Y aura-t-il de la place pour deux portails portant le même nom? Deux fausses jumelles en somme, actuellement en lice pour un seul nom de domaine dédié à la femme. Un litige sur Internet! Par Zohra Abid
La première, plus célèbre qu’elle tu meurs! Elle est française, visitée par des millions de par le monde, cotée même en bourse à Paris et qui vient de débarquer en Tunisie avec un portail spécifique.
La seconde est une boîte tunisienne, fraîchement enregistrée, et qui se donne pour objet de faire pratiquement le même boulot que son aînée. Toutes deux jouent dans le même carré et toutes ont la même cible, la même clientèle : les femmes tunisiennes. Le problème qui se pose aujourd’hui: y a aura-t-il une place commerciale et, donc, assez du pain pour deux?
Une «success story»
Fort de ses 285.000 internautes en Tunisie utilisant la version française avec une progression de 39% par an (chiffre avancés par ses promoteurs), ‘‘Aufeminin.com’’ s’installe sans crier gare au pays de jasmin. Dans une interview accordée le 24 juin à la radio tunisienne privée Express FM, Marie Laure Sauty de Chalon, Pdg de ‘‘AuFeminin.com’’, a exprimé son enthousiasme de travailler en Tunisie. Elle a dit que ça va être une «success story». Selon elle, l’objectif de se lancer en Tunisie n’est pas seulement commercial, en tout cas pas pour le moment. «Il s’agit d’abord de faire de l’audience, puis, un beau jour, on monétisera», a-t-elle dit sur un ton sûr. Et d’ajouter qu’elle n’est pas pressée de gagner de l’argent. Mais les bannières de la pub ne tarderont pas à venir... Elle y compte sans doute beaucoup. Apparemment, elle était déjà sur ce projet depuis des mois et qu’elle a ses contacts et une somme d’adresses publicitaires.
Les dates font foi
Le site des femmes touche-à-tout (il parle à la fois de la révolution, d’une recette de cuisine, du jardinage, d’un produit de maquillage, d’une sortie de film ou d’un dernier cri vestimentaire) et voit un avenir en roses au pays du soleil et du jasmin.
Mais voilà, le projet est contrarié, car un jeune Tunisien est déjà sur le projet. Il s’apprête à lancer un portail pratiquement identique et offrant les mêmes produits. Kapitalis a contacté Samih Cherif, fondateur de ‘‘AuFeminin.tn’’. «En avril 2010, un de mes portails a été plagié. J’ai dû dans la mesure du possible enregistrer les marques à l’Innorpi. Il s’agit d’une procédure standard exécutée automatiquement». La révolution vient de se faire et a donné de l’oxygène aux Tunisiens. «Il y a maintenant une certaine démocratisation dans le secteur. L’Agence tunisienne de l’internet (Ati) a fait quelques réformes et a permis, dès le 23 mai, aux personnes physique ou morales l’enregistrement du nom de leur domaine en .tn. Le 27 mai, j’ai enregistré le mien», a-t-il expliqué. Et de poursuivre que le 14 juin, il a enregistré la marque ‘‘AuFeminin.tn’’.
M. Cherif un mordu de net, tout comme ceux de sa génération, a décidé de multiplier les portails et de développer son projet: «outre l’économie et la politique, ‘‘AuFeminin.tn’’ développe des portails à thème, comme la déco, l’agriculture bio et ses dérivés», explique M. Cherif. Le promoteur semble jusque-là bien dans ses portails jusqu’au jour où…
La ligne est déjà occupée
«Le 21 juin, la société française a publié un communiqué de presse pour annoncer une activité ‘‘AuFeminin Tunisie’’ adressée aux Tunisiennes. Ce communiqué a été largement relayé par les médias locaux. Samih Cherif s’est inquiété et est monté au créneau: comment se fait-il que ‘‘AuFeminin.tn’’, une marque déjà déposée par lui à l’Innorpi, soit utilisée par d’autres promoteurs, et «qui osent se l’approprier et induire les Tunisiens en erreur en accordant des interviews et en commençant à communiquer, comme si cette marque n’existait pas déjà!»
M. Cherif affirme que, depuis le 24 juin, il subit des pressions indirectes. «Je dispose d’un produit enregistré. Il y a un problème juridique et je ne vois pas pourquoi je devrais céder ma place à un tiers», se défend-t-il. Il ajoute qu’il est Tunisien et qu’il a la priorité pour développer des portails et de booster le tourisme, la santé et l’économie dans son pays. D’un autre côté, M. Cherif dénonce un lobby qui ferait des pressions sur les opérateurs nationaux au bénéfice des étrangers. Il déplore aussi l’existence d’«une sorte de colonialisme déguisé qui est en train de s’installer dans le pays», selon ses termes.
Aujourd’hui, il y a, certes, problème. Pour l’un et l’autre, il faut une jurisprudence dans le domaine où la déontologie n’est pas toujours bien respectée. Pas facile ! Parfois, c’est la loi des plus riches (c’est-à-dire des plus forts, ou des plus introduits) qui l’emporte. On n’en est pas encore là, attendons pour voir... Mme Sauty de Chalon est-elle ou pas au courant que ‘‘Aufeminin.tn’’ est déjà enregistré? Un accord est-il possible entre les deux promoteurs? S’ils y parviennent, leur accord ferait jurisprudence…