L’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) a publié, en mai, une étude réalisée par de Maxime Weigert, de l’Institut de recherche et d’études supérieures de Paris1, intitulée ‘‘ Renouveler le tourisme euro-méditerranéen: Le grand chantier’’. Les chantiers tu tourisme tunisien y sont aussi analysés.
La Méditerranée est la première région touristique du monde, avec l’arrivée de 280 millions de touristes internationaux en 2009 – soit un tiers de l’activité mondiale. La Tunisie appartient au groupe des cinq pays du sud et de l’est de Méditerranée – aux côtés de la Turquie, de la Jordanie, de l’Égypte et du Maroc – dans lesquels le secteur touristique, axé sur l’international, est relativement développé. En 2008, ces pays ont représenté 78% du total des arrivées de la rive sud et 89% du total des dépenses. Le deuxième groupe est constitué des pays où le tourisme, pour différentes raisons, est sous-développé ou sous-valorisé (Syrie, Liban, Israël, Territoires palestiniens, Libye, Algérie et Mauritanie).
La Tunisie, 2e destination mondiale de la thalasso
La régionalisation est en marche
L’étude de l’Ipemed constate que «les flux Sud-Sud augmentent depuis quelques années». Elle cite l’exemple de la Tunisie où 1,2 million d’Algériens et 1,7 million de Libyens sont entrés en 2008. Pour expliquer cette régionalisation, l’auteur évoque «la proximité [qui] réduit les distances et les coûts de transport», ainsi que «l’existence de routes et de liens séculaires entre les pays voisins.»
Il convient aussi de préciser que les diverses mobilités humaines (échanges étudiants, voyages d’affaire, pèlerinages religieux, séjours dans les pays d’origine des nationaux résidant à l’étranger…) sont généralement comptabilisées dans les flux touristiques. La prise en compte de ces mobilités ne fausse pas les statistiques économiques du tourisme. Et pour cause, souligne l’étude: «les hommes d’affaires, tout comme les émigrés rendant visite à leur famille, participent intégralement à la vie économique des pays récepteurs.» Les Tunisiens résidant à l’étranger, quand ils rentrent dans leur pays, séjournent parfois dans les hôtels et dépensent plus que les touristes européens.
Tout en soulignant les ressources touristiques extrêmement variées dont disposent les pays de la rive sud de la Méditerranée (villes, déserts, montagnes, sites culturels et naturels remarquables, sites archéologiques, etc.), l’étude remarque néanmoins que l’offre de ces pays «reste majoritairement une offre balnéaire d’entrée de gamme vouée au tourisme de masse (complexes hôteliers, clubs de vacances).» Plus de 80% des touristes internationaux qui fréquentent la rive sud vont en effet sur le littoral. En Tunisie, note l’étude, ce taux s’élevait même à 95%.
Diversification et montée en gamme
«La diversification de l’offre et la montée en gamme doivent faire partie des objectifs prioritaires des politiques de développement touristique» des pays sud-méditerranéens, souligne l’étude. Et c’est ce à quoi s’attèle la Tunisie depuis une dizaine d’années, en essayant de développer ses produits saharien, golfique, écologique et culturel.
Cette réorientation est d’autant plus urgente que la polarisation de l’activité touristique près des côtes et la prépondérance d’une offre consacrée au tourisme de masse constituent une menace pour l’environnement et limitent l’apport du tourisme au développement du pays.
Au regard de l’auteur de l’étude, ce modèle présente trois inconvénients majeurs. Ces inconvénients sont : «1- L’offre balnéaire, telle qu’elle est constituée dans l’espace méditerranéen, n’engendre guère de recettes à destination de l’industrie locale: c’est le phénomène de fuite des recettes touristiques. 2- La littoralisation du tourisme entretient les inégalités de développement des territoires au détriment des arrière-pays, véritables ‘‘déserts touristiques’’ mal aménagés. 3- Enfin, le tourisme balnéaire implique que plus de la moitié de l’activité touristique se situe entre juin et septembre. Cette forte saisonnalité est doublement préjudiciable: le taux de remplissage annuel des hôtels est faible (43,5% en 2006 pour la Tunisie), ce qui nuit à la rentabilité des investissements et les nombreux travailleurs estivaux subissent une période d’inactivité de huit mois, durant laquelle ils doivent trouver un emploi dans un autre secteur. Dans ces conditions, il est difficile pour les Psem de justifier l’adoption de politiques de qualification des emplois touristiques, pourtant nécessaires à l’accroissement de la productivité du secteur.»
La diversification de l’offre est d’autant plus nécessaire qu’elle constitue le seul moyen de lutter contre cette concentration spatiale (sur le littoral) et saisonnière (pendant la saison estivale), si préjudiciable au développement durable du tourisme.
Mise à niveau qualitative de l’offre
Pour y parvenir, chaque pays de la rive sud essaie de valoriser ses avantages concurrentiels spécifiques, en fonction de sa géographie, de son histoire ou des stratégies touristiques qu’il a déjà mis en œuvre. La Tunisie, par exemple, est en train de développer son tourisme sanitaire. Tout en œuvrant aussi pour une meilleure exploitation des ressources archéologiques du pays, le tourisme culturel étant considéré comme le plus avantageux sur le plan économique et celui qui peut produire les effets les plus structurants dans le cadre de la régionalisation euro-méditerranéenne du tourisme.
Autres enjeux soulignés par l’étude: l’accroissement à la fois quantitatif et qualitatif des infrastructures et des services collectifs nécessaires à l’activité touristique (capacité d’accueil hôtelière, moyens de transport aérien, maritime, ferroviaire et routier, etc.), et la mise à niveau qualitative de l’offre. Ces deux types de chantiers sont en cours en Tunisie, où l’on poursuit la création de nouvelles zones touristiques selon des réglementations et des normes internationales et la réhabilitation des infrastructures touristiques existantes. C’est le seul moyen pour accroître l’attractivité de la destination auprès des touristes européens, «qui sont de plus en plus nombreux à se soucier des impacts de leur consommation sur l’environnement social et naturel et qui orientent leurs choix en fonction des critères de ‘‘durabilité’’ de l’offre», souligne l’étude.
L’Iemed, basé à Paris et codirigé par le Français Jean-Louis Guigou et le Tunisiens Radhi Meddeb, est un think tank promoteur de la région méditerranéenne. Sa mission: rapprocher, par l’économie, les pays des deux rives de la Méditerranée.
Imed Bahri