Confrontée depuis quelques années à de grosses difficultés, avec plusieurs unités en faillite ou proposées à la vente, l’industrie du fromage change aujourd’hui de visage. Longtemps théâtre d’une concurrence circonscrite à des acteurs locaux, le marché s’ouvre de plus en plus à de grandes marques internationales, plus précisément françaises.
Le groupe AB Technologies est le dernier arrivé en date en Tunisie avec l’ouverture d’une filiale (AB Tunisie) spécialisée dans la production de fromage. Créé en 1990 et basé en Bretagne – où il dispose de deux unités de production d’une capacité de 12.000 tonnes –, ce groupe produit du fromage industriel et végétal destiné d’un côté à la restauration-hôtellerie et à la grande distribution (AB Technologies Alimentaires Ltd), et de l’autre aux industries agroalimentaires (plats préparés, pizzas, sandwichs, etc.), via sa deuxième filiale France Fromage.
Présent depuis 1996 au Royaume Uni, AB Technologies s’installe en Tunisie –sa première implantation dans le monde arabe et en Afrique – pour son propre compte. A la différence des deux autres mastodontes français qui l’y ont précédé.
Partenariats franco-tunisiens
Deux ans plus tôt, en avril 2008, c’était au tour de Bongrain de prendre pied en Tunisie, mais via une joint-venture avec le groupe de l’homme d’affaires Hamdi Meddeb. Les deux partenaires ont créé une société de production de fromage et autres dérivés du lait : la Compagnie Fromagère SA. Dotée d’un capital de 2,1 millions de dinars, cette entreprise a mis sur le marché début 2010 son premier produit, qui se trouve être une déclinaison d’un fromage déjà commercialisé par Bongrain en France: Milkana.
Créé dans les années cinquante, Bongrain, qui dispose de 90 usines employant près de 18.000 personnes – deux les deux tiers hors de France –, a étendu sa présence au cours des vingt-cinq dernières années à 29 de pays d’Afrique (le Maroc et l’Egypte), d’Europe, d’Amérique et d’Asie.
Deuxième groupe fromager français, leader mondial des spécialités fromagères, Bongrain a réalisé en 2009 un chiffre d’affaires de 3,2 milliards d’euros. Il est venu concurrencer en Tunisie un autre géant de l’industrie fromagère française: Lactis, dont le groupe Mabrouk fabrique en Tunisie certains produits, comme le célèbre fromage fondu Président. Auquel s’est ajouté récemment le Rondelé.
Présent comme Bongrain en Egypte – mais également en Algérie, en Arabie Saoudite, et, au total, directement dans 16 pays et commercialement dans 150 –, Lactis est le 3e groupe laitier mondial. Il emploie 36.500 personnes. En 2009, il a réalisé un chiffre d’affaires de 8,5 milliards d’euros, dont 56% hors de France.
L’industrie tunisienne du fromage est donc de plus en plus le terrain d’une âpre bataille franco-française qui pourrait se durcir davantage à l’avenir.
M. Laaroussi
