Si le secteur pétrolier et gazier tunisien a connu des revers en 2011, les entreprises du secteur, petites ou grandes, continuent d’investir massivement, tout en suivant de près le potentiel à long terme du pays.


De nombreux acteurs de l’industrie n’ont pas été trop touchés par les agitations, et certains ont pris des occasions de renforcer leur présence sur un marché prometteur au lendemain de la transition politique.
La production en amont de la Tunisie est relativement limitée, notamment par rapport à celle de ses voisins nord-africains, qui produisent des quantités considérables d’hydrocarbures. La Libye possède la huitième plus grande réserve de pétrole au monde, l’Algérie la 10e plus grande réserve de gaz ; cependant, les capacités de la Tunisie sont sensiblement plus limitées, puisque le pays se positionne au 50e rang mondial pour ses réserves de pétrole, et au 58e rang mondial pour ses réserves de gaz, selon le rapport statistique de BP sur la situation énergétique mondiale (Statistical Review of World Energy).
La demande étant supérieure à l’offre, la Tunisie doit importer du gaz et du pétrole ; elle projette cependant de devenir un pays exportateur de gaz à l’horizon 2014, et ambitionne d’acheminer 1.5 milliard de mètres cube de gaz vers l’Italie via le gazoduc transméditerranéen (Transmed).

Les investisseurs en force
Pour atteindre cet objectif, le pays prépare actuellement plusieurs projets de développement de champs onshore et offshore ; un budget de 3.2 milliards de dollars devrait être alloué au financement d’importants projets de production de gaz en amont au cours du processus, notamment : les projets Gaz du Sud, qui permettront d’acheminer du gaz depuis quatre concessions situées dans le sud du pays jusqu’à Gabès; le développement du champ offshore d’Hasdrubal, opéré par le groupe britannique BG; le champ de Chergui, géré par la société britannique Petrofac; et les champs offshore de Maamoura et Baraka, supervisés par le grand groupe italien Eni.
Le groupe BG, l’un des principaux investisseurs étrangers dans le pays, a lui-même annoncé en mai son intention d’investir 300 millions de dollars dans les champs de Miskar et d’Hasdrubal, un investissement qui permettra également de financer le forage de nouveaux puits dans la région de Sfax.
Si l’attention a été largement portée sur le secteur gazier tunisien, le segment pétrolier, qui produit quelque 80.000 barils par jour (bpj), d’après le rapport statistique de BP (Statistical Review of World Energy), a également montré des signes de croissance. En février, après une annonce effectuée au mois de janvier, le grand groupe pétrolier et gazier autrichien Omv a conclu l’acquisition des actifs tunisiens de la société américaine Pioneer Natural Resources, pour un montant de 866 millions de dollars. Selon Omv, les deux sociétés ont poursuivi leurs opérations au plus fort des protestations qui ont marqué le début de l’année. Le contrat permettra à Omv d’ajouter 5.800 tonnes d’équivalent pétrole (tep) – 10 % de gaz et le reste de pétrole – à la production de ses deux concessions tunisiennes, situées dans le sud, qui s’est établie à 6.500 tep.
Le niveau de production de la société en Tunisie devrait également être stimulé par le champ de Durra qui, d’après une déclaration faite début mai par le partenaire indonésien d’Omv, Medco, devrait commencer à produire quelque 3.000 bpj à compter du mois de juin. Omv et Medco détiennent respectivement une participation de 30% et 20% dans le champ, le reste étant détenu par Etap.
Au cours de ces derniers mois, de petites sociétés ont également montré un vif intérêt et un niveau de confiance élevé à l’égard du secteur énergétique tunisien. En juin, la société New Zealand Oil and Gas, qui avait déposé une demande en août 2010, a déclaré avoir obtenu un permis de prospection d’une durée de deux ans dans le sud du golfe de Gabès. Le directeur général de la société, David Salisbury, a indiqué que la Tunisie s’était distinguée des autres pays envisagés car «elle associe un bon potentiel de prospection, des niveaux d'exploration et de production bien établis, des conditions fiscales raisonnables et un environnement favorable aux activités commerciales».
Certaines sociétés ont également identifié de nouvelles occasions de renforcer leur présence en Tunisie, créées par les troubles politiques du début d’année. La société d’exploration irlandaise Petroceltic, par exemple, a annoncé au mois de mai son intention d’investir jusqu’à 100 millions de dollars pour acquérir des participations en Tunisie et en Egypte au cours de l’année, très certainement par le biais d’accords de prise d’intérêt avec des sociétés qui exercent déjà des activités dans la région, mais qui ont des difficultés à obtenir un financement par l’emprunt en raison de l’incertitude politique.

Incertitude à court terme, attractivité à long terme
Cette incertitude a également eu d’autres répercussions limitées pour les opérateurs tunisiens. La multiplication des actions de protestation ayant pour toile de fond l’emploi et le niveau des salaires, au lendemain des agitations politiques, fait craindre d’éventuels bouleversements à court terme. Mi-mai par exemple, des manifestants ont bloqué l’accès à des succursales du groupe BG à Nakta, malgré un certain nombre de propositions de la société britannique pour répondre à leurs préoccupations, tandis que des pêcheurs locaux ont massivement occupé le siège de Petrofac en réclamant des indemnisations pour compenser l’impact du projet de la société sur leurs moyens de subsistance.
Malgré cela, les opérateurs ont décidé d’accélérer la mise en œuvre de leurs plans d’investissement, et de faire face à l’incertitude à court terme afin de miser sur l’attractivité à long terme du pays. Avec BG qui continue de faire entrer des capitaux dans le pays, outre les 3 milliards de dollars d’ores et déjà investis, et les petits opérateurs qui lancent de nouvelles opérations de prospection, ce petit pays nord-africain semble avoir un potentiel en amont considérable.

Source : ‘‘Oxford Business Group’’.