Il serait judicieux d’axer les politiques futures des régions sur le développement de l’agriculture dans l’objectif de minimiser les risques et les dépendances. Par Rym Ben Zid


Les régions de l’intérieur du pays, dans lesquelles l’activité agricole est dominante, ont été le berceau de la révolution du 14 janvier 2011 en Tunisie. La principale cause de cette révolution est le manque d’investissement dans ces régions, entraînant un taux de chômage élevé, notamment celui des jeunes diplômés.

Deux éléments essentiels sont à la base du développement et de la croissance économique : d’une part, l’existence de conditions économiques porteuses et, d’autre part, un système éducatif en adéquation avec ces conditions, apte à former des cadres et techniciens performants pour en tirer profit et les rentabiliser.

Des investissements productifs

Les conditions économiques porteuses sont celles relatives à des secteurs spécifiques dans lesquels l’investissement pourrait être productif, générateur d’emplois et créateur de richesse. Un système d’éducation et d’apprentissage est performant s’il est capable de mettre sur le marché du travail des cadres et des techniciens opérationnels, ayant la formation théorique et pratique appropriée, et prêts à être employés pour impulser la croissance de ces secteurs.

Les différents communiqués du gouvernement provisoire, ainsi que les programmes rendus publics jusqu’à présent par certains partis, préconisent d’améliorer l’emploi et de combattre le chômage sans mentionner les secteurs prioritaires ni les modalités de mise en œuvre des actions nécessaires pour atteindre ce but. Chaque secteur économique a ses caractéristiques et ses contraintes aux niveaux local, régional et national. De plus, chaque secteur économique s’intègre dans un système transnational et globalisé et de ce fait, en subit les blocages. Les futurs gouvernements ne pourront faire l’économie d’analyser de manière précise les différents secteurs de l’économie tunisienne ni de mener une réflexion sur la pertinence de continuer à développer ces secteurs ou d’essayer de les adapter à une situation sociale intérieure mouvante, caractérisée par des revendications fortes dont la principale est l’augmentation des salaires, et un contexte de crise financière quasi générale, dans laquelle les financements étrangers seront de plus en plus rares.

L’agriculture au secours de la croissance

Est-ce un hasard si la production céréalière a atteint un record dans notre pays en 2011 ? Ou est-ce un message fort lancé au gouvernement provisoire, aux partis, politiciens et, futurs gouvernants ? A un moment où les recettes du tourisme (secteur d’activités fortement dépendant de l’étranger) ont diminué de moitié, il s’avère que l’agriculture est en train d’assurer la stabilité économique de notre pays dans la période de transition. La base de la production agricole est la gestion de ressources naturelles tangibles et maîtrisables (eau et sol) et peu soumises aux incertitudes extérieures (crise financière…) et/ou intérieures  (instabilité politique). A titre d’exemple, l’Irlande a été, récemment, touchée par la crise financière mais est en train de la surmonter grâce à une agriculture forte : dans un contexte d’augmentation des prix agricoles mondiaux, l’exportation du surplus de produits agricoles a assuré des rentrées de devises qui ont permis de renflouer le système bancaire irlandais.

D’un point de vue stratégique, il serait donc judicieux d’axer les politiques futures sur le développement de secteurs tels que l’agriculture dans l’objectif de minimiser les risques et les dépendances.

Cependant, le développement de l’agriculture est freiné par différentes contraintes d’ordre structurel (répartition et gestion des ressources en eau et en sol) et climatique, par un niveau d’investissement limité aux niveaux national et local et des mécanismes de financement de l’activité agricole peu efficaces.

Ainsi une analyse de ces contraintes et l’appréciation des avantages à tirer du développement de l’activité agricole aux niveaux local et national est nécessaire. Parmi ces avantages l’autosuffisance et la souveraineté alimentaires, un développement régional équilibré grâce à une répartition des ressources plus équitable, la création de postes d’emploi dans l’agriculture et de valeur ajoutée grâce à l’installation de petites industries de transformation des produits agricoles dans les régions et le maintien des populations rurales dans leur milieu d’origine.

C’est après avoir identifié les secteurs prioritaires et leurs contraintes, qu’il sera possible de définir une véritable politique de l’emploi. Sur cette base, les curricula des formations dont l’objectif sera de produire les ressources humaines nécessaires au développement de ces secteurs seront élaborés. Il est impératif que ces curricula intègrent des stages de formation pratiques et obligatoires de longue durée durant lesquels les étudiants/stagiaires seront confrontés aux réalités de l’entreprise ou du monde agricole en relation directe avec la formation théorique qui leur a été dispensée.