L’Union du Maghreb arabe (UMA) a fêté, le 17 février, son 21ème anniversaire. Et comme chaque année, chacun y est allé de sa litanie sur le coût du non-Maghreb. En attendant, les années passent et les retards s’accumulent, alors que cet ensemble régional, porté à bout de bras par 90 millions d’habitants, peine à réunir sa plus haute instance, le sommet des chefs d’Etats, depuis… 1994. Alors que les frontières entre l’Algérie et le Maroc sont fermées depuis bientôt seize ans, la persistance du conflit du Sahara occidental et les divisions intermaghrébines continuent d’entraver toutes les initiatives allant dans le sens de l’intégration régionale. Au vue des économies non complémentaires et des stratégies industrielles nationales qui ne font aucune référence au Maghreb, certains experts en arrivent même à se demander s’il existe réellement une volonté politique de construire le Maghreb.

Peut-on dès lors imaginer, à l’horizon 2030, un Maghreb avec une monnaie unique, des instances judiciaires et juridiques uniformisées et un espace économique intégré où les multinationales auront une place forte ?
Oui, répond Francis Ghilès, journaliste d’origine algérienne et ancien correspondant du ‘‘Financial Times’’, aujourd’hui chercheur au Centre d’études internationales de Barcelone (Cidob).
Selon ce spécialiste de l’Algérie, la diaspora maghrébine à l’étranger pourrait jouer un grand rôle dans la construction de ce grand Maghreb. Démonstration: l’épargne privée des Maghrébins basés à l’étranger s’élève à quelque 200 milliards de dollars. Cet argent circule entre l’Europe, les Amériques et les pays du Golfe, principales régions de résidence de la diaspora maghrébine, mais ne profite pas au Maghreb dont les pays devraient prendre l’exemple de la Chine, de l’Inde et de l’Afrique du Sud et faire appel aux diasporas pour contribuer à la reconstruction des économies de la région.
L’utilisation de 5% des 200 milliards de dollars déposés dans les Maghrébins dans les banques internationales pourrait aussi aider à construire l’Union du Maghreb arabe (UMA) économique à l’horizon 2030, à travers des projets de partenariats «horizontaux» entre l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, mais plus particulièrement entre les deux premiers. Ghilès, qui intervenait dans une rencontre sur le thème : «Le coût du non-Maghreb ne cesse d’augmenter», organisée le 15 février à Alger, à l’initiative du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care), de la Fondation Friedrich Neumann et du journal ‘‘Les Afriques’’, a lancé en conclusion aux présents : «Qu’on s’adresse aux élites établies en Europe et en Amérique du Nord. Si on ne fait pas appel à elles, on n’arrivera à rien.»
Cette contribution de la diaspora à l’édification maghrébine est d’autant plus possible qu’une enquête menée récemment en France par Solis, cabinet d’études marketing spécialisé dans les sondages ethniques, a apporté la preuve, s’il en était encore besoin, que la diaspora des trois pays du Maghreb central est largement unioniste.
L’étude a été réalisée auprès d’un échantillon de 1 648 Marocains, Tunisiens et Algériens résidant en France, à la veille de la finale de la CAN 2010 en Angola opposant l’Algérie à l’Egypte. Outre le fait que 82,9% des sondés ont déclaré soutenir l’équipe algérienne – le football, on le sait, est un révélateur des tendances fortes au sein des sociétés –, 77,5% d’entre eux se sont dit favorables à un projet d’Union du Maghreb à trois, dont 45,6% «tout à fait favorables». Seuls 7,9% des sondés ont affirmé n’y être «pas du tout favorables», autant que les «sans opinion».
Le sondage de Solis confirme ce que nous savons déjà : les Tunisiens sont les plus unionistes des Maghrébins, puisqu’ils sont à 81,6% favorables à une Union du Maghreb, contre 78% des Marocains et 75,7% des Algériens.
Concernant les «obstacles à cette union», une large majorité (64,2%) l’impute à «une volonté insuffisante des dirigeants politiques». Viennent ensuite «les contentieux territoriaux» pour 37,9 % des sondés ; «trop de différences culturelles» (30,4%) et «des écarts économiques encore trop importants» (28,6%).

 

Haythem K.