sami zaoui
Quelle sortie de crise pour Tunisie Télécom? Sami Zaoui, Secrétaire d’Etat chargé  des Technologies de la communication, propose sa vision des choses dans un entretien à Kapitalis.


samy zaouiKapitalis : Où en êtes-vous dans la négociation entre Tunisie Télécom et le syndicat?
Samy Zaoui: En fait, il y a eu un accord, mercredi 9 février, entre la direction de Tunisie Télécom et les représentants du syndicat. Cet accord n’a pas été facile à obtenir, car les discussions se sont déroulées dans des conditions difficiles. Mais il a finalement été signé par les deux parties.

Où résident donc les divergences?
L’une des clauses du contrat concerne le statut des contractuels. Laissez-moi vous expliquer ce point. Depuis sa privatisation en 2006, Tunisie Télécom a engagé un programme ambitieux de réformes, afin d’être mieux armée pour affronter un environnement de plus en plus concurrentiel. Pour mettre en œuvre ces réformes, elle s’est naturellement appuyée sur ses compétences internes mais a également dû, et c’est naturel, s’appuyer sur des compétences externes, notamment dans le domaine commercial. Tunisie Télécom a aujourd’hui 48 cadres, tous de nationalité tunisienne, qui ont été recrutés dans ces conditions, et qui sont sous le régime du contrat à durée déterminée.  
Par ailleurs, Tunisie Télécom commençait à perdre certains de ses cadres qui rejoignaient la concurrence ou plus généralement le secteur privé. Pour  faire face à ce problème, elle a mis en place un plan de rétention, qui consiste à proposer à certains cadres des contrats à durée déterminée (Cdd) avec des salaires équivalents à (ou proches de) ceux pratiqués par ses concurrents. Ces employés ont donc dû quitter l’entreprise pour la réintégrer ensuite sous le statut de contractuel. Cela leur a permis certes d’améliorer leur situation financière, mais leur statut est devenu précaire.

Cela a créé des écarts de salaires entre des cadres ayant le même titre de directeur. Les uns touchent entre 3.000 et 4.000 dinars et les autres 1.200 dinars. Est-ce viable? Est-ce acceptable?
Sue le long terme, cette situation est difficile à maintenir. C’est la raison pour laquelle l’entreprise a travaillé sur une réponse à plusieurs niveaux. Dans une première étape, elle s’est proposée de préparer un nouveau statut qui intègre les exigences d’efficacité et de bonne gouvernance: souplesse de recrutement, évaluation des agents, amélioration des salaires, bonus de performances, etc.
Dans une 2e étape, elle a élaboré un plan de départ volontaire à la retraite pour les employés ayant plus de 50 ans, et qui devrait concerner plus de 2.000 salariés.
Dans un 3e temps, l’entreprise se proposait de faire migrer les contractuels vers un statut de titulaires et d’améliorer la situation financière de tous les salariés qui allaient accompagner l’entreprise dans ses développements futurs.

Où est donc le problème?
Je me pose la même question. Je ne sais pas où est le problème. Les membres du syndicat rejettent le plan de départ volontaire à la retraite et exigent le départ immédiat des contractuels. Or, l’entreprise ne peut pas se passer du jour au lendemain de 50 parmi ses 100 hauts cadres. De même, il y a déjà 350 salariés qui sont prêts à partir volontairement à la retraite. Et j’insiste ici sur l’adverbe «volontairement». Ce plan a été lancé il y a seulement deux mois. On imagine que beaucoup d’autres salariés de plus de 50 ans demanderont de bénéficier de ce plan.
Cette situation n’est pas inédite. Tous les opérateurs Télécoms historiques qui sont passés au secteur concurrentiel ont dû apporter des réponses de ce type.
Aujourd’hui, le document signé le 9 février met entre parenthèses le plan de départ volontaire et laisse donc le problème entier.

Que s’est-il passé lors de la réunion de samedi que vous avez présidée ?
Le Pdg de Tunisie Télécom a commencé par présenter sa vision d’une solution globale des problèmes de l’entreprise. Au bout de 5 minutes, il a été interrompu par les représentants du syndicat, qui lui ont demandé : «Sur les 63 [contractuels], vous allez garder combien?»
Or, dans l’accord du 9 février, il n’était pas question de remercier les contractuels, mais d’établir un plan pour mettre fin au statut de contractuel. Ce qui n’est pas du tout la même chose.
Le lundi 14 février, avant le début de la réunion, les représentants syndicaux ont mis une condition inacceptable: que la réunion se déroule en l’absence du Pdg. Condition que j’ai bien entendu refusée, et que je continuerai à refuser. Il est de l’intérêt de toutes les parties concernées que les discussions se fassent entre personnes respectueuses de l’autre et agissant dans un esprit constructif. C’est ma responsabilité et c’est mon engagement.

Est-ce à dire que les discussions se sont arrêtées?
Nous allons continuer à discuter avec la partie syndicale, mais le respect des accords signés est une condition préalable, et ce dans l’intérêt de l’entreprise qui doit primer sur toute autre considération. Seule doit primer la sauvegarde des intérêts de l’entreprise et de ses 8 000 salariés.

Propos recueillis par Ridha Kéfi