Alors que les sit-in, les grèves et les agitations sociales de toutes sortes se multiplient dans tout le pays, paralysant des pans entiers de l’économie, la Banque centrale de Tunisie (Bct) a lancé, mercredi soir, un cri de détresse. Ou presque.
Par Aya Chedi
Le conseil d’administration de la Bct, qui se réunit d’habitude vers la fin de chaque mois, vient, en effet, de rendre public un communiqué qui brosse un tableau assez alarmiste de la situation économique et financière du pays. Une manière de remonter les bretelles de tous les acteurs politiques, économiques et sociaux, et de dire aux Tunisiens : «Faites gaffe ! L’anarchie que certains d’entre vous provoquent, sciemment ou inconsciemment, et souvent pour des revendications on ne peut plus légitimes, pourrait mener le pays… dans le mur».
Repli des exportations. Le bilan économique de l’année 2011 se caractérise par une évolution négative de la production et des exportations dans la plupart des secteurs. L’année a aussi connu un repli de l’investissement tant intérieur qu’étranger, et son corollaire, une raréfaction des créations d’emplois, ainsi qu'une dégradation des équilibres financiers «compte tenu de la conjoncture exceptionnelle qu’a connue le pays», indique le Conseil d’administration réuni le 18 janvier.
Les dernières prévisions ne sont pas meilleures et tablent sur une croissance négative.
113 jours d’importation. «Le Conseil a noté, en particulier, l’augmentation du déficit courant des paiements extérieurs pour s’élever à 7,1% du Pib en 2011, en relation avec la contraction des exportations des industries non manufacturières et des services, ce qui s’est traduit par une baisse du niveau des avoirs en devises à environ 10.582 MDT ou l’équivalent de 113 jours d’importation contre 147 jours une année auparavant».
Besoin de liquidité. La Bct, note le Conseil, a dû intervenu à deux reprises, en l’espace d’un mois et demi, et de façon importante sur le marché monétaire pour apporter 3.604 MDT en décembre 2011 et 3.893 MDT durant les seize premiers jours du mois de janvier courant pour permettre au secteur bancaire de fournir les financements nécessaires aux entreprises et aux investisseurs.
Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Bct au premier plan.
C’est la conséquence du ralentissement du rythme de progression de la masse monétaire M3 et des concours à l’économie, qui ont atteint, respectivement, 7,9% et 13,2%, au terme de l’année 2011. N’empêche que le taux d’intérêt moyen sur ce marché s’est situé à 3,19% depuis le début de janvier courant contre 3,23% en décembre.
S’agissant de l’évolution des prix et après les pressions enregistrées depuis l’été dernier sur les prix de certains produits, notamment alimentaires, le niveau de l’inflation s’est établi à 3,5% pour l’ensemble de l’année 2011 contre 4,4% l’année précédente.
Poursuite des pressions sociales. «Le Conseil a examiné, également, les perspectives d’évolution de l’économie nationale pour l’année 2012 qui, malgré un début de stabilisation au niveau politique, reste marquée par la poursuite des pressions sociales et par les difficultés de l’environnement international, surtout dans les pays de la zone euro connaissant récemment une dégradation de la notation financière de plusieurs pays en relation avec la crise de la dette souveraine».
Le conseil d’administration de la Bct a décidé enfin de maintenir inchangé son taux d’intérêt directeur, mettant l’accent sur la nécessité de la mobilisation par le secteur bancaire de ressources à long terme lui permettant de poursuivre son rôle de financement de l’économie.
La Bct recommande d’œuvrer à l’élaboration d’un schéma de développement et l’adoption d’une politique économique et financière claire tout en mettant en place un programme de financement qui tienne compte des capacités du pays à mobiliser des ressources intérieures et extérieures et à préserver les équilibres globaux.