Les critiques vis-à-vis du recours à l’endettement extérieur paraissent d’ordre politique plus qu’économique. C’est une critique démagogique voire propagandiste.
Par Nasreddine Montasser
Beaucoup d’encre coule ces temps-ci à propos du recours du gouvernement provisoire à l’endettement extérieur et sur le fait qu’il est en train de signer des accords de prêts de plusieurs millions de dollars avec des bailleurs de fonds internationaux sans demander l’avis de personne.
Beaucoup de partis et de personnalités publiques voient ceci comme une hypothèque de l’avenir des générations futures et nous alertent contre l’enfer de la dette. C’est que la dette publique nous rappelle, nous Tunisiens, de douloureux souvenirs. Nous nous rappelons tous que l’occupant français, à la fin du dix-neuvième siècle, nous a asservis en s’engouffrant par cet interstice.
Dette et équilibres macro-économiques
Certainement il y a une part de vérité dans les critiques envers le gouvernement provisoire. Mais ces critiques sont justifiées plutôt sur la forme que sur le fond. Et si la Grèce souffre aujourd’hui de sa dette et que d’autres pays suivront demain, chaque pays a ses réalités et ses spécificités.
Sans entrer dans des développements savants en matière de macroéconomie et de théorie de la dette publique, certaines remarques méritent d’être mises en exergue à propos de ces critiques qui paraissent biaisées.
D’abord, il y a recours à l’endettement extérieur quand il y a un déséquilibre entre les recettes et les dépenses de l’Etat et que ce déséquilibre ne peut pas être comblé par les ressources intérieures. La dette publique renseigne donc sur les équilibres macroéconomiques résultant de l’interaction des différents agents économiques d’un pays. Elle renseigne sur la capacité de mobilisation des ressources financières des agents économiques locaux et à une échelle plus élevée sur la solvabilité d’un pays et sur la confiance des bailleurs de fonds internationaux dans son économie. Le remboursement de cette dette se fait principalement par le biais des recettes fiscales du pays.
Ensuite, cette dette devient problématique quant elle n’est pas utilisée pour faire jouer l’effet de levier financier permettant de stimuler la croissance et de garantir l’emploi. Plus grave encore quant l’endettement est cherché pour rembourser la dette antérieure ou pour financer les circuits parallèles de nature mafieuse et subversive.
Le niveau tolérable de la dette
Ceci dit, quel est le niveau tolérable de cette dette ? Il n’y a pas de règle stricte. Toutefois, il est important de signaler que le niveau de la dette publique d’un pays est apprécié par rapport à son Pib. Pour la Tunisie, il se situe entre 40% et 50% du Pib. Ce taux est- il si alarmant ?
Et bien, non. Ce taux est similaire, par exemple, à celui de la Turquie et à d’autres pays comparables. Ce taux est supérieur à 80% pour la France, l’Angleterre, l’Allemagne et les USA et il était supérieur à 150% pour le Japon en 2005.
Il parait donc que la Tunisie maîtrise jusqu’à maintenant sa dette publique et qu’elle la maintient à un niveau raisonnable malgré les difficultés structurelles et conjoncturelles auxquelles elle fait face. La Tunisie a donc de la marge pour relancer son économie chavirante par le biais du recours à la dette extérieure, une fois utilisée à bon escient.
A ce stade, la logique vacillante des inconditionnels de la contestation fait semblant d’oublier la représentativité réelle du Pib du niveau de la richesse créée eu égard à la proportion grandissante de l’économie parallèle. Et elle passe sous silence la part de l’évasion fiscale dans la réduction des ressources de l’Etat pour rembourser la dette.
Alors, au lieu de critiquer l’effort de ceux qui essayent de redresser la barre et de ceux qui participent au remboursement de la dette (principalement les salariés), ces gens feraient mieux de payer leur TNB, leur TCL et de commencer par déclarer réellement leur revenu et payer leurs impôts conformément à la loi. Ils seraient plus avisés de redevenir de vrais citoyens. Car la citoyenneté ne saurait se résumer qu'à des droits ; elle est principalement devoir et respect des règles qui s’appliquent à tout le monde. Il auraient mieux fait de combattre l’économie parallèle et de dénoncer l’évasion fiscale. Là, on n’aura plus besoin de recourir à l’endettement extérieur.
Les critiques vis-à-vis du recours à l’endettement extérieur paraissent donc plus d’ordre politique voir démagogique à caractère propagandiste que d’ordre économique. Les promoteurs de ces critiques se positionnent en tant que donneurs de leçons sur l’orthodoxie financière et oublient leurs devoirs de citoyens et de contribuables. Alors de grâce, laissez les gens travailler et passez votre chemin.