Aussi bien au niveau des priorités et des équilibres que sur le plan des dispositions générales, la Loi de finances 2015 mérite une analyse fouillée.
Par Aref Slama
C'est dans un contexte mondial marqué par les signes de la poursuite d'une récession qui s'aggrave dans la zone euro, et compte tenu de plusieurs indices précurseurs se rapportant à la continuité probable des pressions intérieures, que la Loi de finances 2015 vient se donner pour but de maîtriser le déficit public et de restaurer les équilibres macroéconomiques du pays.
Les objectifs visés
Dans sa présentation générale, la Loi de finances évoque la possibilité de réaliser un taux de croissance de 3% en 2015, contre 2,5% attendu au terme de l'année en cours, et de maintenir le déficit public au niveau de 5%. A ce titre, il est impératif de renflouer les recettes directes de l'Etat, tout en bordant le volume de l'endettement à moins de 25% des ressources financières dans leur ensemble.
Toutefois, il est fort probable que cette démarche entraîne une restructuration de fond des dépenses publiques de fonctionnement et d'investissement.
Au niveau des hypothèses, on constate aussi une concentration sur les engagements de la Tunisie au titre du quatrième programme de dynamisation économique envers la Banque mondiale (BM) et l'Union européenne (UE) et vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI), notamment en termes de limitation du creusement du déficit du secteur extérieur, de concrétisation du programme des réformes structurels, du renforcement du rythme de réalisation des projets publics et d'amélioration de la situation du climat des affaires.
En somme, le gouvernement sortant a tablé sur une enveloppe budgétaire globale de 29.000 millions de dinars (MD) et ce, sur la base d'un accroissement des ressources fiscales de 5,8% et des dettes extérieurs de 6,7% pour atteindre 7.405 MD contre une quasi-stagnation des dépenses de fonctionnement qui s'établiront à 17.664 MD en raison de la diminution prévue des budgets consacrés aux subventions et aux interventions diverses et une évolution attendue de l'enveloppe réservée au développement ou à l'investissement de 23,2%.
La réalisation de tels équilibres oblige à penser à l'ampleur de la gestion des défis sociaux.
Les dispositions spécifiques
Plusieurs mesures ont été décrétées au niveau de la Loi de finances à la faveur de l'amélioration des capacités de compétitivité des entreprises et du financement de l'investissement en vue de booster l'emploi.
Ainsi, les taux de la retenue à la source sur les recettes des opérations d'exportation seront ramenés de 2,5% à 1,5% et de 1,5% à 0,5% et il sera permis aux entreprises totalement exportatrices d'écouler en 2015 sur le marché local leur production dans la limite de 50% de leur chiffre d'affaires au lieu de 30% afin de remédier aux difficultés observées sur le marché des exportations.
D'un autre côté, il est prévu d'approuver un nouveau code unique des impôts, l'élargissement de l'application de la réglementation relative à l'impôt sur les sociétés, aux associations et la révision des avantages fiscaux concernant les entreprises en difficulté ainsi que la poursuite de la concrétisation des opérations de prélèvement des cotisations dites provisoires et volontaires au budget de l'Etat des personnes physiques soumis à l'impôt sur le revenu.
La fiscalité de l'héritage fera aussi l'objet de certaines révisions au même titre que la révision de la réglementation régissant le paiement et le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les équipements importés et non fabriqués en Tunisie.
En outre, selon la Loi des finances 2015, le contribuable aura le choix de payer une redevance de 1000 dinars pour toute année civile et ce quel que soit le nombre de voyages effectués à l'étranger. Cette disposition concerne surtout les personnes physiques qui sont souvent en voyage tout au long de l'année.
Une équation difficile à résoudre
Malgré l'objectif de transparence et de simplification des procédures fiscales qu'aurait voulu consacrer la Loi de finances pour l'année prochaine et l'amélioration de la gouvernance des fonds d'intervention publique, il est fort probable que son application engendre une pression fiscale très élevée et de fortes tensions sociales.
La résolution de l'équation de l'amélioration de la situation des équilibres budgétaires, sans toucher au pouvoir d'achat et à la position financière des entreprises, sera difficile à résoudre en raison évidemment des calamités subies, particulièrement, au niveau de la gestion des finances publiques durant les trois années du règne de la «troïka», l'ex-coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha.
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