Après les feux de la révolution et une fermeture de quasi six mois, l’hypermarché a rallumé, il y a près d’une quinzaine de jours, ses lumières et reconstitué ses stocks.
Reportage de Zohra Abid


Pas mal! Tout semble se remettre en place, mais timidement. Ça reprend peu à peu au fil des jours. Même si la réouverture est partielle, les riverains et autres clients fidèles, encouragés par des prix promotionnels, sont revenus à leur grande surface pour faire leurs courses et remplir leurs caddys. Presque comme au bon vieux temps! Disons que le plus dur est passé, que l’enseigne est en train de se remettre et qu’une bonne majorité d’employés en chômage technique a repris le travail.

Le passé récent est encore dans la mémoire
A l’intérieur, l’espace Géant encore muré de tôle, renvoie à un triste jour. C’était au lendemain de la révolution lorsqu’il a pris feu et que l’incendie s’est propagé partout pour atteindre tous les magasins. En moins de 24 heures, le bâtiment a été totalement ravagé. «Je me rappelle de ce moment-là. Il y a eu pendant au moins trois jours un brouillard à couper au couteau tellement la fumée était épaisse», se souvient une habitante de Borj Touil. Et d’ajouter qu’elle est heureuse de revoir enfin cette grande surface rouvrir. «Le petit parc de jeu a toujours occupé nos enfants alors qu’on faisait nos courses. Ceci manque aux enfants», a-t-elle ajouté.


Les habitués du supermarché reviennent

Il est certain que plusieurs magasins de luxe n’ont pas encore rouvert. Mais le fait de penser à un magasin pour l’épicerie, les viandes, les poissons, les légumes, les fruits, c’est déjà un pas. D’autant qu’on trouve tout dans le magasin de remplacement, en attendant que Géant lève ses stores en décembre prochain.  
Mardi, en début d’après midi, au coin café en forme de grande lune, il y a du monde et l’air est conditionné. Plusieurs tables sont occupées. On vient s’attabler même si on ne consomme rien, ramadan oblige! Les traiteurs, la pharmacie, et autres points de vente ont du pain sur la planche. Et pour cause: les prix sont promotionnels.

C’H-Tech, C’Super, C Petit déjeuner... une nouvelle com'
«Dès que j’ai vu les spots de pub annonçant que Géant a rouvert, j’ai sauté de joie. Après le boulot, il me fallait bien une petite escapade à Géant. Ça me changeait tellement les idées. Parfois, je n’avais rien à acheter mais faire les magasins me faisait oublier le stress de toute une journée... Ceci m’est devenu un rituel», raconte Fatma, fonctionnaire dans une banque à l’Ariana. Elle dit aussi qu’elle vient souvent en compagnie. Et ici, c’est son petit coin de paradis. «C’est l’occasion de parler un peu avec les amis autour d’un petit café ou un petit coupe-faim avant de rentrer», ajoute la banquière qui était en train de lécher des yeux des appareils électroménagers exposés dans un nouveau magasin. «Là, j’ai pris juste ce qui me manque de C’Super. Mais la vitrine en face me séduit. Les derniers cris et les couleurs m’attirent. Mais regardez-moi ces prix, là, ils sont loin d’être doux. Il faut dire que c’est du design et celui qui aime le beau doit casquer», dit une autre ménagère. Madame était tellement séduite qu’elle a oublié ses deux filles. «Mon Dieu, où sont elles? C’est sûr chez Geox, Exit ou Extrême ! Non, non, je les vois». La dame oublie les friteuses, les cafetières, les mixers... et pousse rapidement son caddy à moitié rempli pour rejoindre ses deux petites jumelles.

Racontez-moi l’incendie
En face du magasin Yves Rocher, les deux filles qui allaient se payer un petit plaisir de maquillage et de parfum ont dû s’arrêter devant une affiche: «Géant renaît de ses cendres». C’est le titre d’une exposition de photos géantes. Sur le mur interminable qui était auparavant l’entrée du magasin, on a placardé plein de photos bien traitées et bien mises en relief. Que racontent ces photos?


Avant et Après. L 'histoire racontée en images

Deux rangées tapissent le mur en tôle. Une rangée en haut et une autre bien au dessus, et tout est symétrique. Une rangée intitulée ‘‘Avant’’. L’autre baptisée ‘‘Après’’. Explication: ‘‘Avant’’ et ‘‘Après’’ racontent Tunis City avant et après la révolution. Des images qui interpellent, qui font mal au cœur.


Au lendemain du 14 janvier, l'incendie a tout détruit

«La vie est faite comme ça!», commente un homme, la soixantaine sportive. Son épouse a une autre version de ce qui s’est passé à Géant. «On dirait que ces images viennent d’ailleurs et pas de chez nous. Bon maintenant, on tourne la page et on reconstruit. Nous n’avons pas le choix. Puis c’était la révolution. Il faut bien payer la liberté, pas facile, hein!», ajoute-t-elle. Ses yeux sont rivés sur un costume. Elle se tourne vers le magasin pour homme et pense dorloter son mec. «Un petit cadeau, ça va lui faire plaisir... Une réduction de 70%, ça accroche», dit-elle en nous faisant un clin d’œil tout malin.

Attrape-nigaud
Il est vrai que les magasins ouverts proposent des articles de l’année à des prix malins: un article acheté pour un autre gratuit. D’autres magasins ont préféré jouer sur les prix et ne présenter que des produits d’une autre époque. Au magasin qui vend par exemple des chaussures italiennes de renom, tout est tiré de la cave, tout est démodé et ça rappelle les godasses de papy et mamie. Et si par hasard, vous tombez sur un article qui vous plaît, la pointure n’existe pas. Ceux qui chaussent du XSSS ou de XLLL ont de fortes chances de trouver chaussures à leurs pieds.
Nous avançons dans le couloir fraîchement pavé. Tout dit que les autres boutiques se préparent pour ouvrir bientôt leurs stores. Ici, ça ne sent plus certes l’odeur du cramé. Mais il y a partout des travaux, disons les dernières retouches avant «L’ouverture prochainement». C’est ainsi indiqué sur les devantures. Entre temps, soudeurs, menuisiers, fondeurs, vitriers, tapissiers... s’affairent à un rythme effréné.


Promesses d'ouvertures imminentes

Les autres vitrines aux couleurs estivales affichent les soldes d’été, puisqu’il s’agit bien de la saison des rabais. Les gérants profitent pour se remplir les caisses un peu plus tôt et plus rapidement que prévu. Les autres n’ont qu’à reprendre à zéro et savoir comment se rattraper pour attraper et séduire les clients. «Plusieurs magasins vont ouvrir leurs portes vers le début de la deuxième quinzaine lorsque Tunis City va ouvrir le soir... Et ça va être la fête des prix», a annoncé l’un des ouvriers.  Il commence à s’attacher, lui aussi, à ce palace de la grande consommation.