreprise publique».
Arguments rejetés par l' IPCCP. D'autant que le gouvernement avait rappelé que l'ouverture de la production d'électricité à partir des énergies renouvelables avait déjà été consacrée par la loi n°27 du 1eravril 1996, et était conforme à la jurisprudence permettant à la personnalité publique de déléguer la gestion d'une infrastructure publique au secteur privé tout en préservant les prérogatives de contrôle du pouvoir public.
Outre le rappel que la production d'électricité est ouverte au privé depuis la création de la centrale de Rades en 1996, le gouvernement avait mis, surtout, en avant la nécessité de recourir à l'investissement privé dans la production d'électricité à partir des énergies renouvelables pour garantir la sécurité énergétique du pays. Car la Steg, qui doit emprunter tous les ans près de 300 millions d'euros (685 millions de dinars) pour ses investissements habituels, n'a pas les moyens de prendre en charge la réalisation de centrales électriques nécessitant des investissements colossaux.
Ce recours aux prêts fait grimper sa dette qui s'élève à près de 1,8 milliard d'euros et aggrave son taux d'endettement –actuellement de 55%, contre 46% en 2011. Une situation qui a provoqué des difficultés financières structurelles et diminué la capacité de l'Etat à fournir les garanties nécessaires pour emprunter sur le marché mondial.
Centrale électrique de Bir Mcherga.
Le groupe des 35 avait demandé de déclarer inconstitutionnels quatre articles (1er, 10, 12, 13 et 14) du projet de loi concernant la production d'électricité à partir des énergies renouvelables. L'instance a jugé trois de ces articles (10, 12 et 13) en opposition avec l'article 13 de la nouvelle constitution prévoyant la soumission des contrats d'investissement concernant les ressources naturelles à la Commission de l'Assemblée du Peuple chargée de ces questions et les accords conclu à cette assemblée pour accord.
Elle a par contre rejeté les arguments des 35 députés concernant les articles 1er et 14, à propos desquels le gouvernement avait fait valoir que le premier n'excluait pas la STEG (Société Tunisienne d'Electricité et de Gaz) de la production d'électricité verte, et que le second – prévoyant la possibilité de réaliser certains projets sur des terres agricoles ou forestières appartenant à l'Etat – ne mettait pas en danger l'équilibre alimentaire du pays, puisque la règle est que les projets sont établies sur des terres privées et exceptionnellement sur une propriété de l'Etat.
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