La 26ème édition des journées de l’Entreprise, organisées le weekend dernier, dirait plein sur la situation économique actuelle en Tunisie. Et des moyens de rattraper les passifs du passé…

Par Aya Chedi


 

Deux jours durant, vendredi et samedi, on a essayé de discuter les pistes «pour un nouveau schéma de développement», mais il faudrait beaucoup plus à la Tunisie que juste un seul schéma, disent les connaisseurs.

Les organisateurs des journées, notamment l’Institut arabe des chefs d’entreprises (Iace), ont opté pour ce thème car «la situation économique de la Tunisie révolutionnaire, ses perspectives et les conditions de la reconstruction de son schéma de croissance suscitent débats et propositions stratégiques. De plus, la stratégie de développement économique et social pour le quinquennat 2012-2016, élaborée par le gouvernement de transition, que certains programmes économiques de partis politiques, présentés lors de la campagne pour la constituante, comportent une composante marquante en matière de mobilisation de ressources de financement extérieur des schémas de croissance et d’investissements escomptés, autant des questions fondamentales liées à la viabilité de la dette extérieure, à la rentabilité des projets programmes et aux préalables des performances macroéconomiques exigées ont été écartés ou vaguement traités», indique, en guise de préambule, Samy Mouley, directeur au sein de la Banque centrale de Tunisie (Bct).

Une meilleure mobilisation des ressources

Il s’agit d’un placement assez haut de la barre, car discuter par la suite des différents schémas à adopter afin de repenser le modèle de développement en Tunisie, nécessite tout d’abord la révision de beaucoup d’anciens schémas concoctés sans beaucoup de perspicacité et de claire vision. Beaucoup de politiques de développement avaient été élaborées selon des objectifs imprécis ou inadéquats, avec toutes les failles qu’elles avaient pu connaitre. Mais les défauts apparaissaient toujours aux moments de la concrétisation. Et si beaucoup de projets ont pu être réalisés au cours des dernières décennies, certains défis n’ont pu être relevés, comme celui du développement régional et on a parfois sombré dans la médiocrité. Actuellement, il faut voir tout différemment.

De leur part, les chefs d’entreprises tunisiens ont été quelque peu calmes cette année. Ils se sont fait sonder lors d’une étude élaborée par l’Iace. Il en ressort que «les entrepreneurs adhérent à l’idée de mettre en place un schéma de croissance socialement inclusif. Ils considèrent à 95% que l’amélioration de l’aptitude de toutes les catégories de la population pour l’accès à une activité productive doit être parmi les premières priorités de ce modèle». Ils sont aussi (à 92%) pour une plus grande «attention au développement des régions intérieures. Comme ils sont, toujours selon l’étude de l’Iace, et à hauteur de 85%, pour une politique sociale de maitrise des prix des produits de consommation de base, de facilitation de l’accès aux logements sociaux, à l’éducation, à la santé, etc., à de meilleures conditions pour les catégories de la population les plus démunies.

«Les entrepreneurs déclarent être prêts pour jouer un rôle citoyen pour une contribution à l’effort citoyen, dans le contexte d’un nouveau schéma de croissance qui répond aux défis de l’emploi et du développement régional». 89% des entrepreneurs tunisiens considèrent cependant que l’entreprise tunisienne est «capable, sans délais, de stimuler la croissance, la conquête de nouveaux marchés et le développement de nouveaux créneaux économiques», notent encore les élaborateurs de l’étude. 2/3 des chefs d’entreprises tunisiens «pensent que l’entreprise tunisienne serait aussi capable de créer de l’emploi». Encore plus loin, seuls 32% des enquêtés considèrent que l’entreprise va pouvoir contribuer plus, dans l’immédiat, aux ressources de l’Etat, ou au développement de l’activité dans les régions à raison de 31%. Mais on est tout de même réticent, puisque «le rôle de l’entreprise nécessite cependant une révision de la politique économique sur des points clés». Pour 85% des entrepreneurs «les deux actions urgentes les plus attendues par les entrepreneurs sont le rétablissement de la sécurité et la conciliation nationale». Et ils sont, surtout, autour de 75% pour l’amélioration des climats des affaires «en particulier au niveau de la lutte contre la corruption et des relations entreprises-administration».

Quel rôle pour l’entrepreneur ?

Avec les temps qui courent, beaucoup commencent à s’interroger sur le rôle de l’entrepreneur dans la communauté et sur la contribution qu’il apporte à la population. Une question qui surgit à son tour, est celle concernant les investissements directs étrangers (Ide), comme s’ils étaient la seule alternative. Alors qu’une bonne partie des solutions ne doit pas forcément venir de l’étranger.

Les entrepreneurs tunisiens considèrent que ce qui doit être demandé aux partenaires étrangers c’est surtout l’encouragement de l’Ide en Tunisie, pour les effets en transferts technologiques ainsi que l’ouverture et la facilitation de l’accès aux marchés. On sait en quelque sorte que ce n’est plus le chemin des emplois massifs et à très faible valeur ajoutée que l’on cherche.

Le volet de l’innovation a eu sa part des débats le long des Journées de l’Entreprise, mais sur le terrain, la question du schéma de développement reste posée, et d’abord pour le nouveau gouvernement qui va se mettre en place.