Les soldes d’été qui ont été prolongées jusqu’à fin septembre n’ont pas encore fait recette. Le budget du Tunisien est serré et la déception des commerçants est palpable. Reportage de Zohra Abid


Les soldes d’été, qui ont démarré le 27 juillet, se sont traduits jusque-là pour la plupart des commerçants par une baisse de 8 à 10% par rapport à la même période de l’an dernier. Même avec des rabais allant jusqu’à 70% et 80%, le client hésite à se payer quelques plaisirs. Les temps sont durs et le consommateur a tendance à réfléchir deux fois avant de payer. Sinon, il risque de faire entaille dans son budget.

Plusieurs entreprises ont senti que la période est exceptionnelle et qu’il ne servirait à rien de participer aux soldes d’été. Résultat, le nombre de commerçants ayant participé aux opérations a vertigineusement régressé par rapport aux années précédentes. Si en 2010, il y a eu près de 2.000 entreprises exploitant plus de 2.100 points de vente, l’année 2011 a compté seulement 1009 entreprises et 1.500 et quelques points de vente. 73% pour le prêt à porter et même pas 20% pour les chaussures. Quant aux parfumeries et aux magasins d’électroménager, de meubles et d’ameublement, d’informatique... la participation est restée très timide.

La faute au marché parallèle

Côté client, les choses ne se présentent pas sous un meilleur jour. Le budget est devenu très serré. On fait donc de plus en plus attention au portefeuille, et les achats compulsifs, c’est terminé. Plusieurs Tunisiens se sont aussi tournés vers le moins cher et tanpis si la qualité laisse à désirer.

A part la friperie, un autre marché est en pleine floraison : les camelots du marché parallèle qui attirent les ménages modestes. Une marchandise d’origine inconnue vendue à un prix très séduisant a envahi des mois durant les rues des villes et fini par paralyser la dynamique des boutiques. Suite aux plaintes des commerçants et des citoyens dérangés par l’anarchie dans les quartiers commerciaux, le ministère de l’Intérieur vient d’interdire aux commerçants ambulants de continuer à exposer leurs étals anarchiques.

Cette décision est-elle tombée trop tardivement ? Sans doute… «C’est un véritable fiasco. Bon, on s’est rattrapé un petit peu pendant l’Aïd. Sinon, on était en train de ventiler pendant tout Ramadan alors que les vendeurs à la sauvette ont investi les trottoirs de la rue commerçante Charles de Gaule et fait sur notre dos grosse fortune. Ils vendent du n’importe quoi et les gens en raffolent et ne franchissent jamais nos portes», se lamente Fares, un vendeur de chaussures. Le constat est identique dans les magasins de prêt-à-porter. Raja, gérante d’une boutique de luxe aux Berges du Lac, estime que le phénomène du marché parallèle a nui à ses affaires et elle a passé son temps à se tourner les doigts et espérer...

Rabais monstres et mine grise

«Les quelques articles que j’ai vendus, c’était vers la deuxième quinzaine de Ramadan et ça n’a rien à voir avec l’an dernier. Là, j’avais parmi mes client(e)s des touristes», complète Raja qui a fait un rabais monstre sur des vêtements griffés. Elle veut tout liquider avant de proposer la nouvelle collection.

Quatre jours après l’Aïd, nous sommes revenus faire les magasins dans ce même quartier huppé. Les vitrines n’ont pas changé. Les mêmes mannequins drapés avec les mêmes articles. A l’intérieur des magasins, on a l’impression que le stock des articles soldés n’a pas été touché. Des cintres sens dessus-dessous, des paniers pleins d’articles divers à prix bas, très bas et seul petit changement, un coin pour les nouveautés.

La nouvelle collection d’automne hiver est déjà là. Avec des modèles séduisants et à un prix fou. A ne pas jeter un coup d’œil de peur de complexer (100 dinars, 1.000 dinars, 2.000 dinars la pièce ! Mais où sommes-nous ? Ne vous pincez pas, vous êtes en Tunisie !) «J’aime bien ce petit haut. Je sais que ça coûte les yeux de la tête, mais je serai la première à porter ce modèle qui rappelle les années hippies», dit une jeune fille à sa maman qui connaît bien cette mode. Une jeunesse qui, dans les années 1960, a essayé de combattre les sociétés de consommation. Ô combien les temps ont changé !

Avant de dépenser, réfléchir à deux fois

La maman ne dira pas non à sa fille, mais comme si. «On fera un petit tour à Al Hafsia (un quartier populaire de Tunis) et tu vas te régaler. A moitié prix, tu rentreras avec un cabas de fringues du genre. Sinon, si vraiment tu y tiens, il y aura les soldes flottantes dans les semaines à venir et on aura au moins 20% de réduction», murmure la quinquagénaire qui n’a envie ni de jeter son argent par la fenêtre ni de froisser sa fille qui aime être toujours à la mode et bien fringuée pour la rentrée scolaire.

Le magasin d’à côté est fermé. Pas pour des vacances d’été... Mais pour une autre raison : le gérant a commis une infraction. «Il a triché en indiquant un rabais de 50% tout en gardant le prix de l’article avant les soldes. Cela lui a coûté cher. Son magasin a été fermé depuis dix jours. Il a raté l’affluence de l’Aïd. La double peine en somme», raconte sa concurrente qui propose des vêtements pour enfants importés.

En effet, le gouvernement n’a pas fermé l’œil sur ceux qui trichent. Il y a eu pendant la période des soldes plusieurs opérations de contrôle. Là, la moisson est bien bonne. A la fin août, les statistiques parlent de 500 sorties, 20 infractions économiques. C’est bien. Mais ça n’a rien à voir avec l’an dernier. Le nombre d’infractions était dix fois plus important. Après la révolution, le commerçant tunisien est-il devenu plus discipliné ? On aimerait bien le penser… Mais, ce n’est pas là, on l’a compris, sa principale préoccupation. Pourvu que le «douleb» (roue) tourne un peu plus…