Ceux qui étaient, mardi et mercredi, aux Berges du Lac, ont dû remarquer une foule devant le siège de Tunisie Telecom. Des hommes, des femmes et des revendications à la pelle. Reportage de Zohra Abid
Après la saison grise (près de six mois de turbulences et de grèves), Tunisie Telecom a repris les choses en main. Il y a eu des négociations et des accords avec le syndicat de l’entreprise, et tout est rentré dans l’ordre. Un nouveau Pdg, une nouvelle feuille de route et tout le monde est au travail pour redresser la barre. Les grèves et les protestations ne sont plus d’actualité. C’est une affaire révolue et c’est tout le mal que l’on puisse souhaiter pour l’opérateur historique de télécommunications. Il n’y a plus, du moins apparemment, aucune raison pour continuer à protester et à faire l’école buissonnière.
Un gouvernement insensible ou débordé?
Mais cette fois-ci, on l’a compris, il ne s’agit aucunement d’un sit-in observé par des agents ou des cadres de TT. Mais d’une autre catégorie qui travaille dans la boite sous le régime de la sous-traitance.
Selon Mongi Dhrayiâa, membre syndicat, le sit-in du 16 et 17 août a été autorisé par l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et par la Fédération générale des professions et services. Une copie de l’autorisation a été adressée le 15 août au Premier ministre. D’autres copies ont été envoyées, le même jour, le cachet faisant foi, au ministère de l’Industrie et des Technologies, à celui des Affaires sociales et bien évidemment au Pdg de TT, et tout le monde est prévenu.
Que demande-t-on? Rappeler, tout simplement, au gouvernement qu’il n’a pas respecté l’accord signé avec l’Ugtt le 22 avril qui met fin officiellement au travail en sous-traitance.
Devant le siège de Tunisie Telecom, la place a été investie tôt le matin du 16 août par des centaines de personnes. Ceci n’a pas empêché le premier jour les employés de TT d’entrer dans leur bureau et de travailler. Le lendemain, 17 août, les volets ont été baissés et les portes fermées à double tour. Ceux qui sont venus à l’heure ont pu entrer. Les retardataires reviendront le lendemain.
Plusieurs voix, une seule cause
«Notre sit-in est pacifique. Nous revendiquons seulement des droits et nous n’avons pas l’intention ni de casser ni d’être violents. On ne sait pas d’ailleurs pourquoi nous ont-ils fermé au nez les portes?», s’interroge le syndicaliste Mongi Dhrayiâa, qui était entouré d’un nombre de sit-iners. «Je travaille 4 à 5 heures par jour, sans prime, sans sécurité sociale et mon salaire est de 90 dinars. Je ne fais que frotter, balayer et si je me casse la jambe dans le lieu de mon travail, je ne suis même pas assurée. D’ailleurs, je n’ai même pas de congé», raconte une dame, à peine la trentaine. A ses côtés, son aînée touche un peu plus qu’elle, mais, elle aussi, se plaint de mille et une carences. Elle dit qu’elle travaille huit heures par jour et qu’avant la révolution, touchait un salaire de 200 dinars. Aujourd’hui, elle a bénéficié d’une augmentation de 20 dinars. La dame semble insatisfaite. «Je n’aurai même pas de retraite, alors que je suis en train de bosser depuis des années», a-t-elle lâché.
Hommes et femmes protestent pour la même cause. Ils veulent tous que l’accord signé en ce sens entre le gouvernement et l’Ugtt soit respecté et mis en application. Et tous rêvent d’être pris en charge par TT et titularisés.
Reste que la direction de l’opérateur n’a pas les coudées franches et ne peut prendre une pareille mesure de manière unilatérale. Elle doit se concerter, à ce sujet, avec ses partenaires au sein du conseil d’administration. L’affaire risque donc de prendre quelque temps. Il va falloir, jusque là, faire patienter les travailleurs en sous-traitance.