L’expérience montre que seules les réformes économiques de type libéral sont de nature à consolider la situation économique car seul le marché est pourvoyeur de richesses et vecteur de croissance et de développement.
Par Maher Gordah*


Il faut bien comprendre que l’élévation du niveau de vie et du bien-être social ne peut pas émaner uniquement d’un gouvernement paternaliste, omniscient et omnipotent, mais doit être insufflé par la volonté individuelle de chaque citoyen de réussir et de relever les défis qui nous attendent. Pour appuyer mon propos, je citerai la célèbre phrase de l’ancien président américain J. F. Kennedy prononcée lors du discours de son investiture en 196: «Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays».
Parfois, les revendications sociales qui semblent être légitimes à court terme dans la plupart des cas sont assez contradictoires avec l’intérêt général à moyen et long terme, car cela conduit entre autres à des tensions inflationnistes et au creusement du déficit public en période d’instabilité politique et de récession économique. Cette idée est admise et fait l’unanimité chez une très grande majorité d’économistes universitaires, qu’ils soient de tendance libérale néo-classique ou néo-keynésienne interventionniste.

S’ouvrir davantage au marché international
Maintenant, si l’on met l’accent sur ce que devra accomplir la politique économique tunisienne afin de s’affranchir de certains obstacles qui freinent toujours son développement, on doit nous épargner de recourir aux vieilles panacées qui ont montré leurs limites et s’orienter plutôt vers celles qui ont fonctionné dans d’autres économies émergentes et sont susceptibles de nous faire converger vers le niveau économique des pays développés.
L’une des premières mesures consistera à s’ouvrir davantage au marché international, pas uniquement le marché européen mais aussi le marché maghrébin et subsaharien. Cela devra se traduire par une volonté politique de signer de véritables accords et partenariats commerciaux avec les pays voisins du Maghreb, étant donné la taille de leur marché pour les entreprises tunisiennes.
De manière plus générale, la théorie économique en faveur du libre échange nous enseigne que la libéralisation nous permettra de disposer de biens moins chers et d’offrir plus de choix aux consommateurs; de réaliser des gains de productivité à travers le fait que les investissements se concentreront sur les secteurs les plus porteurs, plutôt que sur les entreprises publiques peu rentables et hyper protégées, produisant des biens plus chers que s’ils étaient importés; d’améliorer l’emploi; d’accroître la concurrence qui profitera aux consommateurs et aux petits producteurs en réduisant le prix des biens; de développer la technologie à travers les biens et les investissements étrangers qui nous permettront de pouvoir bénéficier davantage des recherches effectuées à l’étranger sans avoir à réaliser les mêmes investissements. D’un point de vue général, une insertion plus accentuée dans la mondialisation économique engendrera des externalités positives, notamment la stabilisation et l’amélioration de nos relations internationales.

Une plus libre circulation des capitaux
La deuxième mesure concerne une plus libre circulation des capitaux. Sachant que la Tunisie à l’instar des autres pays en voie de développement économise peu, mais nécessite cependant d’importants investissements.
La circulation des capitaux étrangers vers un pays comme le notre peut l’aider à accroître sa productivité, et à améliorer sa qualité de vie. Par conséquent, la Tunisie doit ouvrir davantage son marché de capitaux, pas seulement aux investisseurs étrangers mais aussi aux investisseurs tunisiens désireux d’investir à l’étranger.
Notons que la libéralisation encourage les bonnes politiques: les Etats qui ont des gouvernements stables, des règles de droit justes et solides, bref, un climat des affaires attrayant, attireront mécaniquement plus de capitaux. De plus, les contrôles de capitaux sont totalement inefficaces sur le plan micro-économique, car ils sont de nature à empêcher l’allocation optimale des ressources. Pour être plus clair, l’argent n’est pas autorisé à circuler vers les entreprises ou les investissements qui sont les plus efficaces. Souvenez-vous des conglomérats bâtis par l’ancien dictateur et ses sbires. Les contrôles ont aussi des coûts administratifs très élevés, développant ainsi la fraude et la corruption. La Tunisie en était un exemple frappant sous l’ère Ben Ali.

Le désendettement et lutte contre la corruption et la fraude fiscale
La troisième mesure concerne le désendettement du pays. En effet, l’endettement est un obstacle majeur au développement durable de notre pays. La Tunisie comme beaucoup d’autres pays en voie de développement consacre une bonne partie de son budget au remboursement de sa dette, ce qui laisse peu d’argent pour soutenir son économie ou pour couvrir ses dépenses sociales, comme l’éducation et la santé. Ainsi, le service de la dette peut aussi absorber la plupart des devises étrangères que notre pays détient en échange de ses exportations, lui laissant peu de devises pour financer ses importations de première nécessité.
La quatrième mesure sera pour la Tunisie son action concrète de lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Cela devra se faire par l’établissement d’un véritable cadre légal et professionnel, répondant aux normes internationales et suffisant pour réguler ces phénomènes, notamment les recommandations du Groupe d’action financière (Gafi).
Ainsi, la Tunisie devra se doter d’instruments juridiques lui permettant d’éliminer le secret bancaire, à introduire davantage de transparence dans la propriété de capitaux d’entreprises et à confisquer les sommes qui émanent d’activités criminelles.
Ces différentes mesures ne sont qu’un échantillon d’un sous-ensemble de réformes que le ou les futurs gouvernements devront s’appliquer à mettre en œuvre afin de consolider les acquis institutionnels hérités depuis l’indépendance. Le choix de telles mesures me semble être prioritaire, étant donné la situation actuelle post-révolution, même s’il n’a ni la vocation, ni la prétention à être un ensemble exhaustif de mesures dont notre pays a cruellement besoin.

Lire aussi :

Les nouveaux défis économiques de la Tunisie après Ben Ali (1/2)

* Dr. Maher Gordah est économiste senior dans un bureau d'études et de conseil international et consultant auprès de grands bailleurs de fonds, titulaire d'un doctorat (Ph.D) en sciences économiques de l’Uns et chercheur affilié au laboratoire Gredeg (Cnrs/Sophia Antipolis). Maher Gordah est auteur de plusieurs publications scientifiques qui portent essentiellement sur la thématique du développement économique, la croissance économique, l’économie internationale et la théorie du marché.