Ce dont la Tunisie dispose ne se trouve certes nulle part ailleurs, et pourtant l’industrie du tourisme dans nos murs ne cesse de battre de l’aile.
Par Aya Chedi

 


Beaucoup de défaillances et encore plus d’ambigüité planent sur un secteur qui contribue à 7% dans le Pnb de la Tunisie et fait vivre de milliers de foyers Tunisiens.

L’occasion a une fois de plus été propice pour discuter entre professionnels. Le Forum organisé, mercredi à Tunis, par le magazine ‘‘Tourisme Info’’, a essayé de traiter des questions relatives à l’avenir du tourisme tunisien.

L’occasion a permis à un nombre intéressant de professionnels de se prononcer sur les problèmes auxquels ils font face. Des problèmes multiples et presque insurmontables, qui nécessitent un travail de longue haleine avant de remédier à tous les maux. Selon beaucoup d’intervenants, il s’agit essentiellement de problèmes fondamentaux et structurels. Et c’est d’autant plus vrai, puisque la tâche de la restructuration de l’industrie, à même de la sauver, nécessite un travail en amont et en aval, tantôt sur le plan de la restructuration des unités hôtelières que sur le plan marketing de la destination et de la communication qui ont toujours fait défaut.

Un secteur propice au blanchiment d’argent

Le Forum, nous a laissé, malgré tout, un arrière-goût de «déjà vu» et de «déjà entendu», étant donné que les professionnels, à chaque fois qu’ils se rencontrent sous le même toit, commencent à exprimer leurs doléances et leurs problèmes. Souvent d’ailleurs les mêmes depuis de longues années. Cette fois, on a cru aller plus loin en exigeant «l’assainissement du secteur». Et pour cause, a laissé entendre l’un des intervenants, «il s’agit d’une industrie qui a été une issue pour le blanchiment d’argent, non seulement par les clans de l’ancien régime, mais aussi par tous ceux qui disposaient de l’argent sale.» Et d’ajouter : «C’est un métier qui doit s’apprendre, et aujourd’hui il y existe beaucoup d’intrus».

Pour Noureddine Selmi, un universitaire et expert en marketing touristique, «le tourisme tunisien est pris en otage par les hôteliers, qui eux-mêmes sont pris en otage par les tours opérateurs, alors que les agences de voyages sont prises en sandwich entre les deux. Quant aux restaurants et musées, ils se trouvent de plus en plus marginalisées et ne figurent que rarement dans les circuits touristiques ». Selon lui, cette situation a poussé plusieurs hôteliers à brader la destination, puisque «sur les 800 hôtels en Tunisie, une centaine est endettée, alors leurs propriétaires bradent les prix.» M. Selmi, qui voit dans cette situation un danger pour le secteur», a lancé, sans détour : «Celui qui n’a pas la capacité de payer ses dettes se doit de changer de métier». Et de lancer un appel pour l’assainissement de l’industrie. «Il y a des gens incompétents, que ce soit au niveau de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (Fth), qu’à celui de la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav) ou même du ministère du Tourisme et notamment de l’Office national du tourisme tunisien (Ontt)».

L’expert en marketing va encore plus loin dans son attaque en pointant du doigt le ministre du Tourisme, Mehdi Houas pour ne pas le nommer, «étranger au métier», selon lui. «Le budget consacré à sauver ce qui restait à sauver de la saison de 2011 a été consacré essentiellement à deux marchés : la France et l’Algérie, alors que ce sont exactement ces deux marchés qui ont fait défaut. On a eu des touristes allemands, anglais et de différentes autres nationalités, mais les touristes pour l’attraction desquels on a dépensé ces fonds du budget de l’Etat ont fait défaut», a déploré l’intervenant. Il faut aussi dire que Tunisair, la compagnie aérienne nationale, y a été pour quelque chose puisque «beaucoup d’Algériens avaient manifesté leur désir de rallier Tunis, mais qui le ferait pour des centaines d’euros pour une petite simple heure de vol».

Il ne fallait pas plus pour que le sujet de l’Open Sky soit mis sur la table. « Comment juge-t-on utile d’ajourner l’entrée en vigueur de cet accord qui pourrait avoir des résultats assez positifs sur le tourisme tunisien, pour, dit-on sauver cette compagnie, qui commence à être une catastrophe pour l’économie nationale ?», a renchéri M. Selmi, très en verve. Et, surtout, en colère.

Le tourisme saharien ne va pas mieux  

Avec plus de 20 ans d’expérience, Jalel Mlaiek, propriétaire d’une agence de voyage à Tozeur, juge que la crise du tourisme ne fait que s’aggraver. Il se plaint du «non respect des normes». «Comment est-ce qu’un touriste qui réside à Sousse ou à Hammamet vient faire le tour du Sahara tunisien en deux jours et parfois moins. La norme dit qu’un touriste ne doit pas parcourir plus de 350 km par jour, alors qu’actuellement on parcourt 1.200 km en deux jours pour dire qu’un touriste a effectué un tour dans la Sahara tunisien. Ils n’arrivent même pas à voir Chott El Jérid, puisqu’ils y passent la nuit», explique M. Mlaiek.

A l’instar de beaucoup de secteurs et de métiers, le tourisme tunisien a besoin d’un long travail de réflexion qui pourrait lui faire voir le bout du tunnel.

Un effort considérable doit en effet être fourni par l’ensemble des intervenants, mais ce sont surtout les professionnels du secteur qui doivent se montrer les mieux placés pour concevoir les meilleures issues. Des chiffres sur l’endettement des hôteliers, les pots de vin que certains propriétaires de magasins de produits de l’artisanat dits «agréés» donnent aux croisiéristes, avant même le démarrage de la saison, ou encore les 5% du chiffre d’affaires des hôteliers qui vont dans les poches des TO, sont tous des éléments qui en disent long sur l’état de délabrement actuel du secteur. Mais si on sait que seuls 7% des hôtels en Tunisie disposent de sites web, on comprend à quel degré le secteur est prêt pour l’Open Sky...

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Le tourisme tunisien va mal: trop de médecins, peu de remèdes!

Ce dont la Tunisie dispose ne se trouve certes nulle part ailleurs, et pourtant l’industrie du tourisme dans nos murs ne cesse de battre de l’aile.

Par Aya Chedi

Beaucoup de défaillances et encore plus d’ambigüité planent sur un secteur qui contribue à 7% dans le Pnb de la Tunisie et fait vivre de milliers de foyers Tunisiens.

L’occasion a une fois de plus été propice pour discuter entre professionnels. Le Forum organisé, mercredi à Tunis, par le magazine ‘‘Tourisme Info’’, a essayé de traiter des questions relatives à l’avenir du tourisme tunisien.

L’occasion a permis à un nombre intéressant de professionnels de se prononcer sur les problèmes auxquels ils font face. Des problèmes multiples et presque insurmontables, qui nécessitent un travail de longue haleine avant de remédier à tous les maux. Selon beaucoup d’intervenants, il s’agit essentiellement de  problèmes fondamentaux et structurels. Et c’est d’autant plus vrai, puisque la tâche  de la restructuration de l’industrie, à même de la sauver, nécessite un travail en amont et en aval, tantôt sur le plan de la restructuration des unités hôtelières que sur le plan marketing de la destination et de la communication qui ont toujours fait défaut.

Un secteur propice au blanchiment d’argent

Le Forum, nous a laissé, malgré tout, un arrière-goût de «déjà vu» et de «déjà entendu», étant donné que les professionnels, à chaque fois qu’ils se rencontrent sous le même toit, commencent à exprimer leurs doléances et leurs problèmes. Souvent d’ailleurs les mêmes depuis de longues années. Cette fois, on a cru aller plus loin en exigeant «l’assainissement du secteur». Et pour cause, a laissé entendre l’un des intervenants, «il s’agit d’une industrie qui a été une issue pour le blanchiment d’argent, non seulement par les clans de l’ancien régime, mais aussi par tous ceux qui disposaient de l’argent sale.» Et d’ajouter: «C’est un métier qui doit s’apprendre, et aujourd’hui il y existe beaucoup d’intrus».

Pour Noureddine Selmi, un universitaire et expert en marketing touristique, «le tourisme tunisien est pris en otage par les hôteliers, qui eux-mêmes sont pris en otage par les tours opérateurs, alors que les agences de voyages sont prises en sandwich entre les deux. Quant aux restaurants et musées, ils se trouvent de plus en plus marginalisées et ne figurent que rarement dans les circuits touristiques ». Selon lui, cette situation a poussé plusieurs hôteliers à brader la destination, puisque «sur les 800 hôtels en Tunisie, une centaine est endettée, alors leurs propriétaires bradent les prix.» M. Selmi, qui voit dans cette situation un danger pour le secteur», a lancé, sans détour: «Celui qui n’a pas la capacité de payer ses dettes se doit de changer de métier». Et de lancer un appel pour l’assainissement de l’industrie. «Il y a des gens incompétents, que ce soit au niveau de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (Fth), qu’à celui de la Fédération tunisienne des agences de voyages (Ftav) ou même du ministère du Tourisme et notamment de l’Office national du tourisme tunisien (Ontt)».

L’expert en marketing va encore plus loin dans son attaque en pointant du doigt le ministre du Tourisme, Mehdi Houas pour ne pas le nommer, «étranger au métier», selon lui. «Le budget consacré à sauver ce qui restait à sauver de la saison de 2011 a été consacré essentiellement à deux marchés: la France et l’Algérie, alors que ce sont exactement ces deux marchés qui ont fait défaut. On a eu des touristes allemands, anglais et de différentes autres nationalités, mais les touristes pour l’attraction desquels on a dépensé ces fonds du budget de l’Etat ont fait défaut», a déploré l’intervenant. Il faut aussi dire que Tunisair, la compagnie aérienne nationale, y a été pour quelque chose puisque «beaucoup d’Algériens avaient manifesté leur désir de rallier Tunis, mais qui le ferait pour des centaines d’euros pour une petite simple heure de vol».

Il ne fallait pas plus pour que le sujet de l’Open Sky soit mis sur la table. « Comment juge-t-on utile d’ajourner l’entrée en vigueur de cet accord qui pourrait avoir des résultats assez positifs sur le tourisme tunisien, pour, dit-on sauver cette compagnie, qui commence à être une catastrophe pour l’économie nationale », a renchéri M. Selmi, très en verve. Et, surtout, en colère.

Le tourisme saharien ne va pas mieux

Avec plus de 20 ans d’expérience, Jalel Mlaiek, propriétaire d’une agence de voyage à Tozeur, juge que la crise du tourisme ne fait que s’aggraver. Il se plaint du «non respect des normes». «Comment est-ce qu’un touriste qui réside à Sousse ou à Hammamet vienne faire le tour du Sahara tunisien en deux jours et parfois moins. La norme dit qu’un touriste ne doit pas parcourir plus que 350 km par jour, alors qu’actuellement on parcourt 1.200 km en deux jours pour dire qu’un touriste a effectué un tour dans la Sahara tunisien. Ils n’arrivent même pas à voir Chott El Jérid, puisqu’ils y passent la nuit», explique M. Mlaiek.

A l’instar de beaucoup de secteurs et de métiers, le tourisme tunisien a besoin d’un long travail de réflexion qui pourrait lui faire voir le bout du tunnel.

Un effort considérable doit en effet être fourni par l’ensemble des intervenants, mais ce sont surtout les professionnels du secteur qui doivent se montrer les mieux placés pour concevoir les meilleures issues. Des chiffres sur l’endettement des hôteliers, les pots de vin que certains propriétaires de magasins de produits de l’artisanat dits «agréés» donnent aux croisiéristes, avant même le démarrage de la saison, ou encore le 5% du chiffre d’affaires des hôteliers qui va dans les poches des TO, sont tous des éléments qui en disent long sur l’état de délabrement actuel du secteur. Mais si on sait que seuls 7% des hôtels en Tunisie disposent de sites web, on comprend à quel degré le secteur est  prêt pour l’Open Sky.