Le Salon, inauguré vendredi dernier, dégage une bonne impression. De la créativité et de la qualité chez les Tunisiens et pas l’ombre d’un produit chinois. Seule fausse note: les articles coûtent les yeux de la tête. Zohra Abid
Mais, marchander n’est pas interdit et tout genre de crédits est accepté… Il y a donc affluence et même des commandes. Les organisateurs qui ont prévu près de 80.000 visiteurs, ont avancé, quelques jours après l’ouverture, un chiffre plus important (et tout naturellement plus de recettes). C’est tout le mal qu’on leur souhaite pour que la machine économique reprenne au plus vite.
Du classique avec une touche moderne
«Après avoir annoncé la date du salon, les organisateurs – la Société des foires internationales de Tunis, l’Utica et le Centre technique du bois et de l’ameublement (Cetiba) – ont presque regretté de fixer la date du 18 au 27 mars. Car, au même moment, d’autres foires se tiennent et il y a risque de perdre des clients. Mais à voir le nombre de billets vendus pendant le week-end, nous ne pouvons qu’être positifs», a dit à Kapitalis, le jeune homme au guichet.
En effet, dimanche en fin d’après midi, la Foire des expositions du Kram n’a pas désempli. Hommes, femmes et enfants étaient présents. Ils se bousculaient entre les quatre pavillons et ils s’arrêtaient dans tous les stands. A chaque pavillon sa gamme, et la palette est pour tous les goûts. L’un est réservé pour les meubles modernes et contemporains, l’autre propose des meubles rustiques et traditionnels. Les deux autres sont un peu spéciaux avec des meubles de cuisines ou pour les salles de bains. Les meubles en fer forgé et meubles de bureau et de collectivités publiques n’ont pas manqué le rendez-vous.
Ce jour-là, les 220 exposants n’ont pas tourné les doigts à ne rien faire. Au contraire. «Ça va, ça commence à bouger et plutôt bien. Dès le premier jour, nous avons passé des commandes. Et ce n’est pas seulement pour les jeunes couples. Mais aussi pour des mamies qui veulent tout changer chez elle et rien que pour changer. C’est presque par caprice. Elles disent qu’après le stress des derniers événements de la révolution tunisienne, elles ont senti le besoin de changer chez elle d’ambiance. Peu importe la raison, pour nous c’est une aubaine et notre travail c’est de conseiller et de vendre», dit Souhir qui tient un stand de salons classiques. Le classique qu’elle propose est remis avec retenue au goût du jour. Les couleurs qui reviennent dans tous les coins de stand sont le noir indémodable, le bleu foncé, le vert bouteille, le rouge brique, le marron et le blanc cassé.
Coup de cœur à s’offrir
Le stand en face n’est pas très différent, sauf que les objets exposés sont fonctionnels avec leurs angles arrondis. «J’ai un coup de cœur pour ce coin et cette salle à manger avec buffet et argentière. Mais le prix est excessif. Avec mon fiancé, on s’est mis d’accord sur un divan de trois places en cuir vachette capitonné, avec deux chaises assorties, du style Art déco. Pour la salle à manger, les moyens ne nous le permettent pas, et pour être franc et raisonnable, il s’agit d’un investissement non amorti. Surtout que notre cuisine est bien équipée avec table et chaises», dit sagement Manal la pharmacienne. Manal, qui se mariera dans un mois, est comblée. Elle vient de commander, à 1.000 dinars, un meuble pour sa salle de bain qui ressemble à une argentière de salon. «C’est une nouvelle tendance. Vraiment un bijou», ajoute la future mariée.
A quelques mètres de là, les meubles en rotin d’Aïn Draham sont attrayants. Les professionnels ont joué sur la mixité des matériaux combinant les couleurs et les signes de joie pour le printemps et l’été prochain. Dans un autre stand, c’est le retour en force aux années 1950 dans les intérieurs. Des matériaux traditionnels tels que le bois massif, le hêtre avec des lignes bien définis et une touche personnalisée. «J’aime bien ce style. C’est sobre et indémodable. Mais ma fille préfère le contemporain italien. Pour moi, ça ne passe pas. C’est trop moderne et ça fait fausse note avec le reste de mes meubles. Pour elle, c’est bien de casser les couleurs et les tendances. Finalement, je vais céder… Autre chose, c’est cher mais puisqu’on accepte par facilités, je prends les yeux fermés», dit Mme Nouri. Sa fille est comblée.
Exporter, un rêve légitime
Entre les stands des meubles pour enfants, un jeune couple ne sait pas où tourner la tête. Des couleurs gaies et des styles qui ressemblent à ceux des contes de fées. La dame qui pousse son ventre cherche un lit avec mousquetaire pour son futur bambin. Mais son mari dit qu’à la maison, il y a un lit pour bébé et pas la peine de gaspiller. En fait, le jeune homme souhaite investir dans une chambre Barbie d’un rose bonbon fluo pour son aînée, qui le tient tendrement par la main. Pour ceux qui ont un faible pour les meubles de luxe, ils ont le stand Le Pacha. Des dorures et des styles de toutes les époques: Voltaire, Louis XV et Louis XVII… Et pour ceux qui affectionnent le traditionnel, le charme oriental est à portée. Les prix sont raisonnables (ou presque) et le style un brin japonais avec du tissu berbère est en vogue.
Pour cette édition, les exposants ont démontré qu’ils ont de l’art à en revendre, même à l’étranger. Il leur suffit seulement un petit coup de pouce. «Le jour de l’inauguration, Abdelaziz Rassâa, ministre de l’Industrie et de la Technologie, nous a promis qu’il va tout faire pour promouvoir nos meubles à l’étranger. On le croit et on y croit», positive un fabriquant de meubles à Borj Touil (à l’Ariana dans le Grand Tunis), propriétaire d’une petite entreprise qui fait travailler une dizaine de menuisiers et tapissiers.
La Tunisie compte 500 entreprises du secteur du meuble qui offrent 50.000 emplois directs et emploient environ 10.000 artisans. Tout ce beau monde veut développer leurs produits et participer dans des salons de meubles à l’étranger. Pourquoi pas, surtout qu’ils se défendent très bien.