Un nouveau cadre législatif est nécessaire pour le développement de la finance islamique en Tunisie, où cette industrie bancaire a vu le jour depuis 1983. Par Aya Chedi
Ce serait certainement l’un des charmants défis que la Tunisie sera contrainte de relever, à savoir celui de faire du pays un pôle régional en matière de finance islamique. Une industrie dont le monde a commencé à découvrir les vertus quelque peu après la crise financière de 2008. Et comment. La finance islamique réalise une croissance annuelle constante depuis quelques années, qui lui permet aujourd’hui d’atteindre un niveau de capitalisation de plus de 820 milliards de dollars, avec un taux de croissance annuel, au cours des cinq dernières années, de près de 28%. Les fonds mis en circulation aux noms des différentes institutions bancaires islamiques à travers la planète atteint les 1, 3 trillion de dollars, et ce sans prendre en compte les fonds en circulation émis par les banques commerciales classiques à travers leurs antennes islamiques.
L’engouement universel pour la finance islamique
Faire bénéficier la Tunisie de ce flux de plus en plus important – et que pas mal de pays occidentaux et autres telles que la Chine et la Russie ne cessent de promouvoir – fait l’objet du 1er Forum maghrébin de la finance islamique qui se tient à Tunis, vendredi et samedi. L’ayant placé sous sa tutelle, Jalloul Ayed, ministre des Finances dans le gouvernement de transition, a inauguré les travaux de ce séminaire dont l’affluence a surpris même ses organisateurs.
Dans un mot de bienvenue adressé aux centaines d’invités venus de l’ensemble des pays maghrébins et islamiques, et même de la Libye en guerre, ainsi que de la France, le ministre des Finances a réitéré l’intérêt que porte la Tunisie à la finance islamique.
«La solidité et la fiabilité qui ont caractérisé la finance islamique tout au long des dernières années, a dit M. Ayed, ont même suscité l’engouement des pays occidentaux. Ils y ont découvert des spécificités qui la distinguent de la finance classique qui enchaîne les crises l’une après l’autre. Et c’est sa transparence, ainsi que son développement rapide qui en font aujourd’hui l’une des industries à connaitre l’un des plus rapides développement un peu partout dans le monde». Revenant sur le Maghreb, avec ses 80 millions d’habitants, son produit intérieur brut (Pib) de 400 milliards de dollars, M. Ayed a souligné que le manque à gagner de 2 points de croissance perdu à cause de la faiblesse des échanges commerciaux entre les pays mais surtout à cause de leur non intégration «pourrait trouver dans la finance islamique une planche de salut, surtout pour financer les grands projets en commun et améliorer l’infrastructure dans chacun des cinq pays».
Adapter la finance islamique au contexte tunisien
Serait-ce un vœu pieux? Rien ne l’indique encore, surtout que la finance islamique a fait son entrée dans les pays de la région depuis déjà quelques années. Al Baraka Bank Tunisie, à titre d’exemple, n’existe-t-elle pas depuis 1983? Ou encore en Algérie et au Maroc où des institutions ne cessent de se créer, financées dans la majorité des cas des pays du Golfe arabe. La Banque Zitouna, qui est à connotation islamique, mais qui se veut beaucoup plus universelle, a été la première dans la région à être financée par des fonds locaux, ce qui lui permet d’être toujours considérée comme le tremplin pour faire de la Tunisie un pôle en matière de finance islamique. Mais pour le faire, des chantiers sont toujours ouverts. Comment adapter la finance islamique au contexte tunisien et, par la suite, à celui maghrébin? Comment réussir à attirer les fonds en la matière des pays du Golfe, et surtout comment adopter l’arsenal juridique et fiscal de notre contexte tunisien? Ceci au moment même où d’autres pays, notamment occidentaux, ont réussi à trouver les bonnes réponses à l’ensemble de ces questions et même à d’autres encore plus complexes et ont réussi à faire de la finance islamique une industrie en plein boom.
Le meeting, qui se tient dans l’un des hôtels de la banlieue nord de Tunis, réussira-t-il à apporter des répondes à ces questions? On se contente pour le moment de dire que c’est une première tentative de la part de la Tunisie post-révolution. Car le travail concerne les banques islamiques, leurs pratiques, leurs réglementations et tant d’autres aspects de leur activité, outre les compagnies d’assurance et société de capital à risque (Sicar).
La déclaration de Jalloul Ayed sur «la capacité de la Tunisie à mettre un cadre législatif devant permettre le développement de l’activité de la finance islamique de nos jours» pourra-t-elle pousser les choses vers l’avant. Wait and see!