La prise de pouvoir par Ennahdha en Tunisie ne devrait pas impacter négativement la coopération tuniso-allemande, car toutes les parties ont intérêt à la relance de l’économie et à l’allègement du fardeau du chômage.

Par Marouen El Mehdi

La coopération tuniso-allemande et les perspectives de partenariat entre les deux pays ont été au centre du Forum économique organisé, lundi, à Gammarth, conjointement par l’Agence de promotion de l’investissement extérieur (Fipa) et la Chambre tuniso-allemande de l’industrie et du commerce (Ahk). C’est le premier forum du genre après la révolution en Tunisie et il a réuni près d’une trentaine d’investisseurs allemands, venus se renseigner et, éventuellement, mettre en œuvre certains projets.

D’après les hôtes allemands, l’économie tunisienne demeure assez solide et continue à engendrer une croissance stable malgré quelques perturbations, et elle attire beaucoup d’investissements directs étrangers. Le forum leur permettra de s’informer sur les potentiels réels du marché tunisien et ses conditions, ses spécificités sectorielles et les mutations attendues après les premières élections démocratiques.

Forum Tuniso-allemand

Des contacts avec 700 entreprises

Outre le programme de rencontres directes et individualisées entre les partenaires potentiels ou les institutions concernées dans les deux pays, le forum a été l’occasion pour établir des rapports d’expérience de la part des entreprises allemandes déjà installées en Tunisie. Ces témoignages ont permis aux participants de se faire une idée plus concrète sur les pratiques, les opportunités et même les obstacles à surmonter sur le marché tunisien.

La délégation allemande a été conduite par Martin Wansleben, président de l’Association des chambres de commerces allemandes (Dihk), l’institution de coopération allemande la plus impliquée avec les pays de l’Afrique du Nord. Au cours d’une conférence de presse, en marge du forum, ce dernier a exprimé son admiration pour la révolution tunisienne, ajoutant que la Tunisie est sur le bon chemin vers la démocratie et la liberté. «Le nouveau gouvernement est appelé à présenter ses stratégies pour la prochaine période afin d’encourager les hommes d’affaires à investir davantage en Tunisie», a-t-il dit.

Raouf Ben Debba, président de l’Ahk, a indiqué, de son côté, que cette structure a établi des contacts avec 700 entreprises, relevant des chambres de commerce et d’industrie allemandes, afin de les inciter à investir en Tunisie, précisant que trois entreprises ont déjà exprimé leur engagement envers notre pays. Il a rappelé qu’une délégation allemande composée de 30 hommes d’affaires actifs dans les secteurs de l’énergie, des industries électroniques et chimiques, de la mécanique et du bâtiment, visite actuellement la Tunisie, dans le cadre de ce forum, afin de prendre connaissance des nouvelles opportunités à même d’encourager les entreprises allemandes à investir en Tunisie.

274 entreprises et 50.000 emplois

Les exportations de la Tunisie vers l’Allemagne atteignent annuellement la valeur de 1,6 milliards d’euros et les importations sont d’environ 1,25 milliard d’euros. Actuellement, 274 entreprises allemandes sont implantées en Tunisie et elles offrent près de 50.000 emplois. Toutes ces entreprises sont restées en activité et aucune d’elles n’a quitté le pays malgré les quelques problèmes survenus après le 14 janvier.

Evoquant l’importance du forum, Noureddine Zekri, directeur général de la Fipa, a déclaré que ce rassemblement est le fruit d’un plan d’action entrepris dans plusieurs villes et régions économiques en Allemagne. A présent, il s’agit de concrétiser et de passer à l’étape suivante, celle du terrain et de l’examen de l’environnement de l’investissement après la révolution.

«Il y a de nouvelles valeurs mises en place, notamment la transparence dans plusieurs domaines qui étaient monopolisés par l’ancien pouvoir (grandes distribution, environnement, énergies renouvelables...) et ce facteur renforce à présent la confiance des investisseurs allemands», a souligné le responsable tunisien.

L’environnement des affaires actuel, a encore précisé M. Zekri, se caractérise également par une infrastructure en plein essor (10 pôles de compétitivité, 13 cyber-parcs, des zones industrielles, 9 aéroports et ports maritimes de commerce) et un cadre réglementaire favorable à l’investissement.

L’avènement d’Ennahdha et la poursuite du business

La prise de pouvoir par Ennahdha peut-elle changer les choses et remettre en doute tous ces acquis ? M. Zekri est catégorique : «Je ne pense pas que les choses vont se compliquer. Le discours de ce parti appelle au développement économique et à la lutte contre le chômage. Il ne peut pas toucher aux priorités, surtout celle de l’emploi, puisque les entreprises allemandes peuvent absorber près de 20% des chômeurs. Nous espérons voir l’Etat accorder une importance au développement de l’infrastructure dans les régions car c’est un facteur essentiel pour encourager les investisseurs allemands à venir en masse dans notre pays». Le responsable tunisien ne cache pas, par ailleurs, sa satisfaction de voir toutes les entreprises allemandes rester sur place après la révolution : «Nous en sommes fiers et il y aura encore plus d’investisseurs allemands à l’avenir».

L’Ahk a d’ailleurs enregistré, depuis le 14 janvier, l’adhésion de 104 nouveaux membres, a fait savoir, à ce propos, Dagmar Ossenbrink, sa directrice générale. Elle a ajouté que la Tunisie offre aux investisseurs allemands un marché facile à cerner, une industrie diversifiée en plus d’une situation géostratégique facilitant l’accès aux marchés arabe et africain.

La Tunisie a été, en 2010, le premier partenaire commercial de l’Allemagne au Maghreb. Et elle le restera, car l’Allemagne est un partenaire fiable et qui a des intérêts à long terme dans notre pays.

Les entreprises allemandes sont intéressées, a complété Mme Ossenbrink, par les secteurs de l’industrie, de l’infrastructure, des services, de la santé, de l’agriculture et l’agroalimentaire, des énergies renouvelables et des technologies de l’environnement.