Médias, publicité, politique, liberté, démocratie: les gros thèmes de l’actualité ont été abordés, samedi, par Hassen Zargouni, devant un parterre d’annonceurs, de cinéastes et de journalistes.
Révolution oblige, «la machine économique est presque en panne, et c’est à nous de la faire démarrer, d’autant qu’aujourd’hui plus que jamais, nous croyons en l’avenir», a expliqué le patron de Sigma Group. «Après cette période de flottement, le pays se portera beaucoup mieux», a-t-il ajouté, avec son optimisme habituel.
La pub comme signe de bonne santé économique
Au centre de l’Open Sigma 201: la publicité et la communication, présentées comme des indices de bonne ou de mauvaise santé de l’économie. «Sans communication, il y a un vide. La pub, c’est le business, c’est le retour à l’activité, c’est l’avenir», dit Zargouni. «Lorsque j’ai entendu, le 17 janvier de bonne heure, les coups de marteaux venant d’un chantier, ça ne m’a pas gêné. Au contraire, c’était comme une symphonie…», a-t-il ajouté.
La publicité, on le sait, est un marqueur de liberté. C’est aussi le principal indicateur de la santé commerciale des entreprises.
Un milliard de dollars US est investi chaque année dans la publicité au Maghreb contre 450 milliards de dollars dans le monde. Avec 186,4 millions de dollars, la Tunisie vient après le Maroc (980,7 millions de dollars) et l’Algérie (283,5 millions de dollars). Dans ce domaine, la Tunisie reste très en-deçà des standards dans le monde et au Maghreb.
Impact de l’image après la révolution
D’après M. Zargouni, la révolution a permis de réconcilier les Tunisiens avec leurs médias et surtout avec leurs chaînes de télévision. «La télévision est le plus puissant moyen de communication. Il y a certes Internet, la radio, mais l’image a beaucoup plus d’impact sur les gens», affirme M. Zargouni. «En Tunisie, on compte 1,5 poste de télé par foyer et le pays est bien équipé. 7% des ménages sont équipés de Dreambox. En 2010, les Tunisiens ont regardé beaucoup plus le foot que la politique», ajoute l’économiste statisticien. Avant de s’interroger: «Qui a dit que les jeunes tunisiens se moquent du monde du cinéma? Non, là aussi, on s’est trompé. Les jeunes ont une culture cinématographique très moderne. Ils connaissent tout sur tout. Ils achètent 3 à 4 Dvd par mois. Et le nombre de Dvd et de films téléchargés est impressionnant».
Concernant le petit écran, le Tunisien regarde la télé généralement en famille. La censure collective prime sur la censure individuelle, mais l’audience conjointe reste importante. Selon l’enquête de Sigma, le Tunisien zappe en moyenne 13 chaînes par jour. Or un Français, c’est 2,5 chaînes par jour. Mais la nouveauté, depuis la révolution, c’est cette confiance qui a commencé à s’installer peu à peu entre le Tunisien et ses chaînes de télévision nationales.
«Avant la révolution, l’audience des chaînes tunisiennes était de 47,4%. Elle est passée à près de 60%. Soit une augmentation de 17,2%. Ceci ne peut être que l’effet de l’ouverture, de l’offre. Avant la révolution, l’offre n’y était pas et le Tunisien avait besoin de s’identifier à ce qu’on lui présente sur l’écran. Aujourd’hui, les programmes de la Chaîne nationale passent mieux», a-t-il souligné.
En revanche, Canal 21, la deuxième chaîne publique, a disparu (ou provisoirement suspendue). Le Tunisien, bien servi par les autres chaînes nationales, ne s’est même pas rendu compte de cette disparition.
Après les talk shows sociaux et les loisirs, la politique
Que regardait le Tunisien sous la dictature? Réponse de M. Zargouni: «Les loisirs passaient bien.» C’est ce que faisaient Nessma TV et, surtout, Hannibal TV avec un talk show lacrymale, ‘‘Al Moussameh Karim’’, qui réalise, à lui seul, 46,4% d’audience.
Effet prévisible de la révolution: «Le Journal télévisé, qui était crédité de 6 à 10% d’audience selon l’actualité, atteint aujourd’hui, sur la Chaîne nationale, entre 35 et 45%». «C’est un peu le 20 heures de TF1. Le journal télévisé est devenu un moment sacré. On revient à la norme mondiale», se félicite M. Zargouni.
La pub, qui a enregistré une croissance fulgurante en 2010, a connu, depuis le début des événements, un coup d'arrêt. «Actuellement, il n’y a pas de pub à la télé et les patrons des chaînes auront des difficultés pour servir les salaires des employés», fait remarquer M. Zargouni. Qui préfère cependant dédramatiser. «Ça va reprendre pendant le deuxième semestre avec le mois de Ramadan», affirme-t-il. Il ajoute: «La réalisation des campagnes de publicité vont commencer en mars.»
Révolution oblige, les créateurs et les agences sont appelés aujourd’hui à présenter un produit qui n’écorche pas l’image d’un pays en transition démocratique. Ils devraient éviter aussi les contenus qui écorcheraient l’image de l’enfance ou de la femme.
Zohra Abid