Note du Centre tunisien de veille et d’intelligence économique (Ctvie) dépendant de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace) sur les conditions de la reprise de l’activité économique dans le secteur privé.
Les heureux événements que notre pays a connus durant les deux dernières semaines, au prix d’un sacrifice de plusieurs vies de jeunes tunisiens ont conduit à instaurer un climat de liberté, de dignité et de démocratie. A l’issue de ces événements, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (Iace) a cherché à mieux connaître les conditions de la reprise de l’activité économique notamment au niveau des entreprises du secteur privé.
Les axes de l’enquête
Pour cela, l’institut a mené une enquête à l’échelle nationale auprès d’un échantillon d’entreprises appartenant aux divers secteurs économiques. Le questionnaire adopté pour cette enquête est centré autour d’un nombre réduit d’interrogations.
En fait, ces interrogations sont relatives au rythme actuel de l’activité de l’entreprise, au temps jugé nécessaire pour que l’entreprise retrouve son niveau d’activité antérieur, à la volonté ou non du chef d’entreprise d’investir et de recruter du personnel sur le court et le moyen terme. Enfin, il a été demandé aux chefs d’entreprises de proposer les mesures qu’ils estiment adaptées au contexte économique actuel pour que notre pays connaisse une bonne et durable reprise de l’activité économique et pour qu’il puisse réaliser une création substantielle d’emplois.
Le rythme actuel de l’activité des entreprises
Exprimé en pourcentage par rapport à leurs niveaux habituels durant cette période de l’année, le niveau moyen de l’activité des entreprises enquêtées se situe autour d’une moyenne de 52.9%. Ce niveau moyen correspond également au niveau réalisé par prés de la moitié des entreprises enquêtées. Il convient, toutefois, de préciser que près de 20% des entreprises enregistrent déjà un niveau d’activité de plus de 95%, alors que près d’une entreprise sur trois fonctionne actuellement à un rythme de 30% ou moins que son rythme habituel.
Interrogées sur le nombre de journées ouvrables qui leur sont nécessaires pour qu’elles reviennent à leurs niveaux d’activité habituelle, les entreprises enquêtées évoquent un délai moyen de 31 jours et demi. Par rapport à cette moyenne, le délai pour une reprise totale varie entre un minimum d’une journée à un maximum de six mois. Par ailleurs, pour beaucoup d’entreprises, la condition de levée imminente du couvre feu s’impose comme condition nécessaire pour un retour à la normale.
Perspectives d’investissement et de recrutement
Compte tenu du climat de liberté, de dignité et de justice instauré par la révolution, il est prévu que l’environnement des affaires va s’améliorer d’une manière substantielle durant les prochaines semaines. Cet esprit peut générer auprès des chefs d’entreprises la ferme volonté de créer de la valeur économique pour le pays.
A ce titre, il a été demandé aux chefs d’entreprises s’ils comptent réaliser des investissements à court ou à moyen terme et s’ils envisagent de recruter du personnel pour le même horizon temporel.
L’examen des réponses à l’enquête montre que près de 39.7% des chefs d’entreprises déclarent vouloir investir durant le court ou le moyen terme alors que prés de 36% d’entre eux assurent vouloir recruter du personnel pour le même horizon.
Sans être exceptionnels, ces résultats marquent une différence significative avec ce que l’on enregistre habituellement dans les enquêtes de conjoncture. Si l’on tient compte des propositions avancées par les chefs d’entreprises pour assurer une reprise durable de l’activité économique et pour réaliser la création d’un nombre important d’emplois, on peut raisonnablement affirmer que si certaines des mesures proposées sont réellement adoptées, l’impact sur l’investissement et l’emploi sera plus important.
Sur la base de ces proportions, il est possible de proposer une estimation d’un indice de confiance spécifique à cette enquête voisine de 7%. Cela marque un point de retournement correspondant à une réelle rupture par rapport aux valeurs précédemment observées pour des indices comparables.
Des mesures pour assurer la reprise
En matière de mesures à prendre et/ou d’actions à entreprendre pour assurer une bonne et durable reprise de l’activité économique au niveau national, les chefs d’entreprises avancent des propositions aussi bien d’ordre politique qu’économique.
Sur le plan politique, les avis sont partagés évoquant l’instauration de la sécurité, l’institution de la liberté de la presse, la levée du couvre feu et le retour à la normale et au calme, notamment dans les services publics. Assurer la reprise des activités vitales à l’instar des activités portuaires, douanières, bancaires, etc. Nous trouvons également des avis sur le gouvernement en place, sur le rôle des syndicats, sur l’attitude à tenir vis-à-vis de la réaction de certains pays voisins, la nécessité de préparer les élections futures au niveau national, etc.
Sur le plan économique, les opinions des chefs d’entreprises enquêtés sont plus convergentes. Concernant les mesures à prendre et les actions à entreprendre pour une bonne et durable reprise de l’activité économiques, les propositions évoquent:
- l’allégement, voire la suppression, des autorisations préalables dans le monde des affaires ;
- réduire les charges sociales et la fiscalité pour encourager l’investissement ;
- consolider la transparence au niveau des démarches administratives fiscales et enrayer tous les abus dans le domaine fiscal ;
- programmer des rencontres regroupant les banques et les entreprises selon un schéma de priorités nationales ;
- adresser des messages à l’encontre de nos partenaires et des donneurs d’ordres étrangers pour les rassurer et apaiser leurs craintes ;
- responsabiliser aussi bien les chefs d’entreprises que les syndicats en matière de revendications salariales ;
- assurer plus de transparence en matière d’appels d’offres publics ;
- inciter à la bonne gouvernance ;
- assurer un soutien aux Pme-Pmi ;
- améliorer la réactivité de l’administration ;
- combattre la corruption auprès de tous les services administratifs importants ;
- informer les organismes de couverture des exportations et les organismes de notation de la situation financière en Tunisie ;
- prendre des mesures urgentes d’aide aux régions défavorisées. A ce titre, il faudrait repenser le code des investissements en favorisant le développement des régions ;
- pour les entreprises exportatrices, il convient de :
a. créer un fond de roulement auprès des banques pour assurer le redémarrage de leur activité économique la préparation à l’organisation d’élections ;
b. avoir la possibilité de vendre sur le marché local sur simple demande adressée à la douane ;
c. accorder une exonération de la charge patronale auprès de la Cnss pour une période de 5 ans accélérer les investissements publics en termes de dépenses d’infrastructure, de réseau routier, etc. ;
- envoyer des messages aux pays voisins illustrant l’importance des relations économiques et veiller à le démontrer par des actions concrètes.
Pour la création d’emploi, les opinions des chefs d’entreprises enquêtés proposent:
- d’assurer des encouragements étatiques pour prendre en charge une part des impôts et des charges sociales ;
- de réviser le code de travail pour responsabiliser les ouvriers en termes de productivité ;
- d’instaurer des incitations fiscales au recrutement ;
- de créer de nouveaux types de contrats de travail: stage-emploi, stage longue durée, emploi à temps partiel ;
- d’insister au niveau de la formation à l’importance de la culture générale et inciter à la maîtrise des langues telles que le français, l’italien, l’anglais, etc. ;
- de développer le partenariat entre les écoles, les instituts, l’université d’une part et l’entreprise d’autre part ;
- de sensibiliser davantage à la création d’entreprises, à l’initiative individuelle
- d’inciter à la création d’entreprises et d’emplois dans les zones défavorisées ;
- de promouvoir auprès des jeunes la culture de l’effort et l’image de la réussite à travers l’engagement professionnel ;
- d’éviter les nombreux obstacles qui ralentissent la création de nouveaux projets, notamment au niveau des déclarations à l’Agence de promotion de l’investissement (Api) et à l’Agence de promotion de l’investissement (Apia), l’obtention d’un code en douane… On peut créer un poste de coordinateur économique pour assurer un suivi rapide des dossiers relatifs à la création de projets, qui sont à la base de nouveaux recrutements:
- de prendre en charge une partie du salaire et des charges sociales durant une période de 6 à 12 mois du fait que le nouveau recruté nécessite une telle période de formation complémentaire ;
- d’encourager la formule de formation par alternance impliquant les étudiants, les enseignants et les chefs d’entreprises ;
- d’assurer une flexibilité totale en matière d’embauche et de licenciement qui renforce la productivité des entreprises et facilite l’accès à l’emploi ;
- d’assurer la justice et la transparence au niveau de l’attribution des marchés
- d’éliminer le critère du moins disant pour l’octroi des marchés d’études et de conseil ;
- de réviser les taux d’imposition pour les sociétés de moins de dix employés à titre d’exemple ;
- d’engager dans l’urgence un nombre de chômeurs diplômés, ils seront de toute façon formés en interne et contribueront in fine à la richesse de l’entreprise. Il s’agit d’un sacrifice à court terme mais rentable à moyen et à long terme ;
- d’entreprendre de grands projets pouvant embaucher un grand nombre de chômeurs surtout dans les régions de l’intérieur ;
- de développer davantage l’environnement favorable des affaires qui s’est amélioré suite au rétablissement de la justice et l’abolition de la corruption. Cela permettra aux entreprises de fonctionner d’une manière efficiente et rentable, ce qui aura des conséquences positives sur le recrutement notamment des cadres.
Dans le même ordre d’idées, l’amélioration de l’environnement des affaires peut inciter les entreprises étrangères à développer les Ide dans un pays de liberté et de droit, cela contribuera à plus de recrutement des diplômés de l’enseignement supérieur ;
- de revaloriser les métiers manuels en introduisant une hiérarchie selon le niveau de qualification ;
- de développer l’activité agricole selon une politique innovante et adaptée aux potentialités régionales en accordant des prêts ou en fournissant gratuitement des services (tels que des sondages) pour assurer un démarrage du projet ;
- d’encourager l’émergence de grands groupes spécialisés tout en instaurant une loi anti trust.
Source : ‘‘Iace Online’’.