Pour relancer l’investissement, l’Etat cherche à relancer les Sociétés d’investissement à capital risque (Sicar), qui a longtemps servi à remplir les poches de spéculateurs sur le dos de l’Etat.

Par Aya Chedi


Ce secteur a toujours représenté le talon d’Achille de l’entrepreneuriat en Tunisie. Leur apport à l’investissement a un caractère très sélectif, qui désespère les jeunes entrepreneurs, essentiellement, mais tous autres types d’investisseurs en quête de soutien pour leur engagement dans un projet créateur de richesses et d’emploi.

 

 

Aider les investisseurs en quête de capitaux

Il était ainsi temps de revoir le modèle d’opération de ces Sicar, afin de redorer le blason d’une catégorie d’entreprises capable d’aider les investisseurs, notamment ceux qui manquent des investissements nécessaires et de capitaux propres pour lancer leur projet.

Il a donc fallu la Révolution du 14 Janvier, et un chambardement au sein du ministère des Finances pour qu’une nouvelle panoplie de lois apparaisse permettant de donner un peu de vie à ce secteur des Sicar.

Dans cette optique, l’Association tunisienne des investisseurs en capital (Atic) a organisé, le mardi 18 octobre, à l’hôtel Regency Gammarth, au nord de Tunis, une table-ronde consacrée aux nouvelles dispositions règlementaires et fiscales concernant le capital investissement en Tunisie. Rencontre qui a permis à un panel de cadres du ministère des Finances (Habiba Louati, Sarra Chiboub et Chafia Zouhair) d’expliquer les réformes attendues dans le secteur du capital risque.

Auparavant, ce secteur se contentait de toucher essentiellement les entreprises et startups spécialisées dans les nouvelles technologies, celles créées dans les zones de développement régional (Zdr), ainsi que les petites et moyennes entreprises (Pme), et les entités concernées par le programme de mise à niveau (Pmn) ainsi que celles en difficulté.

Dorénavant, la loi va permettre à l’ensemble des entreprises établies en Tunisie, ainsi qu’aux entreprises non cotées à la Bourse de Tunis de bénéficier des dispositions de cette nouvelle loi, mais à l’exception de celles qui exercent dans le secteur immobilier relatif à l’habitat.

Caractéristiques de la nouvelle loi

Dans l’ancien régime, et pour les Sicar, 65% du capital, au moins, devaient être libérés ainsi que 65% au moins de chaque montant mis à disposition sous forme de fonds à capital risque. Dans la loi attendue, on passera à 80% au moins du capital qui seront libérés et 80% au moins de chaque montant mis à disposition (sous forme de fonds à capital risque). Pour les Sicar, essentiellement, les investisseurs avertis, et dans le cas des ressources spéciales mises à leur disposition et gérees pour le compte de tiers, devront déclarer au Conseil du marché financier (Cmf) leurs règles de gestion. Alors que pour les investisseurs non avertis, un agrément du Cmf est indispensable. «Le Cmf fixe les règles à respecter pour la sauvegarde des fonds des investisseurs et le bon déroulement des opérations. Alors que pour les Sicar, qui gèrent pour le compte de tiers avertis ou non avertis, des ressources spéciales mises à leur disposition devront être soumises au contrôle du Cmf», soulignent les représentants du ministère des Finances.

Dans le cas des Fonds communs de placement à risques (Fcpr), l’ancienne loi concernait seulement les sociétés de gestion, les établissements de crédit et les intermédiaires en Bourse.

Désormais, elle concernera toute sorte de société de gestion prévue par l’article 31 du présent code, ou par l’article 20 de la loi n° 2005-96 du 18 octobre relative au renforcement de la sécurité des relations financières. L’objectif est de créer un cadre pour le Fonds des Fonds ; ce qui voudrait dire, en d’autres termes, que les fonds communs de placement à risque peuvent être constitués sous la forme de fonds qui emploient leurs actifs dans la souscription aux parts de fonds communs de placement à risque (comme prévu par le Code des Opc ou aux parts de fonds d’amorçage prévus par la loi n°2005-58 du 18 juillet 2005).

Pour ce qui est de l’adaptation des avantages fiscaux relatifs au réinvestissement dans le capital à risque avec le champ d’intervention des Sicar et des Fcpr, le ministère des Finances précise que le régime actuel procure certains avantages aux investisseurs. A l’entrée, soit une déduction des revenus et des bénéfices réinvestis dans la limite de 35% avec un minimum d’impôt et 100% sans minimum d’impôt si utilisation de 75% au moins dans les zones de développement prioritaire. A la sortie, il s’agit de la plus-value non imposable pour les fonds gérés et les parts des fonds.

Ce que le ministère propose, comme avantages aux investisseurs (uniquement dans le cas d’un emploi conforme à la réglementation), c’est une déduction des montants effectivement employés dans des entreprises éligibles aux avantages fiscaux dans la limite de 35% du revenu imposable avec minimum d’impôt et 100% sans minimum d’impôt, s’il s’agit d’un emploi dans l’une des zones de développement. Ceci à l’entrée, alors qu’à la sortie, le ministère propose une exonération de 50% des plus values des participations si la cession ou la rétrocession a lieu après 5 ans.

D’autres avantages aux investisseurs sont aussi proposés (si évidemment ils sont employés selon le catalogue fixé par la législation fiscale). Il s’agit, à l’entrée, d’une déduction accordée sur engagement d’emploi : 35% avec minimum d’impôt si 65% seulement sont employés, et de 100% minimum d’impôt dans le cas d’emploi de 75% dans les zones de développement. A la sortie, on propose une exonération totale de la plus value.

Les Business Angels en embuscade

Il s’agit là d’une tentative de la part du ministère des Finances de récupérer une profession, bien que purement financière, qui jongle avec les lois et qui a représenté au cours des années noires de gouvernement de Ben Ali, une alternative pour les Sicaristes et beaucoup de connaisseurs des secteurs financier et bancaire pour se faire des richesses sur le dos de l’Etat.

Certains diraient aussi que c’est in-extrémis, puisque les Business Angels se préparent à investir ce terrain du capital à risque, laissant l’initiative sortir de la main de l’Etat au profit d’autres acteurs.

De toute façon, la majorité des lois présentées, ne sont pas encore adoptées, et la concertation avec les professionnels du secteur devrait prendre un bon bout de temps avant d’adopter une loi qui satisfait toutes les parties concernées. Entretemps, c’est toujours l’investisseur, jeune ou non, qui manque de fonds propres et qui continue de chercher l’aide requise pour lancer son projet.