tourisme tunisie
Premier pourvoyeur de devises, le tourisme couvre 60% du déficit de la balance commerciale, représente 6,5% du Pib et emploie 350.000 personnes. Quelles sont les chances de reprise de ce secteur essentiel pour  l’économie tunisienne?


Durement frappé par les semaines de troubles qui ont conduit à la chute de Ben Ali, le tourisme en Tunisie a enregistré, le mois de janvier, une baisse de 40% des recettes par rapport à la même période de l’an dernier. Selon le nouveau ministre du Tourisme, Mehfi Houas, février sera également «moins bon». «Nous faisons le tour des pays européens et nous aurons dans les prochains jours des contacts intensifs avec les tours opérateurs et je pense que le secteur peut récupérer vers le printemps», tient cependant à ajouter M. Houas.

Une reprise au printemps ?
Selon le ministre du Tourisme, qui se veut rassurant, la Tunisie devrait retrouver au printemps son niveau d’avant les troubles qui ont fait fuir des milliers de visiteurs étrangers. «D’ici là nous devons rassurer les tours opérateurs sur l’état de la sécurité du pays et engager une campagne de promotion», dit-il.
Les avis des voyagistes européens spécialistes de la destination Tunisie restent cependant assez contrastés. Il y a ceux qui tablent sur une reprise rapide. C’est le cas du Pdg de Fram, 2e tour opérateur français, qui s’est dit «entièrement disposé à soutenir la relance du tourisme tunisien». Antoine Cachin, qui s’exprimait samedi à l’issue d’un entretien avec M. Houas, à Tunis, a réaffirmé sa confiance dans la reprise du tourisme en Tunisie. Pour son agence, qui opère quatre hôtels dans le pays dont deux en propriété, la Tunisie «a été et continue à être l’une des toutes premières destinations de Fram Voyages avec plus de 100.000 touristes français par an», a-t-il ajouté.
Pour d’autres voyagistes européens, les perspectives sont plutôt mitigées. Pour l’instant, la suspension des départs vers la Tunisie et l’Égypte, les deux destinations phares de l’hiver, profite aux îles Canaries (Espagne), au Maroc, à la Turquie, à l’île Maurice et à la République dominicaine, qui font un retour en force chez les voyagistes européens, soucieux de trouver des plans B à leurs clients, toujours en demande de soleil.

Une année touristique agitée?
Certains voyagistes européens estiment que les événements en Tunisie puis en Égypte, ont stoppé les espoirs d’une année touristique plus calme et profitable. Le tour-opérateur britannique Tui Travel, numéro un du tourisme en Europe, a prévenu jeudi que les événements en Tunisie et en Égypte pourraient affecter ses résultats à hauteur de 35 millions d’euros.
«Le sort s’acharne», résumait récemment le patron de la filiale française de Thomas Cook, après les retours des touristes de Tunisie, où beaucoup d’Européens passent l’hiver à des prix très abordables, et d’Égypte, où la saison bat son plein car les temples des pharaons se visitent par une température agréable loin de la fournaise estivale.
De Moscou à Paris en passant par Berlin, les tour-opérateurs et agents de voyage se livrent depuis le début de ces événements à une réorganisation des destinations, reprogrammant des vols, réservant des capacités hôtelières supplémentaires sans parler des transferts de clients à assurer et autres excursions à programmer.

Report des départs sur les Canaries, le Maroc et la Turquie
Pour remplacer la Tunisie, que Florian Vighier, patron du tour-opérateur français Marmara, qualifie de «meilleur rapport qualité-prix au monde», les voyagistes proposent les Canaries, qui devraient faire le plein en février et même en mars. En Allemagne, le groupe Tui a décidé d’augmenter de 40.000 places ses capacités de vol vers les Canaries, première destination hivernale des Allemands. Le Maroc, prisé des Français, bénéficiera aussi de retombées positives de la suspension des départs de vacanciers vers la Tunisie, selon Jean-Marc Siano, patron du groupe Nouvelles Frontières, ainsi que les Baléares grâce à ses «petits prix».
Carine Martin, responsable de l’agence La Dépêche Voyages, confirme les mauvaises perspectives actuelles pour la Tunisie et l’Egypte : «Nous avions deux départs vers la Tunisie prévus: l’un a été reporté, l’autre a changé de destination. Pour l’Égypte comme pour la Tunisie, tous les vols sont annulés jusqu’au 14 février inclus», explique-t-elle. Elle ajoute: «Nous suivons la situation au jour le jour, car les informations changent très régulièrement.»
Craint-elle une chute d’activité de son agence? Réponse de Mme Martin : «C’est trop tôt pour le dire, les événements sont trop récents. Le moment charnière surviendra après les vacances de février. La Tunisie et l’Égypte sont des destinations que les clients recherchent beaucoup à partir du printemps.
La Tunisie, proche et pas très chère, figure dans le top 5 de nos destinations.
Contrairement à l’Égypte, qui a déjà connu des attentats ou des tensions, nous n’avions jamais connu de souci avec la Tunisie. Notre métier est très dépendant de paramètres extérieurs, qu'ils soient politiques ou climatiques. On s’adapte, pour proposer des offres différentes.»
Interrogée sur la réaction de ses clients à l’évolution de la situation en Tunisie et, surtout, en Egypte, la voyagiste française s’est montrée cependant assez pessimiste: «Il y a toujours un phénomène d’inertie. Les clients risquent de bouder ces destinations pendant toute l’année 2011, malgré d’importantes promotions à attendre quand la situation sera revenue à la normale. Mais, dans l’esprit des gens, c'est sûrement toute la zone qui va en pâtir: le Maroc, la Jordanie, la Syrie…»

Il faut améliorer la situation sécuritaire
Quoi qu’il en soit, une délégation de l’ensemble des compagnies aériennes et voyagistes français est d’ailleurs attendue cette semaine à Tunis pour rencontrer les autorités et étudier les moyens de relancer l’activité touristiques dans le pays. Celle-ci étant largement tributaire de l’amélioration de la situation sécuritaire, les violences enregistrées vendredi et samedi à Sidi Bouzid et le Kef risquent de laisser planer des doutes quant à une stabilisation rapide.
Ces doutes n’ont pas empêché la Grande-Bretagne de lever, dès vendredi, sa mise en garde sur les voyages en Tunisie. «Il y a maintenant un nouveau gouvernement largement représentatif et qui a signalé son intention d’engager des réformes politiques. La Grande-Bretagne pense que ces actions sont encourageantes», avait noté le Foreign Office ministère dans un communiqué. On peut espérer que les autres pays européens, qui représentent le gros du marché touristique tunisien, ne tarderont pas à suivre ce mouvement de solidarité avec la «révolution tunisienne».

Imed Bahri