Trois éminents économistes, deux Français et un Américain, ont présenté mardi à Tunis un appel pour que la communauté internationale vienne à l’aide économique et financière de la Tunisie.


Selon Joseph Stiglitz (prix Nobel d’économie, Columbia University), Jean-Louis Reiffers (Université du Sud, Toulon) et Olivier Pastré (IM Bank et Université Paris 8), qui étaient à Tunis rencontrer le Premier ministre Béji Caïd Eessebsi et d’autres responsables tunisiens, la transition économique nécessite une aide immédiate de 25 milliards de dollars et des projets concrets.
Ces économistes font partie d’un groupe d’une vingtaine d’éminents économistes de sept pays qui ont signé un plan d’aide et de relance économique en faveur de la Tunisie. Le plan sera présenté au Sommet du G8, prévu les 26 et 27 mai à Deauville, en France. Ce qui reflète l’intérêt que porte la communauté internationale à la cause de l’économie tunisienne. Pour eux, l’appel n’est pas dérisoire. Il aura certainement un effet sur les dirigeants des puissances mondiales.


Olivier Pastré, (IM Bank et Université Paris 8).

Eviter les scénarios est-européens
Pour Joseph Stiglitz, la révolution tunisienne a «inspiré toute la planète». «Mes étudiants et moi, a-t-il raconté, n’avons cessé d’évoquer les éventuelles évolutions et répercussions économiques de la révolution sur la Tunisie».
Le prix Nobel d’économie 2001 pense qu’«il est impératif pour la démocratie dans le monde que la révolution tunisienne réussisse. La patience doit être de mise car la plupart des révolutions ont connu beaucoup de difficultés avant de rebondir».


Joseph Stiglitz (prix Nobel d’économie, Columbia University).

Le plan d’actions mis en place par le gouvernement tunisien «doit être promu auprès de la communauté internationale afin de réaliser trois objectifs majeurs: garantir la somme de 25 milliards de dollars pour la transition économique; ouvrir les marchés (notamment celui des États-Unis) aux produits tunisiens et reconsidérer la dette extérieure de la Tunisie; appuyer le rôle que peuvent jouer la société civile et du secteur privé dans la transition», a expliqué M. Stiglitz.   
Jean-Louis Reiffers pense, quant à lui, que l’intervention de la communauté internationale «est indispensable pour que la Tunisie réussisse sa transition d’un capitalisme totalitaire et captateur à un capitalisme démocratique».
Selon Reiffers, ce dernier, ne peut être atteint qu’à travers quatre axes principaux: 1/ la diversification de l’activité économique; 2/ trouver des solutions adéquates au chômage et, par conséquent, la révision du système bancaire ; 3/ combattre la corruption; 4/ la décentralisation de la participation pour que les régions puissent s’exprimer et la mise en place des projets réels pour que le peuple ait confiance (en la volonté à changer).

Les vraies urgences
Pour sa part, Olivier Pastré pense que la Tunisie est «victime de sa vertu». Il explique: «De par sa population bien éduquée et bien formée, la Tunisie risque de donner l’impression qu’elle n’a pas besoin d’aide extérieure. Ce qui n’est pas vrai. Une aide mondiale à l’économie tunisienne est bien nécessaire. Ces 25 milliards de dollars, il faut en demander une partie au G8. D’autres institutions, telles que la Banque africaine de développement (Bad), auront certainement à contribuer».
Et pour éviter ce qui s’est passé dans les pays de l’Europe de l’Est, il vaut mieux, selon ces experts, anticiper les choses et ne pas attendre ce qui se passera en Libye ou ailleurs.
Pastré insiste que les défis ne résident pas dans les montants. «25 M$, ce n’est rien dans les finances mondiales». Les deux vrais défis sont: 1/ l’urgence: l’argent est nécessaire aujourd’hui; et 2/ des projets concrets.
Notons que Caïd Eessebsi s’est aussi entretenu, par visioconférence, avec les autres économistes signataires de l’Appel de Tunis et la conférence de presse a été modérée, et traduite (de et vers l’anglais) par Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (Bct).

Mourad Teyeb